Mélenchon, le retour
En France, le seul homme politique à faire de la politique avec talent, c’est Mélenchon.
La politique, cet art ancien, qui, dès les premières civilisations, se voue à l’organisation de la cité.
Une cité, on l’imagine, est faite d’intérêts divergents, d’inévitables conflits qui voient le plus souvent les puissants l’emporter.
Le grand homme politique s’occupe de la défense des faibles car l’harmonie de tous, comme dans un orchestre, est la règle d’or du vivre ensemble. Chacun joue son rôle dans la symphonie. Chacun doit être entendu et respecté. Les puissants, n’en doutons pas, s’occupent d’eux tout seuls.
Voilà pourquoi cet homme politique a un don, celui de la parole, qu’il exerce dans une sorte d’urgence oppressante, dans un engagement passionné où il jette toute sa force de conviction.
Les sophistes sont élégants et menteurs. Un homme politique, un vrai, est puissant et véritable.
Chez lui le fond, la forme, l’émotion, le courage, l’énergie, la sensibilité offertes à tous, composent un bouquet unique.
Le talent d’autrui est la richesse de tous. Dans tous les domaines de l’Art. Même dans celui de l’éloquence, plus rare à être goûté. Seule l’éloquence de Mélenchon est artiste. Universelle puisque ses ennemis, même, la lui reconnaissent.
Pendant un temps, ses vacances au Venezuela paraissant très longues, certains se demandaient s ‘il allait reprendre sa place, si, le temps de la présidentielle étant passé, il n’allait pas devenir un intervenant parmi d’autres, si son temps de parole n’allait pas être compté.
Wouahhh !
Je ne sais qu’elle est la qualité de l’air du Venezuela mais à voir la forme olympique du retour d’Usain Bolt, pardon de Mélenchon, l’Usain Bolt de la politique qui se balade vingt mètres devant les autres, on imagine que la saison va être chaude. Il est revenu aminci, énergique, tout au plaisir à nouveau de la parole, des rencontres, faisant découvrir une nouvelle facette de son talent : celui d’un homme qui manie l’humour entre badinerie et vérités cinglantes.
Sa première intervention à la fin des remue-méninges du Parti de Gauche à Saint-Laurent-d’Here, à été une canonnade fulgurante. Rarement intervention politique est allée aussi loin.
Premier tir : il concerne Hollande et l’adoption du MES-TSCG-Règle d’or. Mélenchon demande un référendum. Ce traité, on le sait, est une corde passée au cou de notre peuple. Déjà passée. La situation est tragique. Encore un petit coup, le nœud coulisse et le peuple est mort. Définitivement dépossédé de démocratie. De souveraineté. Hollande, grâce à l’intervention du conseil constitutionnel, ne sera même pas obligé de convoquer le Congrès à Versailles. Il va lui suffire, très rapidement, de faire signer une loi organique puisqu’il n’est plus nécessaire, d’après le conseil, coup de tonnerre du 9 août, d’inscrire cette loi dans la constitution. C’est une haute trahison à l’égard de l’Etat-Nation. Un coup d’Etat mené dans le cadre d’une loi odieuse. Il restera à la voter tout de même. Députés ou sénateurs s’y emploieront, socialistes et hommes de droite montrant clairement qu’ils vont main dans la main.
Mélenchon apostrophe Ayrault. Il rappelle l’anecdote suivante. Après le vote du traité de Maastricht, à la fin du congrès de Versailles, dès son retour à l’Assemblée, Ayrault avait pris la parole en ces termes :
« Parce que c’est une exigence démocratique, parce que c’est le droit des Français, parce qu’il faut rendre la parole à notre peuple, que vous soyez pour ou contre, ne privez pas les Français d’un referendum auquel ils ont droit. »
Cet Ayrault-là est-il mort ? Celui qui défendait la liberté du peuple ? Le fait d’être au pouvoir interdit-il, quand on est socialiste, de penser aux règles élémentaires d’une Nation-Libre ? Quel est cet Ayrault à présent premier ministre de son pays ? Pourquoi refuser un référendum ? Pourquoi ne pas comprendre la crainte des peuples ? De tous les peuples d’Europe ? Même des Allemands qui ont posé les mêmes réserves devant leur conseil constitutionnel ? Même des Hollandais, qui le 12 septembre, comme les Allemands, apporteront une réponse à cette Europe absurde, Ubuesque , mortelle ?
Et Mélenchon de rappeler qu’un peuple politisé vit, pense, se mêle de tout. Là sont les racines de la démocratie vivante.
« La loi de la vie, c’est la loi de l’amour, de la fraternité, du partage. »
Mélenchon a beau jeu de rappeler à Ayrault ses paroles et d’attendre une réponse. Quand aujourd’hui, Ayrault va prendre la parole à la Rochelle, dans le cadre de l’université d’été du PS, il va devoir répondre à Mélenchon d’une manière ou d’une autre. Le PS tout entier est-il devenu, à l’image de Sapin, un parti libéral affirmé et endurci ? Est-ce pour cela que les Français ont voté ? Il semblerait que non puisque certains socialistes, conscients tout de même du nom qu’ils portent, envisagent de voter contre ce traité, suivi en cela par des écologistes. Hollande va-t-il subir un premier échec lors de cette bataille dans laquelle il s’engage tout entier pour vendre son pays à la Finance ?
Alors M.Ayrault ? On attend vos réponses. Dimanche, Mélenchon, lors du discours final des Estivales citoyennes du Front de Gauche, en tirera les conclusions qui s’imposent.
Deuxième canonnade : Violente. Mélenchon demande à Gabriel Amard, président de la communauté d’agglomération des Lacs d’Essonne, de le rejoindre. L’affaire est connue. Révélée par Marianne II et Médiapart. Parce que Gabriel Amard, avait réussi à rendre la gestion de l’eau publique, la Lyonnaise des Eaux qui souhaitait une privation à son avantage, avait signé un contrat avec un conseil en communication « Vae Solis » qui s’engageait pour 70 000 euros, suivi de 40 000 en cas de réussite, à entreprendre une campagne de dénigrement contre Aymard. Aymard porte plainte devant la justice contre la Lyonnaise des Eaux. Mais le plus grave est là. Le directeur d’alors de « Vae Solis », Antoine Boulay, n’est d’autre que le chef de cabinet actuel du ministre de l’agriculture, Stéphane le Foll. Alors, M. Hollande-« Moi, président » ? Vous disiez que vous n’auriez autour de vous aucun homme soupçonné de malversation. Si la justice confirme le bien-fondé de cette plainte, garderez-vous M. Boulay dans votre gouvernement ? Cet homme qui était un très proche conseiller de votre campagne ? Mais quel genre de conseil peut donner un Boulay qui est prêt à des manœuvres barbouzardes pour offrir un contrat à des libéraux ? Si la justice confirme cette accusation, quelle pourriture, encore une fois, au sein de l’Etat ! On est habitué, certes, mais il faut éviter de jouer l’honnête homme, M. Hollande, quand on prend conseil d’une telle bouche.
Alors M. Ayrault ? Qu’allez-vous répondre à M. Mélenchon au sujet de l’affaire Boulay ?
Troisième canonnade : c’est un coup d’éclat. Julian Assange prend la parole en direct depuis l’ambassade de l’Equateur où il est bloqué . Il rappelle qu’il avait ses bureaux à Paris et remercie le gouvernement français qui, il l’espère, interviendra en sa faveur. Mélenchon dans un élan de gravité et de colère, l’ironie n’en étant pas moins évidente, se demande comment un parti de « gauche » ne pourrait pas soutenir un gouvernement Sud-Américain de gauche. Il interpelle même la Grande-Bretagne, demandant à son gouvernement de faire pour Assange autant qu’il avait fait pour Pinochet qu’il avait libéré ! On voit quelles sont les valeurs que respectent nos amis de la City !
Mais le trait le plus violent concerne les Etats-Unis qui sont comparés, à une autre échelle, à Vae Solis, utilisant les mêmes procédés iniques pour bâillonner ceux qui affrontent leur toute-puissance. Tout le monde file doux contre les Etats-Unis et l’Otan en Europe, bientôt (déjà ?) protectorat américain. Mélenchon refuse cette domination, comme les peuples d’Amérique du Sud qui ont réussi à échapper à l’emprise mafieuse du FMI. Et pour ceux à qui cet adjectif « mafieux » paraîtrait excessif, je les encourage à lire le livre de John Perkins « Mémoires d’un assassin économique » qui explique ce qu’étaient les porte-flingues du FMI en Afrique et en Asie. Bonjour la grande politique des nouveaux colonisateurs, tout aussi violents que les anciens qui donnaient, au temps de la colonisation de l’Amérique, des bébés indiens à leurs chiens sous les yeux de leur mère. ( Je signale à ce sujet un excellent dossier monté par le Front de Gauche des Pyrénées Orientales . Une étude de la naissance du capitalisme basé sur les exactions du colonialisme. Toutes ces guerres impitoyables, comme celle des Cipayes en Inde, où le nom d’humanité est barré d’une pensée libérale qui ne s’intéresse qu’aux résultats et aux gains. Les libéraux sont les héritiers de ces assassins sans foi ni loi. Il nous faut cesser d’imaginer que le libéralisme est une « Politique ». Pitié ! Non ! Employez les mots justes ! Ce sont des viols, des assassinats, des horreurs entre puissants qui ont toujours traité les peuples par la solution finale de la dépossession et du carnage.
Nous sommes à présent les Indiens, les Noirs, les Cipayes des colonisateurs libéraux. Quelle pitié pensez-vous qu’ils auront de nous ?
On connaît le désir de Mélenchon, s’il gouvernait la France, de sortir de l’Otan . Son désir d’affirmer sa différence face à un parti socialiste qui est le valet de cette puissance. Son désir de ne pas être seulement, selon son expression amusante, de ceux qui mettent des décalcomanies sur les chars des Zuniens ! Faisant témoigner Assange à son meeting, mettant les Us et Vae Solis, sur un même plan, celui du banditisme d’affaire, en une phrase il dénonce les manœuvres de l’Empire et de leurs alliés. Enorme !
Quatrième canonnade : c’est une jeune femme Elodie qui la donne. Appelée sur scène et émouvante dans une timidité compensée par le désir de tout dire. Elle est de ces malheureux Fra-Lib qui se battent pour conserver leur travail. Elle demande solennellement au premier ministre Ayrault d’intervenir auprès d’Unilever pour qu’il leur cède la marque Eléphant qui existe en France depuis 120 ans. Qui ne concerne que le marché français. Mélenchon rappelle alors l’effroyable bilan de la casse sociale. A partir du moment où le gouvernement « socialiste » n’a pas défendu PSA, on a vu quel a été le résultat. Aussitôt le PDG d’Unilever s’est répandu en mensonges et menaces. Bravo la politique sociale des « socialistes » ! Or Elodie rappelle que ceux qui veulent reprendre Eléphant souhaitent utiliser des aromes naturels pour donner à leurs produits une qualité plus écologique que chimique. On n’aurait pas besoin de ce savoir-faire dans notre pays ? Oui, Ayrault doit réquisitionner quand il s’agit de la survie des travailleurs. C’est cela un gouvernement de gauche !
Cinquième canonnade : elle est tirée par Thierry qui vient parler de Thalès. Ce fleuron de la technologie française va être démantelé . Une des plus brillantes entreprises née du talent de l’ingénierie française qui va être dépecée pour être vendue à l’étranger. Ils sont mille à Grenoble. Leader mondial. Or l’Etat est actionnaire à 41 % de Thalès. Il était donc tout à fait possible, comme les syndicats l’ont demandé, que les représentants de l’Etat, lors du vote des actionnaires, arrêtent ce procédé de liquidation. L’Etat de Hollande ne l’a pas fait. Incroyable. L’Etat de Hollande, serviteur des libéraux. Une nouvelle fois, c’est dit. Une nouvelle fois, c’est prouvé. Vous n’en avez pas marre , vous qui avez voté socialiste, de voir la réalité de la France « socialiste » ? Jusqu’à quand allez-vous attendre pour dire que vous avez été dupés ?
Alors Ayrault, Hollande et consort, vous voulez toujours lutter contre Mélenchon avec du mépris ou petites phrases ? Lui, par des faits, vous accule dans vos faux semblants.
Qu’allez-vous répondre M. Ayrault ?
Comment allez-vous entrer dans la campagne du traité Européen où il est du devoir des militants de tous les partis d’ouvrir les yeux des Français sur ce qui les attend face à cette fameuse règle d’or qui n’est rien d’autre que l’étalon de la misère ? De leur misère.
C’était émouvant, hier, de retrouver le Front de gauche qui est le Front de Guerre des citoyens . Ses réunions sont des barricades quand celles des autres partis sont des kermesses. Un des rares endroits où l’on sent la réalité de la guerre dans laquelle nous entrons.
Cette fameuse guerre économique qui se referme comme un piège si nous ne savons pas informer tous ceux qui, autour de nous, se dirigent tranquillement vers l’abattoir sans comprendre. Eux mais aussi leurs enfants, leur Histoire, leur Nation.
Merci, M. Mélenchon d’être de retour avec votre grande gueule, votre grand cœur, votre immense talent. Si rare le talent, si fragile, si jalousé. Il est si dangereux d’avoir du talent, richesse pourtant commune.
Alors, M. Ayrault ? On attend vos réponses.
La suite à ce soir et à demain.
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