Monsieur X et le simulateur
Il analyse donc le scénario d’un départ à 62 ans et se rend compte rapidement qu’il va entraîner une dépense inutile à sa caisse de retraite de 20640 € (860 € pendant 24 mois), ce qui est une somme ! Mais le même simulateur lui enseigne que dans 2 ans, sa retraite sera établie sur la base de 920 € et comme il sait que son espérance de vie est de 22,2 années, il se rend compte que ce surcoût de 20640 € doit être minoré de 14544 € (le supplément de 60 € payé chaque mois de 62 ans à son décès). Sa décision de partir à 60 ans ne coûtera donc à sa caisse qu’un peu plus de 6000 € en un peu plus de 22 ans soit 275 € par an, ce qui ne le chagrine presque plus.
D’autant plus qu’au cours de ses réflexions, il s’est dit que s’il continuait à occuper son poste de travail de 60 à 62 ans, il retarderait l’embauche d’un plus jeune que les Assedic devraient indemniser pour un montant à peu près égal au montant de sa retraite et que, s’il ne sortait pas des mêmes caisses, l’argent public serait débité de la même somme chaque mois soit pour un chômeur et ils seraient deux à voir la vie en gris (l’un dans l’incertitude et lui dans la lassitude), soit pour un retraité et ils seraient deux à voir la vie en rose. Sa décision est donc prise et il ne comprend pas qu’on puisse supprimer cette liberté de choisir de partir ou non à la retraite à 60 ans.
Il se dit qu’il est peut-être un cas particulier et élargit ses recherches. Pour son épouse d’abord, qui, comme lui, n’a connu que le SMIC depuis ses 18 ans mais a connu 6 ans de trous dans sa carrière plus ou moins indemnisés. Les mêmes causes produisant les mêmes effets : son épouse choisit de partir à 60 ans avec 840 € sans attendre les 880 € annoncés à 62 ans. Sa longévité (elle a une espérance de vie de 27 années) coûtera un peu plus à sa caisse de retraite (8000 € soit 306 € par an). Mais sa solidarité avec les plus jeunes fait pencher la balance, d’autant que sa retraite étant un peu plus faible, il y a tout lieu de penser qu’elle coûtera moins que l’indemnité de chômage qu’elle remplacera.
« Nous ne sommes que deux smicards, se dit M.X. Analysons d’autres cas ». Son copain de la laïque, M. Y, a lui obtenu un diplôme et, s’il a été embauché deux ans plus tard, à 20 ans au SMIC, il a connu une progression régulière de sa carrière qui lui permet d’atteindre désormais au salaire moyen : il gagne désormais 2069 € net par mois et craint la chute de son revenu. M. X, désormais bien rôdé, lui promet de faire les simulations nécessaires. Celles-ci confirment que le revenu de M. Y sera largement amoindri : sa retraite à 60 ans sera de 1340 €. Mais, surprise, la décision de M. Y de partir à 60 ans ne coûterait rien ou presque à la caisse (le différentiel serait de 29 € par an) malgré une retraite de M. Y établie à cet âge à 1470 €.
Ce sujet de conversation étant devenu fréquent pour M. X, il a un jour assuré à son chef, M. Z que celui-ci ferait perdre de l’argent à sa caisse de retraite en retardant son départ. Lecteur attentif de la presse, M. Z a ri au nez de M. X. Vexé, M. X s’est replongé dans ses simulations et il a bien regretté de ne pas avoir pris de pari indexé sur le différentiel. En effet, M. Z, qui a fait des études, a été embauché à 22 ans et a toujours connu les salaires moyens, ferait économiser plus de 60000 € (soit 2739 € par an) en partant à 60 ans.
Bien qu’il soit sûr que l’économie aurait été encore plus grande, M. X n’a pas osé proposer ses services à son patron. Il n’ a pas osé non plus communiquer les chiffres de la simulation qu’il a faite pour son cousin M. T, qui a connu plus d’une galère et n’a cotisé que 25 annuités au SMIC. Peut-on offrir le choix quand l’alternative est de 310 ou 420 € ? Mais son départ à 60 ans aurait lui aussi été économique pour la caisse.
Fort de ces constats, M. X ne comprend pas qu’on puisse présenter comme inévitable le report de l’âge du libre choix du départ à la retraite. Il en conclut qu’il ne s’agit là que d’une pure revanche politique et qu’il s’agit d’annuler une conquête sociale. Il se réjouit d’avoir encore une place sur le mur du salon de la maison dont il a hérité. Son père, sous forme de boutade, avait accroché le portrait de Léon Blum à côté du crucifix sous prétexte que l’un avait créé le dimanche et l’autre les congés payés. Il n’avait pas osé accrocher celui de Mauroy pour la retraite à 60 ans, ni celui de Jospin pour les RTT. Mais juré, il accrochera celui de Martine Aubry en 2012 !
Les montants mensuels de retraite ont été obtenus par le simulateur du site [email protected] en entrant les données de chacune des hypothèses citées dans le texte. Les autres chiffres en découlent mathématiquement, sachant que la longévité est calculée par l’INSEE :
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF02240
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