« Non-lieu » pour « la présidente »
Ça y est, on l’a posée ! Je veux parler de la cerise sur le gâteau de la monarchie républicaine. Le gâteau avait été terminé par Mitterrand, il ne manquait que la touche finale. Cent jours de règne auront suffi, et deux expressions : « non-lieu » et « la présidente ».
Laurent Wauquiez, porte-parole du gouvernement, a employé vendredi 24 août l’expression "la présidente". C’était le premier conseil des ministres de la rentrée. On peut dire que le ton est donné ! Ainsi, nous dirons désormais "le président" et "la présidente", comme on dit en monarchie "le roi et la reine".
Autre signe des nouveaux temps, le président monarque change le sens des mots selon sa convenance, "car tel est mon bon plaisir", disaient les Bourbons. Il en est ainsi du mot "non-lieu" qui signifie en droit le non recours à poursuites, faute d’éléments de preuves permettant d’inculper l’accusé. Ce même vendredi, notre roi Sarkozy lui a donné un sens différent, brossant dans le sens du poil l’émotion populaire : "S’il faut changer la loi, j’y suis prêt. (...) Ces familles veulent faire le deuil. Pour elles, un non-lieu, c’est dire que l’événement n’a pas eu lieu, a-t-il expliqué. Ma responsabilité, c’est de prendre en compte la douleur des victimes." Notre président pouvait, par cette occasion qui était donnée, faire partager ses connaissances juridiques et expliquer le sens du mot "non-lieu". C’eut été une démarche pédagogique et de citoyen. Il a préféré une autre attitude et le mensonge sur le sens des mots.
Il semble donc que vendredi n’était pas la Saint-Barthélemy pour rien : le massacre de la démocratie est engagé.
Accusé à juste titre par la gauche de verser trop dans le populisme, Sarkozy enfonce le clou : "Sous prétexte que je suis président de la République, je ne devrais m’intéresser qu’aux grandes affaires du monde ! Je veux être celui qui reste proche des Français et qui réagit avec eux", et d’un geste auguste, il élude les questions sur la croissance en panne que le gouvernement ne veut pas voir. "Non-lieu" aussi pour la croissance en panne ? La question n’aura "pas lieu" d’être !
Pour ce qui concerne Cécilia Sarkozy qui a grillé le ministre Kouchner dans l’affaire de la libération des infirmières bulgares, il y aura "non-lieu". Priée de s’expliquer devant la démocratie, c’est-à-dire devant une commission parlementaire, le monarque Sarkozy a décidé de dispenser "la présidente" de cette fâcherie. Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, a été autorisé à répondre devant la future commission parlementaire, mais la première dame en serait dispensée, en tant que "représentante personnelle" du chef de l’Etat. "Cela relève d’une rhétorique jésuitique sans précédent et sans fondement juridique. Et encore, je ne suis pas gentil avec les jésuites", s’exclame le professeur de droit constitutionnel Olivier Duhamel. C’est de fait accorder un statut de femme de monarque à madame Sarkozy, un statut de personne intouchable ne pouvant être touchée que par la Grâce divine et jamais par l’expression démocratique. "On peut comprendre que personne ne réponde à l’Elysée parce que le président n’est pas responsable devant le Parlement. L’un oui et l’autre non c’est plus difficilement compréhensible", ajoute l’universitaire Guy Carcassonne. Ecarté l’article 3 de la Déclaration de Droits de l’Homme et du citoyen : "Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément" ?
La monarchie est décidément bien en place, les courtisans se réjouissent. Ainsi, Jack Lang, membre du comité de réflexion sur les institutions de la Ve République, applaudit des deux mains ! Mais pour parer le tout d’un semblant de vraie légitimité et faire oublier ce qui pourrait paraître trop comme pitreries chez un socialiste repenti, il fallait un Pierre Mazeaud. L’ancien président du Conseil constitutionnel - cette institution conservatrice et non démocratique chargée de veiller au maintien de notre monarchie de moins en moins républicaine - assène de façon définitive que de toute façon, même lui se serait soustrait à cette obligation de rendre compte devant les représentants du peuple si on le lui avait demandé. La cerise sur le gâteau je vous dis...
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