Nous ne nous battons pas pour les mêmes choses.
La bataille contre le CPE, ou pour, selon le point de vue.
Vue de l’Écosse, cette situation reste terrible et inquiétante. Les médias britanniques, contrairement aux médias américains, restent assez soft et ne déclarent pas que la jeunesse française est conservatrice et irresponsable. BBC ou encore Sky News ne diffusent certes que les images des jeunes « casseurs » montrant leur derrière à la caméra, menaçant de loin la police, visage cagoulé, mais la neutralité l’emporte dans leurs propos.
De plus, la cause de la mort encore incertaine d’un ancien dirigeant de Sinn Fein, l’aile politique de l’IRA, est bien plus préoccupante outre-Manche. Les Français interrogés par Sky News ne cachent cependant pas leur subjectivité, et hier encore une personne anonyme s’exprimant dans un bon anglais ne se privait pas de raconter à la Grande-Bretagne entière que la crise que nous traversions en ce moment, tout comme celle d’octobre dernier, n’était qu’une passade, puisqu’en France, selon elle, les étudiants manifestent tous les cinq ans, et que chaque génération organise son soulèvement populaire toutes les deux décennies, uniquement dans le but de faire toujours mieux, toujours plus que Mai 68.
Il y a dix jours, j’apprenais que 30 000 personnes étaient descendues dans les rues de ma ville natale, dans les Pyrénées. Hier, beaucoup plus encore manifestaient leur refus de cette loi, ainsi que partout en France. Le mouvement ne s’était pas essouflé, loin de là. Ne pouvant rien faire d’ici, en Écosse, où, comme en Angleterre, le chômage est illusoirement endigué grâce à la précarisation du travail, le foisonnement des petits boulots avec lesquels jonglent les travailleurs tout en se faisant manier comme des pions par les patrons, imaginez ma joie de voir tous les syndicats, toute la gauche et un aussi grand nombre de Français unis derrière un seul mot : non.
Enfin on entrevoyait une issue, une fin heureuse pour nous, où non seulement les emplois des jeunes, mais leur expérience professionnelle, et les retraites, allaient être sauvés.
Ce qui est inacceptable, et que le monde a du mal à comprendre que nous refusions, c’est le fait qu’un jeune qui sera embauché sous un contrat première embauche, ou un contrat nouvelle embauche, sera dans 90% des cas renvoyé au bout de la période d’essai, qu’elle dure deux ans ou un seul. Un patron aura du mal à renoncer aux avantages que représente une telle loi. Pouvoir enchaîner les employés en période d’essai autant qu’il le veut... C’est de l’or en barre !
Les Français tiennent à la sécurité de l’emploi. Et elle doit être considérée comme un droit, non comme un privilège. Un travail, quel qu’il soit, n’est pas seulement un moyen de gagner de l’argent. C’est un vecteur de socialisation, un moyen de survie beaucoup trop important pour laisser des hommes politiques en décider pour nous.
Si les jeunes doivent enchaîner les petits boulots, ou plutôt les périodes d’essai jusqu’à 26 ans, pour ensuite avoir beaucoup de mal à trouver un emploi à la hauteur de leur qualification - qu’ils n’auront pas pu approfondir ou mettre en application à cause de cette loi de précarisation du travail -, cela va retarder leur entrée dans la vie active, et donc le début de leurs cotisations, de leur contribution à la société. Le problème des retraites, du déficit de la Sécurité sociale et autres... comment seront-ils résolus ? Sans compter qu’en passant d’un CPE à l’autre, il y aura des périodes de chômage. Comment cela sera-t-il géré ? Comme le statut des intermittents du spectacle ?
La France repose sur le système de la contribution sociale, et c’est une force, face à un capitalisme ambiant, symbole d’un individualisme agressif et guerrier qui met la planète en danger pour que ses fonds de pensions se portent bien.
La France des travailleurs, la France qui ne veut pas céder face au diktat des patrons aisés qui ferment nos usines et se réservent des parachutes qui permettraient à des dizaines de famille de vivre correctement, est restée unie et a déstabilisé l’ennemi.
Mais ceci ne va certainement pas faire notre bonheur.
Après que notre président nous eut à nouveau pris pour de paisibles moutons qu’il bernerait aisément avec des négociations bien plus fielleuses que mielleuses, et surtout inutiles, le Premier ministre, qui compte deux erreurs en deux actions (il avait déjà conseillé au président de dissoudre l’Assemblée, ce qui lui avait apporté la cohabitation au gouvernement), est rentré au vestiaire. On a raccroché les gants de velours supposés aider la main de fer, et on prend la matraque.
Le président de l’UMP qui avait jusqu’à présent attendu gentiment son tour, va passer à l’action. Mais le problème est que son domaine de prédilection n’est pas la politique, la diplomatie, ni le dialogue.
Comptant sur le soutien de Français qui malheureusement ont intérêt à ce que cette loi passe, il s’apprête à employer la bonne vieille méthode qui consiste à tirer dans l’autre sens sur le levier qui ne veut pas s’enclencher, de toutes ses forces. De plus, là où nous jouons notre futur à long terme, lui joue pour 2007. Il doit réussir là où les autres ont échoué, à sa manière. Ainsi toutes ses actions seront ensuite légitimes. Laisser gagner cet homme, c’est perdre tout moyen de défense pour notre avenir. L’atmosphère est saturée des intérêts propres de nos dirigeants.
Revenons au fond de cette loi, auquel les pays anglophones adhèrent, et qui comme les instigateurs de cette loi sont persuadés qu’il y a là la solution au chômage. Le CPE et le CNE sont censés accroître et faciliter l’embauche. Mais ils facilitent surtout les licenciements.
Plus par moins est égal à moins.
Mais en fin de compte, nous avons pour nous la valeur la plus chère de notre pays, la démocratie. Aucun président, et encore moins un ministre ou un chef de parti, ne pourra aller à l’encontre de ce pouvoir que le peuple possède.
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