Nucléaire : L’urgence d’un débat
Alors que chacun voit l’indécence où il veut, et accuse tel ou tel parti de tirer la couverture à lui, il faut reconnaître une chose : le nucléaire fait débat. Et on pourrait ajouter « enfin ! ».
Enfin les chaumières françaises vont inviter à leurs repas domicaux le sujet épineux du nucléaire. Enfin les hyperbranchés voyant apparaître ce mot dans leurs flux d’informations, se poseront la question de savoir d’où vient l’électricité qui les alimente. Du moins espérons-le de tout cœur. Ceux qui ne se contenteront pas de la panique informationnelle ambiante et qui prendront la peine de lever un coin du rideau des médias de masse, ceux là découvriront un monde. Le monde de la politique énergétique. Le monde de la France championne du nucléaire.
Si le gratin politique en vue se jette actuellement dans la défense du dernier rejeton nucléaire français, l’EPR, sans économiser sa mauvaise foi, sans fausse pudeur, ce n’est pas un hasard. La France est aujourd’hui à un tournant de sa politique énergétique. Les centrales nucléaires vieillissent et les décisions à prendre engagent les générations futures. Dans l’indifférence générale, et dans le déni des quelques particuliers sensibilisés à cette question, l’État français a décidé de persévérer il y a quelques années dans le choix énergétique de ses pères : la production d’électricité par le nucléaire civil. L’EPR de Flamanville est sorti de terre, au mépris des plus élémentaires règles démocratiques. L’EPR de Penly suit de près. L’État français aurait pu prendre l’option d’assumer les choix du passé en garantissant une fin de vie maîtrisée et sécurisée des centrales vieillissantes (tâche déjà bien ardue), tout en favorisant la recherche et l’émergence de nouvelles technologies énergétiques. L’État français aurait pu faire le choix de voir si on ne pouvait pas faire mieux, d’un point de vue technique, social, environnemental, et économique.
C’est strictement l’inverse qui se produit. D’abord, le parc vieillissant n’est pas assumé correctement. Le centrales ont vu leur durée de vie prolongée de manière quasi-arbitraire, au mépris de la sureté de fonctionnement. L’effort financier et technologique à fournir pour le démantèlement des vieux réacteurs est sous-estimé. On s’aperçoit sur le site de Brennilis, cas d’école du démantèlement, qu’une centrale nucléaire est un double challenge technologique : réussir à la faire fonctionner, et réussir à la faire disparaître. Le dernier ne vaut pas moins que le premier. Voilà pour ce qui est d’assumer les choix du passé.
Quant au futur maintenant, la relance du nucléaire va continuer de siphonner une bonne partie des crédits qui pourraient être alloués à d’autres formes d’énergie. La France, en s’autoproclamant championne internationale de la relance, prend le risque de rater un saut technologique sur les énergies renouvelables, au niveau national et international. Le train du progrès passe, et l’État français trouve plus simple de construire son propre train qui partira à l’envers.
Les choix énergétiques sont des choix de société. Ils dépassent les logiques partisanes et le plus grand nombre doit se les approprier. Si on ne saisit pas l’occasion de cette catastrophe au Japon pour enfin prendre conscience que la question du nucléaire et un enjeu de société au niveau international, quand le fera-t-on ? Est-il souhaitable que l’État français revendique le rôle de moteur de la relance internationale du nucléaire civil ? Est-ce un choix d’avenir ? Est-ce un choix pragmatique ? Par-dessus tout, est-ce le choix des citoyens français ?
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