Onfray ? Fallait pas l’inviter !
Lors de l’émission « Ce soir ou jamais » du 14 janvier dernier, le philosophe Michel Onfray a été remarqué à défaut d’être remarquable. Il avait un message à faire passer… (introduction de Chantal Delsol)
La mise bout à bout de ses prises de parole forme un petit discours choc, sur la fin de l’occident chrétien, fin entamée selon lui à la révolution de 1789. La (fin de) domination de cet occident pouvant (maintenant ?) laisser la place à une « civilisation planétaire » où un « Constantin » musulman pourrait rassembler l’Oumma. L’islam venant compléter ce qu’il serait facile, mais abusif, de considérer comme une sorte de « sainte-trinité » planétaire. Le libéralisme financier (pour l’aspect matériel), l’alter mondialisme gauchiste (pour le côté politique), et donc l’islam conquérant (pour la dimension spirituelle).
Michel Onfray parle « cash » et sans langue de bois. Il y a des soirées comme ça. On aime, on n’aime pas, mais on a l’impression d’avoir ouï un propos incisif, sans ambiguïté, presque sans ironie, sans second degrés, sans « entre soi », mais évidemment pas sans contradiction et sans arrière pensée. Il est aux antipodes du discours « bisounoursique » des politiques sidérés par leur créature, notre société multi-tout.
Car sinon, outre que l’on peut légitimement se poser la question de savoir si une civilisation planétaire est encore une civilisation, la tirade de Michel Onfray peut laisser perplexe. Réalisme ? Cynisme ? Pessimisme ? Malgré le ton volontairement distant et un brin désabusé, il est difficile (sur cet extrait) de dire comment Onfray se situe, quel est son point de vue sur le déclin, plus radical même sur la mort, de l’occident, puisque pour l’expliquer il fait appel à un très nietzschéen « par delà le bien et le mal » (donc hors morale).
D’abord sur les Lumières. Onfray semble s’en faire le défenseur, et les admirer. Pourtant ils sont au cœur des idées révolutionnaires qui l’emportent après 1789, qui toujours d’après le philosophe marque le début du long processus de déclin de la civilisation occidentale aboutissant sous nos yeux à sa mort… Doit on se réjouir, ou même simplement rester à observer froidement la fin de l’occident, si il est porteur de valeurs universalistes (faute d’être universelles), des droits de l’homme, de la tolérance, de l’espoir dans le progrès ? On croit comprendre que, pour le côté « positif » (selon la pensée dominante), la disparition de l’occident signera celle du christianisme et du matérialisme « trivial et vulgaire ». Deux « ismes » honnis, mais qui nous ont fait ce que nous sommes. Sommes nous tellement laids qu’il ne faille tenter de trouver de quoi prolonger l’aventure ?
Et puis surtout dans les déclarations du philosophe au ton désabusé, une phrase ne peut passer inaperçue à la 19e seconde de la 5e minute de la vidéo. Celle-ci :
« Les vraies civilisations se constituent avec les gens qui peuvent, qui veulent mourir, qui font la défense de la guerre, qui font l’éloge de la force et de la brutalité, qui s’installent… ».
Cette phrase est inquiétante. Non ? Heureusement que c’est Michel Onfray,, un philosophe, qui la prononce et non un homme politique.
Michel Onfray semble voir dans la tolérance de l’occident son renoncement à la violence, celle qui fait les « vraies » civilisations… L’occident serait donc « faux » ? Pas un tigre, mais une civilisation en trompe l’œil, une civilisation de papier. Le propos mériterait d’être développé. J’avoue que sur le moment il m’a dérangé. Et que je continuerai à y réfléchir.
C’est vrai, une société civile et civilisée nécessite une force pouvant aller jusqu’à la violence dissuasive pour que la tranquillité l’emporte sur la discorde et le désordre. Ce n’est pas contestable. Dans le « concert » des nations, là encore, celle qui renonce à la violence, ou s’en montre incapable court le risque d’être absorbée ou asservie. Pour Onfray il semble en aller de même pour une civilisation. Celle qui renonce à la guerre, celle qui veut plus convaincre que dominer et imposer, renonce à se maintenir…
Les Droits de l’Homme issus des Lumières seraient donc le cheval de Troie dans la civilisation occidentale. Le relativisme est le fruit empoisonné. Voilà une affirmation bien difficile à faire passer auprès du grand public formé par l’école et les médias « républicains » à d’autres points de vue sur le sujet des Droits de l’Homme. En fait on s’aperçoit après la colonisation et avec la mondialisation que les « Droits de l’Homme » ne sont pas une loi « naturelle », mais l’occident a encore bien du mal à l’admettre. Les « Droits de l’Homme » ne sont pas « naturels » et ont besoin de la force pour s’imposer. En mythifiant la Révolution, en embellissant le tableau de la Terreur, en ne retenant que Valmy, en minimisant la Vendée, on l’a presque oublié. Pratiquement Onfray nous rappelle sans doute que renoncer à la conquête, c’est aller vers la défaite, c’est se soumettre, en y renonçant, à la raison du plus fort, à la brutalité. Celle-là même à laquelle Klaus Barbie s’accrochait encore au fond de sa prison lyonnaise en disant en gros « si Hitler avait gagné la guerre il aurait eu raison ».
Aujourd’hui en occident la seule violence acceptée, tolérée par la bonne pensée, et encore, est celle de la résistance forcément légitime. Je dis « et encore », car faut-il qu’il s’agisse d’une résistance à une action elle-même violente. Ainsi la mort de l’occident constatée par Michel Onfray ne légitimerait aucune résistance, ni violence, puisque cela se fait en douceur… Donc en plus de ne plus espérer, ou au moins de douter dans le progrès qui est à la base de notre élan optimiste au XIXe et XXe siècle, ce progrès qui venait remplacer la foi, nous nous interdirions de réagir à la disparition de notre « fausse » civilisation, Droits de l’Homme faussement « universel » obligent.
Qui en France est prêt à la guerre ? Qui la défend ? Même « propre » ? Nous n’en sommes effectivement plus là et je dirais heureusement. Nous en sommes à la désobéissance, je dirais hélas. Des élus, des enseignants, de la justice même, de la société civile. Les lois contraignantes sont refusées, parfois inappliquées.
Le contrat démocratique ouvertement défié. Nos jeunes générations ont été à juste titre mises en garde contre la nature de l’extrême-droite, leurs yeux sont toujours braqués de ce coté. Ils ne voient pas que derrière eux, sur les bases que je viens de décrire, un droit de l’hommisme relatif, une alliance islamo-gaucho-financière (mis comme ça bout à bout c’est du délire) pointe le bout de son nez. Son intolérance serait au moins aussi grande et totale que son « opposé ».
Ben dites donc, va falloir que je révise mes « fondamentaux ». Après le post-nationalisme, le post-industriel, le post-théologique, le post-communisme, le post-racialisme, voici venir peut-être le post-civilisationnel et le post-communautarisme orwellien où les mots risquent bien d’être maltaités…
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