Pénurie d’enseignants ? Pourquoi les diplômés ne veulent-ils pas connaitre le plaisir d’enseigner ?
C'était il y a quelques temps, un dimanche-matin, autour d'un café. Un ex-jeune prof me relatait sa mésaventure d'une année d'enseignement contractuel, dans un lycée professionnel d'Eure-et-Loir. Caillaissé devant le bahut par des élèves, il était allé se plaindre au proviseur. Celui-ci, en guise de soutien, lui conseilla de... revoir sa pédagogie(!). Un cas classique, ultra-connu, que chacun connait par les témoignages des enseignants de son entourage.
Or, traditionnellement avec le retour des beaux jours, les pouvoirs publics nous ressortent les statistiques des concours de recrutement d'enseignants. Sans surprises. Pour résumer, 1676 postes n'ont pas été pourvus l'an passé. Seuls 10993 sur 12669 postes ont trouvé preneur. Il y a déficit en mathématiques, en lettres, dans l'enseignement professionnel etc.
Rien de bien nouveau me direz-vous. A une époque où les jeunes diplômés (rappelons qu'il faut désormais un bac plus cinq pour postuler dans l'enseignement) préfèrent s'exiler pour travailler dans des conditions correctes, la crise de recrutement est partie pour durer. Avec des salaires au niveau du Portugal, des élèves parmi les plus durs de l'OCDE (la France est 58ème pour le "climat de confiance" dans les établissements scolaires), une administration soviétique, une hiérarchie carriériste et peu téméraire (voir le premier paragraphe de l'article) ainsi que le manque de reconnaissance d'une population gavée de discours anti-fonctionnaire, on comprend le peu d'empressement des jeunes intellectuels à tenter d'accéder au plaisir d'enseigner, pour reprendre le slogan de campagne du ministère.
Chaque société a l'école qu'elle mérite, après tout. Cependant, c'est l'hypocrisie générale autour de la question de l'éducation qui interpelle. Comment des officines telles que la FCPE, proche du PS, osent-elles s'étonner de l'absence et du non-remplacement des profs ? Le gars caillassé et humilié par ses cancres d'élèves n'a pas été suppléé après son "accident du travail" ? Que la FCPE aille demander des comptes à son courageux chef d'établissement ! Quand dépressions nerveuses et abandons de poste sont monnaies courantes, on en recherche les raisons. D'ailleurs, combien de français savent qu'il n'y a pas de médecine du travail dans l'éducation nationale ?
Bien entendu, les pouvoirs publics qui ont engendré cette triste situation n'assumeront pas leurs erreurs et leur manque de clairvoyance. Comment s'étonner, par exemple, que le rapport sur la réforme des rythmes scolaires soit "bloqué" au ministère, et que sa publication soit reportée au printemps 2017, après... l'élection présidentielle ?
Entre la gauche bobo dépassée par son angélisme éducatif, avec son pédagogisme foireux à la Philippe Meirieu et une droite libérale qui se moque des questions de société, la France a été bien servie ses quarante dernières années. Que les familles qui s'occupent encore de leurs enfants se débrouillent, en payant des cours particuliers à leurs mômes...
Triste avenir pour un pays qui méprise ses intellectuels et sa jeunesse. Gérontocratie ? Individualisme franchouillard ? Indifférence ? Manque de courage ? Les motifs d'explication ne manquent pas. Toujours est-il que peu d'enseignants souhaitent faire une carrière complète de nos jours, et que nos pouvoirs publics sont peu pressés de promouvoir la mobilité professionnelle des profs, pourtant un des engagements en contrepartie de la réforme des retraites. En matière d'éducation, on ne peut être respecté que si on est respectable, c'est-à-dire loyal et honnête... Un principe à méditer par nos princes et nos bureaucrates donneurs de leçons.
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