Port du voile de parents lors des sorties scolaires : M. Fillon, n’oubliez pas la droit de l’enfant à la neutralité laïque de l’école ! !
Le débat sur la question de l’interdiction de signes religieux ostensibles pour les parents participant à l'encadrement de groupes scolaires pendant les heures d'école revient en force dans le débat public, en raison des hésitations attribuées à Matignon, qui vient d’ailleurs de jeter les bases d’un "groupe interministériel » (principalement Intérieur et Education nationale) pour faire des propositions dans un rapport, attendu d'ici l'automne.
Le Haut Conseil à l'intégration (HCI) a exprimé, mardi 21 juin, dans un communiqué son "inquiétude" au sujet de ces "hésitations" à arrêter une position dans le sens de l’avis de Luc Chatel, le ministre de l’Education, qui s’était exprimé début mars sans ambiguïté en faveur de l’interdiction et donc du respect du principe de laïcité : « Il y a un principe qui doit être non négociable, c’est un principe de neutralité et de laïcité de notre système éducatif », avait-t-il affirmé.
Attention à ce que la victimisation ne prenne le pas sur la jurisprudence, sur le droit !
Le Premier ministre François Fillon serait réticent à cette l'interdiction si on en croit l’AFP, "Le Premier ministre est très attentif dit-on, à ce que la solution ne soit pas stigmatisante pour l'enfant", soulignant qu'il était "difficile pour un enfant de voir sa mère exclue".
On voit ici évoquée la sensibilité de l’enfant qu’on oppose implicitement à la jurisprudence qui elle va dans le sens de l’interdiction. Cette dernière pourtant ne souffre pas débat : " « Lorsqu'un parent encadre des activités scolaires (activités pédagogiques dans et hors la classe), il change de rôle et acquière le statut de collaborateur occasionnel du service public tel que Rémy Schwartz, Conseiller d'Etat, rapporteur de la "Commission Stasi" le définissait en 2005 : "la jurisprudence du Conseil d'Etat engage la responsabilité de l'Etat à leur égard s'ils sont victimes d'un accident durant les activités d'encadrement ou les sorties scolaires". Ainsi, un arrêt du tribunal administratif de Paris de septembre 2007 a condamné un Inspecteur de l'Education nationale et un Inspecteur d'académie pour avoir refusé la prise en charge des frais inhérents à un accident survenu à un parent accompagnateur de sortie scolaire. Le juge a clairement défini que le parent "se trouvait chargé temporairement de responsabilités par l'Education nationale", avec les droits et les devoirs que cela implique. C'est ce principe jurisprudentiel que le Haut Conseil, dans un avis de mars 2010, a souhaité voir rappeler, et conforter le cas échéant, par circulaire. »
Malgré cette argumentation, le ressenti de l’individu (l’enfant ou la mère) présenté ici comme froissé, ou blessé, en raison de ses convictions religieuses, tend à prendre le pas sur le droit. On voit comment a été déplacé le problème du champ du droit, pourtant clairement énoncé, vers celui de la victimisation jouant sur l’émotion et la mauvaise conscience, sous le poids de la religion, une fois de plus ! Si on suivait un tel principe, la seule mise en avant de sa religion pourrait justifier de ne plus respecter un certain nombre de nos obligations communes, de nos droits. Il n'est pourtant demandé ici rien d’autre que de faire preuve de réserve, comme pour toute manifestation des convictions, quelle qu’elle soit. Choisir le laissez-faire, ne serait-ce pas tout simplement un encouragement au prosélytisme à l’école et sans y prendre garde, derrière cette permission d’opposer sa religion au droit commun, au communautarisme si dangereux pour les musulmans eux-mêmes, pour l’intégration ?
Comment le ressenti de l’un pourrait s’opposer aux droits de tous au nom de la liberté de religion ?
Cette victimisation s’appuie sur un niveau de lecture très individualiste du lien social, le ressenti de l’un pouvant être opposé aux droits de tous, en reprenant l’argument de l’exclusion qu’il faudrait à tout prix éviter. Le principe général de la loi est pourtant fondé sur le respect des droits et des devoirs en regard desquels les contrevenants se voient l’objet de contraintes allant de l’amende à la prison, voire se trouvent exclus un temps d’un processus commun. Ce qui dérange ici, c’est qu’une exclusion touche une conviction religieuse, comme si celle-ci était supérieure aux autres convictions ou sentiments, au droit commun. Il y a bien d’autres motifs d’excusions qui dans le milieu scolaire font moins de tintouin. Les droits et les devoirs qui définissent l’état de notre liberté, faut-il le rappeler, comprennent des contraintes auxquelles nul ne doit pouvoir déroger, que ce soit au nom d’une religion ou pas, car si l’on commence comme cela, autant en finir tout de suite avec la laïcité ! On s’imagine le sentiment blessant de mépris dont pourraient être frappés tous les autres si un seul pouvait contredire leurs droits. Fondamentalement tout d’abord ici, ce dont il est question, c’est de savoir si la laïcité est un principe supérieur aux religions encore, aux yeux de certains, ou pas.
N’est-ce pas blesser tous les autres enfants et les autres parents, porter atteinte aux convictions de ces derniers, que cet affichage d’une croyance qui peut ne pas être la leur, que de leur imposer un signe ostentatoire quand il ne devrait être question que de neutralité ? De plus, la signification de celui-ci ne saurait être mise à part car elle a une incidence non négligeable ici. Le voile représente, selon une certaine lecture religieuse, une marque de pudeur qui distingue la femme vertueuse de celle qui ne l’est pas dans la recherche de ce que les « savants » de l’islam désignent comme « la foi authentique ». C’est le motif même du mouvement de revoilement auquel on assiste aujourd’hui. Ainsi, ce signe ostensible en regard des autres mères, pourrait-il les désigner aux yeux de leurs enfants comme moins vertueuses ? Est-ce moralement simplement tolérable ? Doit-on encourager à ce que des femmes, sous couvert de la liberté de religion, puissent imposer ce message aux enfants et à leurs parents, à l’Education nationale et au sens donné à l’éducation elle-même tout en faisant entorse au principe de laïcité ?
Autrement dit, le droit de l’un à ne pas souffrir d’exclusion, justifierait un port du voile faisant fracture avec la laïcité tout en discriminant les autres parents, voire les autres enfants, et hypothéquerait ainsi le droit de tous au respect de leurs convictions que seule la neutralité permet !
Comment peut-on alors avancer l’argument selon lequel il y aurait stigmatisation des femmes portant le voile à les exclure de ces sorties scolaires, n’est-ce pas elles qui stigmatisent, par le sens donné à leur signe religieux, celles qui ne le portent pas ? Cette liberté de religion serait-elle alors supérieure à la liberté que tous partagent, celle d’un enseignement laïque qui par-delà les programmes a aussi sa dimension morale, avec un encadrement des enfants qui se doit d’être impartial dans le contexte de la mission de l’école ? Tout cela n’est pas concevable ni acceptable ! Le respect du vivre ensemble ici, ne saurait supporter ce contresens énorme.
Dans ces conditions, on ne peut que converger dans le sens de l’argumentation du HCI qui « partage la volonté de ne stigmatiser aucun parent » mais qui considère néanmoins que, lorsque des parents « affichent de façon ostentatoire leur croyance dans le cadre des activités pédagogiques aux côtés d'enseignants tenus à la neutralité, ils se stigmatisent et s'excluent eux-mêmes".
Il semble que l’on oublie que tous les enfants ont les mêmes droits, individuellement inaliénables, qui doivent être respectés de façon égale, par la neutralité.
Plus précisément encore, le respect dû à tout enfant, en regard de sa personne, de l’autorité parentale, et même de nos valeurs collectives, n’est pas sans référence à des sources de droits qui ne laissent là encore aucune marge d’interprétation dans cette opposition entre le sentiment d’exclusion de l’un et les droits de tous les autres.
L’enfant a des droits fondamentaux relativement auxquels il doit être respecté. Tout d’abord en regard de l’autorité parentale qui recouvre un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. « L'autorité parentale appartient aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité." (Article 371-1 du Code civil) Les parents doivent pouvoir être garantis par l’école dans le fait que nul ne se substitue à eux, à travers une influence extérieure, pour exercer ce qui est du ressort de leur autorité.
La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) dans son article 141 précise des droits qui peuvent être convoqués pour converger dans le même sens : « Les États parties respectent le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. 2. Les États parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l'enfant, de guider celui-ci dans l'exercice du droit susmentionné d'une manière qui corresponde au développement de ses capacités. » Imposer le voile aux enfants lors des accompagnements en sortie scolaire, n’est-ce pas ainsi contrevenir au droit dont sont détenteurs les parents à guider leur enfant dans ses choix, dans l’exercice de ses droits ? N’est-ce pas transgresser ainsi la fonction même de l’autorité parentale des autres parents sur un point de liberté essentiel ?
De façon cohérente, la loi du 5 mars 2007 renouvelant la protection de l’enfance. Art. L.112-4 : « L’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant. » Cet intérêt de l’enfant, tel qu’il est défini sous la notion du « respect de ses droits devant guider toutes les décisions le concernant », est entravé directement par le port d’un signe religieux ostensible par un parent, dans la mesure où il s’impose à lui encore ici en dehors de toute autorisation de l’autorité représentant son intérêt.
Encore, la Loi n°2004-228 du 15 mars 2004 en vigueur le 1er septembre 2004, avance que : « Suivant les principes définis dans la Constitution, l'Etat assure aux enfants et adolescents dans les établissements publics d'enseignement la possibilité de recevoir un enseignement conforme à leurs aptitudes dans un égal respect de toutes les croyances (…) Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. » Ce qui concerne les élèves entre eux relativement au rejet de l’influence des signes ostensibles dont fait partie le voile, n’a rien de différent lorsque ce voile est porté par un parent intervenant dans le cadre de l’activité du service public de l’école en endossant un rôle d’encadrant fut-il bénévole, participant à la mission générale de celle-ci. Il est temps sur ce point de corriger la loi !
La neutralité religieuse sans restriction à l’école, la garantie du respect d’une école de tous pour tous.
Toute manifestation ostensible des convictions susceptible d’influer sur le développement moral de l’enfant, qui n’est pas désirée par lui et par défaut de sa capacité à l’exprimer, par ses parents, s’oppose au respect qui lui est dû. Le voile exerce une influence morale qui oriente malgré lui l’enfant et ainsi contredit le respect de sa personne. L’enfant a droit à la neutralité et à l’impartialité dans le respect qui lui est dû garanti par l’autorité parentale en ce qui concerne le rôle que joue auprès de lui l’école. L’égalité de traitement des enfants est la meilleure des garanties contre les situations de discrimination conséquentes au non-respect des règles de neutralité et d’impartialité. C’est la garantie d’une école de tous pour tous. L’enfant lui-même en cause, dont la mère porte le voile, a aussi grâce à l’école le droit comme tout autre, à pouvoir se construire sa propre liberté en dehors de la religion ou de la tradition.
On peut voir combien, à travers ces différentes sources du droit, il est dû aux enfants un droit à la neutralité qui doit être respecté par l‘ensemble des personnes chargées d’exercer une action éducative ou d’encadrement auprès d’eux, à l’école. En considération de quoi, toute manifestation de signes ostensibles contrevient aux droits de l’enfant et ne saurait être tolérée.
On pourrait aussi considérer, par-delà le respect du caractère laïque de la mission de service public en cause, que par civisme ici, il doit s’imposer un devoir de réserve afin de satisfaire à l’effectivité d’un même droit, celui du respect de toutes les convictions en n’en faisant prévaloir aucune sur les autres.
L’ENSEIGNEMENT LAÏQUE ET LE DROIT DE L’ENFANT, selon Jean Jaurès, de pleine actualité !
_ Jean Jaurès, le 30 juillet 1904, dans son discours de Castres exprimait : « Démocratie et laïcité sont deux termes identiques (…) La démocratie ne peut réaliser son essence et remplir son office, qui est d’assurer l’égalité des droits, que dans la laïcité (…) La démocratie a le devoir d’éduquer l’enfance ; et l’enfance a le droit d’être éduquée selon les principes mêmes qui assureront plus tard la liberté de l’homme. Il n’appartient à personne, ou particulier, ou famille, ou congrégation, de s’interposer entre ce devoir de la nation et ce droit de l’enfant. »
Si la question de la neutralité laïque des parents accompagnant des enfants lors de sorties scolaires peut être regardée du côté du ou des droits, il en ressort avant tout qu’elle est l’enjeu d’un choix politique qui oriente l’éducation et la citoyenneté, le contrat social et politique du citoyen avec notre société. C’est peut-être avant tout une question de cohésion sociale, de modèle de société, de façon de vivre ensemble et même si l’on peut dire, d’enjeu de la forme de conscience qui nous relie, de civilisation.
Guylain Chevrier
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