Pourquoi l’article du Monde sur “Entre Charlie et Mediapart, l’histoire d’une haine” se trompe de problématique
Derrière un titre objectif, l’article du Monde se donne à coeur joie dans la défense de Mediapart, allant au passage à l'encontre de l'objectivité journalistique et du respect de la parole des victimes de l'affaire Ramadan.

Derrière un titre objectif, l’article du Monde se donne à coeur joie dans la défense de Mediapart, allant au passage à l'encontre de l'objectivité journalistique et du respect de la parole des victimes de l'affaire Ramadan.
L’article commence par un rappel des attentats contre Charlie, et de la teinture “nationale” et patriote qu’a prise l’image populaire du journal, depuis. Il est donc rappelé la forte empathie nationale pour Charlie Hebdo, malgré les caricatures clivantes qu’il peut délivrer. Soit.
Mais très vite, on tombe dans une opinion quelque peu déroutante, face à l’apparente objectivité du titre. La caricature d’Edwy Plenel — le patron et fondateur de Mediapart — sur la dernière couverture de Charlie (voir ci-dessus), serait “injuste” car la biographe même de Tariq Ramadan (ndlr Caroline Fourest) n’aurait pas évoqué une fois les harcèlements sexuels présumés du savant Oxfordien dans un livre de 2003 (“Frère Tariq”).
Bien sûr ! Fourest, tentant de faire émerger une vérité sur ce professeur au visible double discours (voir nombre de vidéos sur le net), aurait été totalement audible si elle avait en plus allégué ce genre d’informations ! D’autre part et plus sûrement à cause de ça, elle est déjà étiquetée féministe, personne donc ne l’aurait écoutée sur un tel sujet. C’est donc facile à dire pour Ariane Chemin.
En fait, c’est un peu comme si cette dernière affirmait : “Fourest n’en a pas parlé, donc Plenel n’était pas au courant de ces agressions”. Pourtant Plenel, homme, qui plus est non étiqueté féministe et patron d’un média neutre, avait beaucoup plus de latitudes pour révéler ce genre de choses que Fourest — qui par ailleurs, met déjà assez les mains dans le cambouis comme ça. En plus, Médiapart s’est spécialisé dans la “chute des géants” et dans la révélation de tabous. Ils ont manqué une occasion triste de parler.
Deuxièmement, l’auteure de l’article (Ariane Chemin, donc) fait parler la rédaction de Charlie lors du choix de la Une sur Plenel : “il était fatal qu’on se le paie”, “pour vendre” a-t-elle visiblement réussi à tirer d’un membre de la rédaction. Cela décrédibilise, de fait, que Plenel savait réellement. Cela nous fait croire que cette Une est purement une vengeance de la part de Charlie. Mais qu’en sait-elle, Ariane Chemin, qu’Edwy Plenel ne savait pas ?
On s’attend donc à lire une histoire objectif sur les conflits entre les deux canards, et on se retrouve avec l’avocate officielle de Jean-Pierre Mignard -l’avocat de Mediapart. Cela tend à décrédibiliser l’affaire Ramadan, à amoindrir la parole des femmes agressées et violées par lui, et c’est assez agaçant. D’autant plus quand c’est une femme l’auteure.
Mais ça ne s’arrête pas là. On fait même parler le patron de Mediapart pour qu’il atteigne définitivement le point Godwin : “le patron de Mediapart compare la « une » de Charlie à « l’Affiche rouge », placardée en 1944, sous Vichy, pour retrouver les résistants du « groupe Manouchian », avant de les fusiller.” Charlie serait donc un dangereux journal nazi et raciste tentant d’exterminer la planète.
On peut au moins dire que les 3 photos de l’article, dont Le Monde a consacré une page entière dans sa version papier, prennent une part conséquente de la page et sont consacrées aux trois unes de Charlie Hebdo — dont celle sur Edwy Plenel. Peut-être une façon de faire bonne figure pour mieux descendre la société de presse dans les colonnes ?
Je ne prétends pas défendre Charlie Hebdo. Pour moi, ce journal est d’un sexisme terriblement agaçant. C’est pourquoi je m’attends à ce que toutes les communautés et genres visés supportent comme moi ce qu’ils se permettent de mettre en Une, que nous soyons ensemble et au même niveau dans cette acceptation indifférente.
Mais je suis affligée de voir qu’un journal comme Le Monde décrédibilise aussi facilement l’affaire Ramadan à travers une critique acerbe de Charlie Hebdo, et surtout, en ramenant cette problématique à la problématique réelle, à savoir l’omerta (désormais passée ?) sur les agressions et violences sexuelles dont sont victimes des millions de femmes.
Sources
- http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2017/11/15/entre-charlie-et-mediapart-l-histoire-d-une-haine_5214942_3236.html#LpsprMtHAeTKrGgT.99
- Version papier de l’article (Le Monde du 15 novembre 2017)
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