Qu’est-ce que la guerre ?
Nous sommes en guerre. Ainsi s’exprimait Emmanuel Macron en 2020 alors que nous avions affaire à un virus responsable d’une pandémie.
Quelques mois plus tard, nous sommes à nouveau en guerre selon le même Emmanuel Macron désignant cette fois la situation la France, et des Français, rapportée au conflit qui oppose la Russie et l’Ukraine après que Vladimir Poutine a décidé d’intervenir militairement.
Pourtant, ni les intérêts de notre pays, ni l’intégrité du territoire ne sont concernés, ni même menacés. Mais, nous sommes en guerre, car, suivant les États-Unis et l’UE, nous avons décidé de mener une « guerre » économique à la Russie.
Mieux que cela, nous sommes en guerre, répéta Emmanuel Macron, pour défendre notre liberté et nos valeurs.
Alors, nous soutenons l’Ukraine dans son combat contre la Russie et nous l’aidons militairement au risque de nous trouver entraînés dans un engrenage que nous ne pourrions plus maîtriser et qui pourrait nous mener tout droit à une guerre, la vraie, une guerre totale qui, dans ce cas, mettrait en jeu les armes de destruction massive.
Mais, dans le même temps, nous précise Emmanuel Macron, nous n’avons pas déclaré la guerre à la Russie et donc, nous ne sommes pas en guerre (depuis 1945, il n’y a eu qu’une seule déclaration de guerre, celle du Royaume-Unis contre l’Argentine à propos des Malouines).
Faudrait savoir ! La France est-elle en état de guerre ou bien ne l’est-elle pas ?
L’Ukraine, elle, peut se considérer en état de guerre, car elle défend l’intégrité de son territoire. Mais en ce qui concerne la France, ce n’est pas le cas, tant s'en faut. Nous ne sommes pas en guerre contre la Russie et gardons-nous de l’être en intervenant militairement dans un conflit qui, fondamentalement, n’est pas le nôtre.
On ne fait pas une guerre entre puissances nucléaires (La France et la Russie) pour défendre un principe de liberté ou des valeurs ainsi que le revendiquait un Emmanuel Macron qui était moins chatouilleux à propos du principe de liberté lorsqu’il a décidé de confiner la population et de la soumettre au « passe sanitaire ». Quant aux valeurs, il faudrait encore les définir et en assurer la pertinence ; il faudrait de plus savoir en quoi Poutine porte atteinte à ces valeurs. Tout cela n’est pas très sérieux et relève de la communication, du récit, du narratif à destination des gogos.
La guerre, disait Clemenceau, est une chose trop grave pour être confiée à des militaires. Il avait raison. Mais à notre époque, est-on certain qu’elle puisse être confiée aux chefs d’État qui, seuls, détiennent le pouvoir de déclencher l’apocalypse nucléaire ? La question avait été posée par les démocrates quand Donald Trump était à la Maison blanche. Elle vaut encore d’être posée quand on connaît l’état d’affaiblissement intellectuel de son successeur et vue la façon, assez légère à mon sens, dont Emmanuel Macron se saisit de la question.
Entre la Russie et nous, il y a l’OTAN, une organisation militaire héritée de la guerre froide, pilotée par Washington, qui était censée protéger les pays d’Europe de l’Ouest contre l’URSS et ceci, notamment, grâce au parapluie nucléaire de l’Oncle Sam. La France était un cas particulier assurant sa propre défense nucléaire, ce qui demeure malgré sa réintégration dans le commandement intégré. Après la chute de l’Empire soviétique, le Pacte de Varsovie a disparu, mais l’OTAN est restée en place alors que la Russie n’était plus l’ennemi de l’Occident. On peut se demander si cette présence était encore justifiée et pertinente. Or, non seulement l’OTAN s’est maintenue en Europe, mais elle s’est étendue aux ex-pays d’Europe de l’Est pour se poster aux frontières de la Russie. On peut comprendre alors que Moscou voit cette expansion d’un mauvais œil. Et là, avec l’Ukraine, il était encore question que l’OTAN - ou l’Amérique - gagne du terrain au point de mettre la main sur la Crimée si essentielle à la Russie. Les violences faites aux populations russophones des régions Est de l’Ukraine par leur « frères » de l’Ouest, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. On connaît la suite.
Vladimir Poutine peut-il aller plus loin et s’en prendre aux pays voisins de l’Ukraine qui appartiennent à l’OTAN ? C’est très improbable. Le patron du Kremlin sait parfaitement qu’attaquer un seul de ces pays l’exposerait à une riposte effroyable du fait du pacte de solidarité liant les pays de l’OTAN qui les engage dès lors que l’un d’eux est agressé ; il sait aussi que les pays de l’OTAN bénéficient théoriquement du parapluie nucléaire américain. Aussi, n’étant pas fou, contrairement à ce que certains laissent entendre, Vladimir Poutine n’envahira pas l’Europe pour autant qu’il en ait le projet.
Alors soyons sérieux et réservons le mot de guerre à ce qu’est véritablement la guerre, c'est-à-dire à un engagement militaire total entre belligérants où, comme le pointait Clausewitz, s’effectue inévitablement une montée aux extrêmes qui, dans ce cas, celui d’une agression sur un des pays de l’OTAN ou même, celui du recours à l’arme nucléaire en Ukraine, fût-elle tactique, mènerait le monde au bord du gouffre, tout près de minuit, sur l’horloge de l’apocalypse.
Voilà ce qu’est la guerre. Voilà ce que le monde a décidé d’éviter depuis 1945. Gardons-nous d’être conduit à pareille extrémité qui nous serait fatale. La prudence en la matière n’a rien à voir avec une quelconque lâcheté, elle est la raison.
Deux minutes avant l’apocalypse
D’après un groupe de scientifiques constitué depuis 1947, soit deux ans après Hiroshima, nous ne serions plus qu’à deux minutes de minuit sur ce qu’ils nomment l’horloge de l’apocalypse, minuit étant l’heure où tout s’éteint, l’heure de la fin du monde.
C’était en 2018.
Après que la fin de la guerre froide a fait reculer l’horloge, nous étions revenus à ce qui existait quand, entre 1953 et 1963, l’URSS et les États-Unis d’Amérique se menaçaient du pire.
Le risque de guerre nucléaire, auquel s’ajoutent désormais les conséquences du réchauffement climatique, réduisent sensiblement l’espérance de vie du monde qui ne dépasserait peut-être pas deux siècles (1) et, hypothèse optimiste, n’excéderait pas cinq siècles. L’humanité serait donc amenée à disparaître dans un proche avenir.
En 2018, des dizaines de milliers d’ogives nucléaires étaient stockées ou en service, chacune d'elles renfermant une puissance allant jusqu’à 100 000 kilotonnes de TNT et probablement plus, soit 6 600 fois la puissance de la bombe lâchée sur Hiroshima qui ne faisait « que » 15 kilotonnes. Parmi cet arsenal gigantesque autant que terrifiant, existe le missile russe Satan 2 (ainsi nommé par les Américains qui possèdent son équivalent diabolique), un missile capable, à lui seul, de détruire un pays comme la France.
Nous sommes donc assis sur un baril de poudre qui peut exploser à tout moment. Qu’un seul des belligérants recoure à son armement nucléaire et c’est l’engrenage fatal, les neuf puissances atomiques entrant en scène l’une après l’autre comme dans un jeu de dominos.
Quels seraient les dégâts occasionnés par une troisième guerre mondiale qui ne pourrait être que nucléaire ? Énormes, chacun en convient. Insupportables, d’où l’effet dissuasif. Cela pourrait même nous être fatal au point que nul témoin ne pourrait l’évoquer, l’humanité ayant rejoint le néant par l’effet d’un hiver nucléaire qui recouvrirait la planète. Hypothèse plus que crédible à l’aube du XXIᵉ siècle, mais qui, à suivre la marche inéluctable du progrès, ne saurait être qu’absolue certitude.
Quoi qu’il en soit, depuis 1947, chacun tremble à l’idée que l’on puisse, un jour, utiliser le type d’armes qui a détruit Hiroshima et Nagasaki, villes dont le martyre signe à la fois l’acmé autant que la fin d’une Histoire jusqu’alors déterminée par les conquêtes guerrières et le début d’une ère post-guerrière, quand les puissants se gardent d’anticiper la fin absurde du monde.
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1 : Considérant que l’existence de l’homme remonte à 100 000 ans, une minute sur l’horloge de l’apocalypse correspond alors à près de 70 ans. En 2018, nous étions à 2 minutes ; en 2022, nous n’en sommes plus qu’à quelques secondes.
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