Réforme des retraites : et s’il n’y avait plus de retraites, tout simplement ?
Le débat actuel sur les retraites et les annonces du gouvernement m’a amené à m’interroger sur les motivations de la réforme, sur la place des retraites dans l’histoire, sur les régimes spéciaux. Je vous propose mon point de vue complètement subjectif sur cette épineuse question.
La retraite, une parenthèse dans l’histoire ?
C’est l’Allemagne de Bismarck qui créé en 1883 le premier système obligatoire de retraite par répartition, même si des initiatives limitées existaient auparavant en Allemagne et ailleurs (en France notamment, où la Caisse Nationale des Retraites, gérée par la Caisse des Dépôts et Consignations, destinée à la petite bourgeoisie, était créée en 1850).
Avant, en général, quand on était vieux et incapable de travailler, on était à la charge de ses enfants, ou bien de la charité publique ou religieuse.
Bref, on a en gros un système qui date de moins de 150 ans. Et on a l’impression qu’il doit durer éternellement.
La répartition : quand la démographie va, tout va. Et quand elle ne va pas...
Personnellement, je ne me fais aucune illusion sur les cotisations retraite que j’ai pu verser. Dans un système par répartition, ce n'est pas l'argent que nous avons versé qui compte. Seulement l'argent des générations qui travaillent au moment où je prends (éventuellement) ma retraite.
Pour être très clair, je ne compte absolument pas toucher le moindre centime au titre des retraites le jour potentiel où je cesserai de travailler. L’horizon est encore assez lointain, et bien des choses peuvent arriver, y compris une crise économique majeur.
Et le pire, c’est que cela ne me choque même pas. Il suffit d’avoir un tant soit peu des notions de démographie pour comprendre qu’en l’absence de renouvellement des générations, les retraites sont mécaniquement vouées à baisser. Est-ce donc si grave de travailler quelques années de plus, dans la mesure où notre espérance de vie est bien plus longue que par le passé ? Une politique avisée aurait d’ailleurs été d’aligner mécaniquement l’âge de départ à la retraite sur ces critères démographiques, dès la fin des années 70. Mais la démagogie et le système électif en lui-même a refusé le bon sens.
Bref, sans me faire trop d’illusions pour autant, je compte sur nos investissements immobiliers locatifs pour financer mes vieux jours.
Les générations qui travailleront à ce moment-là ne seront pas en capacité de payer les retraites de ceux qui seront en âge de la prendre, sauf à avoir des prélèvements confiscatoires (sur mes feuilles de paye, un taux de cotisation supérieur à 15 %, me semblait déjà démentiel). Au final, si retraite il y a, ce serait soit grâce à un endettement massif, soit en suçant le sang des générations laborieuses.
Pénibilité : un flou digne de David Hamilton
On peut se gargariser de notions telles que la pénibilité, mais il faut un peu de lucidité. Après la pénibilité physique ou des horaires de travail de nuit, préparons-nous à la pénibilité psychologique de travaux stressants. Les employés et cadres vont s’en plaindre (et auront-ils forcément tort ?), et donc tout le monde sera de nouveau sur un pied d’égalité. Comment gérer, poste par poste, avec des carrières qui sont de plus en plus courtes, cette notion de pénibilité ? Et que va-t-il se passer pour les manutentionnaires d’Amazon ou les employés de Lidl, carbonisés à 40 ans ?
La retraite par points : un truc très sympa, mais qui paye ?
On oublie toujours ce bon vieux mot : “répartition”. Tels vont marquer des points parce qu’ils ont donné naissance à un enfant, parce qu’ils ont fait tel job étudiant qui n’était pas compté auparavant. Mais au final, quand on prend sa retraite, la question reste toujours la même : qui est là pour la payer, quel que soit le nombre de points que l’on a pu se voir attribuer pour une bonne ou une mauvaise raison ? Si les générations au travail sont peu nombreuses, ceux qui auront plus de points gagneront plus que ceux qui en ont moins, certes. Mais dans l’absolu, si l’on garde le même âge de la retraite, les pensions moyennes versées sont condamnées à baisser.
Pourquoi diable commencer à la génération 1975 ?
Je crois que nous l’avons tous compris. C’est parce que les personnes les plus éloignées de l’âge de la retraite seront moins revendicatives que celles pour lesquelles l’horizon est plus proche.
Pour autant, dans la mesure où la réforme est censée être bénéfique pour tous ceux qui seront concernés, il y a un truc qui m'intrigue. Pourquoi donc ceux d'avant 75, dont je suis, n'en bénéficient pas ? Si c'est tellement bien, pourquoi le gouvernement en prive les citoyens qui prendront (théoriquement) leur retraite dans les 15 prochaines années ?
J’attends impatiemment la réponse.
Régimes spéciaux : travail minimum, emmerdement maximum
Vous avez du voir comme moi des grévistes empêcher des chauffeurs de bus de prendre leur travail, leur jeter des œufs au visage, etc.
Le personnel roulant de la RATP peut prendre gaillardement sa retraite à 52 ans, et à 57 ans à taux plein. Je veux bien que le métier soit difficile pour des conducteurs de métro (mais il reste à démontrer qu’une retraite à 52 ans se justifie pour eux), mais pour les chauffeurs de bus ?
Les autres chauffeurs de bus sont au régime général, soit 62 ans.
Alors, arrêtons de nous jeter au visage le malheureux conducteur du métro, qui fait face aux suicidés, aux mauvaises odeurs du métro...
En résumé : au boulot, les régimes spéciaux ! Ils commencent à nous fatiguer avec leur défense du service public qui ressemble plus à la défense de leurs intérêts corporatistes. Et qui se traduit par une absence total de service, qu’il soit public ou non.
Les plus de 55 ans, des non-travailleurs non-retraités ?
Vous savez tous qu’après 55 ans, c’est compliqué de trouver du travail. Or, la mobilité professionnelle étant ce qu’elle est, on a de plus en plus de “seniors” qui cherchent du travail.
Quels sont les dispositifs qui encouragent le travail de cette génération ?
Dans le temps, on avait trouvé une loi délirante qui rendait très difficile le licenciement des plus de 50 ans. Moyennant quoi, on n’embauchait plus de personnes de plus de 45 ans.
Cette loi a maintenant disparu. Pour autant, sachant que quoi qu’il arrive, points ou pas points, l’âge de la retraite va devoir reculer, que fait-on pour faciliter l’insertion professionnelle des plus de 55 ans ? Je cherche. En gros, l’idée est que tous ceux qui ont passé la cinquantaine fassent le gros dos, et s’incrustent dans leurs boîtes le plus longtemps possible.
Mais sérieusement, est-ce que cela fonctionne vraiment ?
Bref, pour ceux qui auront la mauvaise idée de quitter leur job après 50 ans, il faudra se faire à l’idée de traversées des années difficiles en attendant un hypothétique retraite.
Quel beau pays que le nôtre : les jeunes sont au chômage, faute d’expérience, les vieux sont au chômage, parce que pas assez “dans le coup”.
Les hauts salaires, sortie de régime général
Au delà de 120 000 €/ an, les actifs ne cotiseront plus au régime de retraite. Royal ! Plus on gagne, moins on paye. Cette population représente environ 1% de la population active. Désolé les gars, si vous êtes dans cette catégorie, vous faites partie des vraiment riches.
Certes, les pensions correspondantes ne bénéficieront pas des prélèvements qui auraient pu être effectués. Mais cela veut surtout dire que, pendant leur période d’activité, leurs cotisations ne viendront pas alimenter le système général, qui permet de payer en temps réel les retraités du moment.
Les heureux bénéficiaires de hautes rémunérations pourront donc consacrer leurs excédents à cotiser à un système de retraites par capitalisation (les fameux fonds de pension, welcome !), à acheter de l’immobilier, à jouer en bourse... Mince alors, est-ce que cela ne serait pas un nouveau cadeau du pouvoir aux super-riches qui ont financé sa campagne ?
La retraite par capitalisation, une solution ?
A ce stade du texte, mes amis libéraux noteront que je n'ai pas évoqué avec enthousiasme la possibilité de retraites par capitalisation. Il faut dire que le résultat de ce système ne me semble pas vraiment convaincant.
En effet, les fonds de pension, en concurrence les uns avec les autres, ont eu pour résultat de pressurer les entreprises, y compris en France, d'ailleurs. Pour servir les retraites les plus élevées possibles à leurs clients, l'objectif est clair : limiter les investissements, notamment en recherche (bisous à Sanofi), pomper la trésorerie, vendre les actifs, exploiter les salariés, remonter un maximum de bénéfice sur les actionnaires, y compris via des montages fiscaux douteux. Ca ne me tente pas trop.
En revanche, il serait temps de remettre en place un contrôle des capitaux, notamment pour éviter que des fonds étrangers ne viennent assécher la richesse de notre pays. Et que l'on ne nous dise pas que nous en profitons nous-mêmes, notre balance commerciale est ultra-déficitaire !
Des propositions ?
Il est tellement facile de critiquer, d'enchaîner les exigences de retrait de réforme sans rien proposer. Les syndicalistes actuels ne sont pas ceux que l'on viendra chercher si le système de retraite explose.
- Arrêtons de faire payer à la jeune génération le prix de notre propre inconséquence, et assumons le report de l’âge de la retraite jusqu’à ce que l’équilibre générationnel soit retrouvé. Et tant pis pour l’argent qu’on a versé pour nos parents.
- Mettons en place des avantages financiers pour les entreprises qui recrutent les plus de 50 ans.
- Les régimes spéciaux, au boulot comme les autres !
- Les 1% qui gagnent plus de 120000 €/an, revenez avec le reste de vos concitoyens !
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