Au contraire de Démagolène qui ne propose encore rien et pour laquelle on peut redouter bien pire démagogie et nocivité économique dans son programme à paraître mi-février, Sarkoléon a peut-être le mérite de proposer des mesures fiscales apparemment libérales mais... la logique est plus que confuse. On continue à complexifier plutôt qu’à simplifier, on continue à piétiner les intérêts des classes les plus actives, éternels dindons de la farce politique française.
Les deux mesures phares proposées par notre ami sont, en effet, le bouclier fiscal à 50% et la déduction jusqu’à 50 000 € de l’ISF d’un investissement dans les PME.
Le bouclier fiscal à 50%...
Fixé aujourd’hui à 60%, et ce, non-incluse la CSG/CRDS, le bouclier fiscal vise à éviter qu’un contribuable se voit "confisquer" plus de 60% de son revenu par l’obligation de payer une somme cumulée d’IRPP, d’ISF, de taxe d’habitation et de taxe foncière sur l’habitation principale supérieure à 60% de ses revenus imposables. Sarkoléon propose d’abaisser ce seuil à 50% et d’inclure dans le calcul la CSG/CRDS (soit environ 11%). Un pas en avant qui paraît aller dans le bon sens...
Mes (peu nombreux mais) fidèles lecteurs savent que je suis partisan farouche de la suppression complète de l’ISF (cf Petite proposition extravagante) et pourraient s’étonner de mon faible enthousiasme pour à cette mesure. Voilà pourquoi...
Le bouclier fiscal tel qu’il existe aujourd’hui profite à un peu plus de 90.000 contribuables dont 16.000 environ paient l’ISF (soit 4% des contribuables assujettis à l’ISF et 0,046% des foyers fiscaux !). Le reste est constitué de gens ayant un faible revenu (typiquement la veuve d’un retraité ayant exercé tout au long de sa vie une profession libérale ou indépendante), un patrimoine en dessous du plafond de l’ISF, qui ne paient a priori pas ou très peu l’IRPP et pour lesquels la combinaison "taxe foncière de la résidence principale + taxe d’habitation" représente plus de 60% de leur revenu imposable ! Sur cette population qui représente 0,22% du nombre des foyers fiscaux, le bouclier fiscal entraîne la restitution par le fisc d’en moyenne 650 € à comparer aux 6 000 € (ou plus) de taxes foncière ou d’habitation acquittées par ces "veuves de Carpentras" qui vivent sans doute très modestement sur leur épargne.
Je n’ai absolument rien contre le fait que la situation peu enviable et un peu absurde de ces braves vieilles dames soit améliorée et qu’elles ne paient pas le prix fort imposé par des collectivités locales dispendieuses considérant le propriétaire foncier comme le pigeon de service mais avouez que l’on est loin du débat sur l’ISF !
Je n’ai pas trouvé de chiffres fiables concernant la mesure proposée par Sarkoléon mais on peut estimer que le bouclier à 50% (incluant CSG/CRDS) va concerner 300 000 ou 400 000 contribuables parmi lesquels, pour les deux-tiers ou les trois-quarts, on va retrouver des retraités de Saint Raphaël ou d’Arcachon, qu’ils soient ou non assujettis à l’ISF !
Certes, quelques dizaines de milliers de contribuables très aisés (héritiers-rentiers pour une part) vont voir l’ISF disparaître et quelques centaines d’expatriés fiscaux vont peut-être décider de revenir dans notre cher pays mais les "forces vives de la nation" (ceux qui ne sont pas invités aux voeux du président !), ceux qui gagnent bien leur vie (entre 80 000 et 200 000 € bruts), qui ont un patrimoine (entre 500 000 et 1.5 million d’euros) constitué pour une grande partie de leur résidence principale, qui, quand ils y sont assujettis, paient moins d’ISF que de taxe foncière et qui rendent plus de 30% de leur revenu sous forme d’IRPP, ne vont rien voir.... Or, ce sont eux - aussi et surtout - les "locomotives " de la France !
Non, Monsieur Sarkozix, vous ne pouvez adresser le problème de notre fiscalité en vous assurant uniquement les votes des retraités et des rentiers. Il faut aller beaucoup plus loin :
- supprimer totalement l’ISF, qui rapporte moins de 1% du budget de l’Etat, qui faire fuir les vraies grandes fortunes et qui décourage - ou fait fuir - les plus actifs et les plus entreprenants d’entre nous ;
- profiter d’un éventuel passage à la retenue à la source pour faire évoluer l’impôt sur le revenu vers une "almost flat tax" (cf IRPP / retenue à la source : une opportunité historique) prélevant 10% minimum à 20% maximum d’impôt sur les revenus d’activité ou de remplacement.
Ces deux mesures sont possibles sans baisse significative des recettes de l’Etat. Ce sont les seules réformes fiscales qui peuvent vraiment redynamiser notre pays, qui en a plus que besoin. Vous avez une occasion unique de rompre avec la déclinologie paupériste ambiante. Pourquoi ne pas le faire ?
Les fameux 50 000 euros...
Mes lecteurs pourront également s’étonner de mon opposition à cette mesure corollaire proposée par Sarkoléon consistant à pouvoir déduire de l’ISF jusqu’à 50 000 € d’investissement dans les PME. Cette mesure viendrait s’ajouter au fatras fiscal de l’ISF qui permet une non-prise en compte totale ou partielle de l’instrument de travail ou des parts détenues dans des PME (loi Dutreil) dans l’assiette de l’ISF. Pour être direct, on raisonne à la fois de façon bilantielle (dans l’assiette ou pas) et sur les flux de trésorerie (investissement fait dans l’année d’imposition à déduire de l’impôt) et on n’y comprend plus rien...
De plus, le contribuable assujetti à l’ISF, payant en moyenne 8 000 euros d’ISF et, pour 80% d’entre eux, beaucoup moins que cette somme, la réduction d’ISF envisagée concerne des sommes bien trop faibles pour avoir le moindre impact. Seuls les contribuables ayant un patrimoine soumis à l’ISF de plus de 6 millions d’euros (environ 6 000 contribuables !) pourraient profiter de ces 50 000 € à plein. Ils ne sont pas nombreux et cette somme est "en relatif" très faible par rapport aux besoins des PME (50 000 € correspondent à un mois de dépenses d’une entreprise de 10 salariés).
J’ai déjà regretté la faiblesse ou la complexité des dispositifs fiscaux (cf. France Investissement...), le faible nombre de business angels et les faibles montants investis par ceux-ci dans notre pays. On obtient économiquement fort peu de résultats lorsque l’on autorise uniquement le saupoudrage... La comparaison avec la Grande Bretagne est sans doute la plus pédagogique : 50 000 business angels (contre 3 500 en France) capables de mobiliser 7 milliards d’euros (contre 250 millions pour leurs homologues français) et bénéficiant potentiellement d’une déduction fiscale de leur revenu imposable de 300 000 € par an (contre quelques dizaines de milliers d’euros en France).
A nouveau, Monsieur Sarkozix, je ne peux souscrire à cette nouvelle mesurette bénéficiant à quelques milliers de privilégiés. Les deux seules mesures fiscales capables de redynamiser notre économie sont :
-
supprimer totalement l’ISF pour les raisons énoncées plus haut et parce que le charcutage proposé ne change rien ;
-
profiter d’un éventuel passage à la retenue à la source pour faire évoluer l’impôt sur le revenu vers une almost flat tax cappée à 20% et/ou autoriser une déduction du revenu imposable significative (jusqu’à 300 000 euros comme les Anglais ?) pour les investissements réalisés dans les PME innovantes ou de croissance dont nous manquons tant.
Toutes ces mesures sont possibles sans réduction significative des recettes de l’Etat et en tout cas facilement compensables par l’arrêt des gâchis bien connus appelés pompeusement "aides à la création d’entreprise" (cf. L’emplâtre sur la jambe de bois). Figurez-vous, Monsieur Sarkozix, qu’un entrepreneur ou un cadre de haut niveau sont bien plus à même de choisir et d’aider une jeune entreprise à réussir que les ronds de cuir de nos administrations centrales ou territoriales !
Epilogue
La France a besoin d’un "new deal", d’un nouveau contexte dans laquelle elle se prendrait en main sans compter sur un État providence qui saupoudre des aides homéopathiques et inefficaces et accumule les mesurettes et coups de pouce fiscaux sans effet.
Que l’Etat providence s’occupe des plus défavorisés est nécessaire (et il n’est pas question ici de remettre cela en question), qu’il prétende avoir un impact sur l’économie, la croissance et l’emploi est un leurre auxquel de moins en moins de Français croient.
Monsieur Sarkozix, vous croyez être élu parce que vous êtes un "renard". Nous, nous voudrions voter pour un "lion" ! Et si dire la vérité augmentait finalement vos chances de gagner ?