Ségolène-Nicolas : qu’y a-t-il à gagner ?
Je vous propose une réflexion personnelle sur des bases psychologiques et sociologiques. Je n’ai pas forcément raison mais pas forcément tort non plus. Nous assistons à une très curieuse campagne. Très habilement orchestrée, non pas par les médias, mais par les hommes politiques eux-mêmes, grâce à leur excellente connaissance du fonctionnement médiatique, et à l’appui instinctif fondé sur la crainte d’un 21 avril-bis dans le peuple de gauche.
Passons rapidement sur Nicolas Sarkozy, de la prise d’otage de la maternelle de Neuilly à ses prises de position sur la justice, il n’y a qu’une longue ligne droite de maturation. Ce garçon est totalement transparent. Son ambition et son goût du pouvoir sont visibles. Mais il s’agit surtout de son goût pour ce qui représente le pouvoir. On le devine dans les éléments de sa vie. Il a choisi la politique, issu d’une famille d’immigrés, pour réussir. Pourquoi pas ? Il n’a pas fait le choix de son frère, mais il en a le même désir (Guillaume ne voulait-il pas être président du MEDEF ?). Nul besoin de s’étendre sur son ascension, elle est connue de tous, mais on y retrouve d’ambiguës relations avec Jacques Chirac et sa famille, des trahisons et une revanche. On observe aussi un désir profond d’être regardé, admiré et, d’une certaine façon, craint. Il aime les vedettes, mais il vit « comme les Français ». Il est juste, mais sévère. Il ne regrette jamais aucun de ses propos, mais il prône le dialogue. Paradoxal ? Sûrement pas, il est exactement ainsi. Il a une attitude de supériorité, d’aisance, qui masque une profonde dévalorisation de lui-même. On peut l’imaginer, et la lire entre les lignes, après une légèreté dans la fidélité de son couple, sa femme le quitte. Il s’effondre, rate un rendez-vous à la TV. Elle lui a préféré son contraire, un homme que l’on devine sûr de lui et dominateur.
Ensuite, il rumine, et son sentiment d’infériorité, tellement masqué, apparaît au grand jour. C’est l’épisode Villepin en maillot de bain et Sarkozy à la terrasse d’un café, l’attendant, transpirant et ayant pris du poids. Cette femme l’admire, il a besoin d’elle pour cela. Sans elle, il est rongé par son angoisse et sa profonde dévalorisation. Ce mouvement défensif bien connu en psychologie entraîne un certain nombre de complications. Cela signifie qu’il ne peut supporter d’être autre chose que le chef, le chef très visible, dans ce cas, il peut accepter la contradiction et même se ressentir moins malin car, en fait, sa position le protège. C’est pour cela qu’elle est importante pour lui. En résumé, il lui faut sa femme ou la présidence de la République. S’il a les deux, et ce sera forcément le cas, il risque d’être fort. Il le sait, et c’est pour se sentiment-là qu’il avance et ira jusqu’au bout.
Ségolène Royal est également transparente. Elle a évoqué son enfance difficile, avec ce que l’on appelle aujourd’hui une maltraitance, au moins psychologique. Son parcours est une revanche sur la vie et sur la société qui ne l’acceptait pas. Bourse pour l’ENA, puis Parti socialiste et poste ministériel. Son sujet principal est :« Rendons le pouvoir aux citoyens contre les experts, c’est le citoyen l’expert (sic) ». On le comprend. Elle veut ce qu’elle n’a pas eu contre les élites. Son combat est sincère. C’est cette sincérité qui plaît. Le problème majeur, c’est qu’en fin de compte, elle n’a pas une très bonne opinion du pouvoir. Quiconque en dispose devient immédiatement suspect, à ses yeux, d’être menaçant pour elle. Elle doit l’éliminer, et ce qu’elle fait dans sa région, c’est exactement cela. L’adage guerrier « Garde tes ennemis près de toi », ce n’est pas pour elle. Cet aspect autoritaire est également ce qui plaît. Au fond, cela rassure et peut fonctionner comme un phénomène identificatoire pour tous ceux qui souffrent, et ce sont les plus nombreux. Elle fait ses meilleurs scores, dans les sondages, chez les employés et les ouvriers. Les niveaux sont moins bons au fur et à mesure que l’on monte dans l’échelle sociale. Évidemment. Tout cela la rend séductrice à bien des égards. De plus, dans la campagne de presse, elle est présentée comme la seule pouvant gagner. De peur de perdre, la gauche accepte de parler comme la droite. Ce complexe d’infériorité rencontre, sans l’épouser, le fonctionnement de S. Royal. C’est un piège pour la démocratie, et la plus classique des analyses électorales, mais cela ne peut que fonctionner. C’est rationnellement obligatoire. D’autant plus que c’est totalement manipulé par les médias conventionnels et par tous ceux, et ils sont nombreux, qui veulent obtenir un poste. Le point épineux est que, contrairement à ce qu’on peut prévoir pour Nicolas Sarkozy, l’approche du pouvoir et le pouvoir lui-même ne vont pas la rendre plus forte. Ils vont lui donner plus de force pour écraser les autres forts. Cela va faire émerger sa face obscure. Elle est méchante. Cela peut paraître trivial, mais se comprend. Reprenons, elle se méfie des gens qui savent ou possèdent, elle se sent menacée par la contradiction (qu’apportent d’autant moins les citoyens dont elle suit à la lettre les avis dans les sondages) et elle a besoin d’une revanche. Au pouvoir, elle va la prendre, éliminer les « sachants » autour d’elle et gouverner seule. Durant la campagne, grisée par son succès (regarder ce sourire de satisfaction qu’elle affiche, ne peut on y lire : « De là où je suis, personne ne peut désormais me dire que j’ai tort »), elle va faire beaucoup trop d’erreurs visibles, elle va devoir affronter un minimum de débats. Nous ne sommes pas encore, pas cette fois, dans un pays qui ne débat pas. Le problème vient alors de ce qu’on doit appeler les capacités. D’évidence, et de son propre aveu, elle ne sait pas grand-chose des grands problèmes. Elle se propose d’écouter (mais qui ?) pour ensuite décider (mais seule, avec cette crainte des experts ?) et donc se tromper (par nature, qui sait tout ?), seule, là encore.
Grâce à Dieu, c’est ce qui va se passer. Les élections ne sont pas si mal faites. Le processus est long et va nous permettre de voir apparaître tout cela au grand jour. Elle va rester séductrice pour les « experts citoyens » mais petit à petit, elle va se tromper, s’affoler, se réfugier dans l’autoritarisme et la méchanceté (comme avec cette pauvre jeune fille Nolwenn qui l’interrogeait, imaginez l’absence d’égalité entre une jeune militante de vingt ans et celle qui parle à la tribune, entourée de photographes et de caméras...) Cela va se voir. Elle sait cela, ou bien des amis à elle le savent ; du coup, elle s’inquiète du débat. Elle peut même se montrer jalouse en estimant que Nicolas Sarkozy, lui, n’a pas à affronter tout cela. Dans la campagne, sa méchanceté et ses fautes vont inquiéter jusque ses fervents supporters, son effondrement va être amplifié comme son ascension l’a été. Et ?
Nous sommes en mars 2007, elle est candidate du PS, et n’a plus aucune chance de gagner. Que faire ? Le danger vient de là. La situation sera inédite.
On n’attendait pas du PS qu’il encourage cette démagogie artificielle et cette candidate fragile. Chirac et Sarkozy sont des démagogues, mais cela est dans le sens du RPR, maintenant UMP. Le PS habitue les gens à mieux, on peut critiquer la sournoiserie de Mitterrand, le protestantisme social-démocrate de Jospin, mais ce n’étaient pas des démagogues. Le PS est par nature progressiste, et surtout dispose d’une forte culture éducative et pédagogique. Ce sont les idées qui ont porté la gauche au pouvoir, pas les tactiques (même si elles sont indispensables). Que vont faire les électeurs ? Voter plus à gauche, voter pour Bayrou, voter pour Le Pen. La dispersion du 21 avril 2002 va être multidirectionnelle, et du coup faire bien plus mal.
Cela n’est pas écrit. Il est temps de débattre dans le PS, et de réfléchir à cette simple question : doit-elle gouverner ? Qu’elle perde ou qu’elle gagne, le PS sera perdant, et le pays aussi.
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