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Accueil du site > Tribune Libre > Supprimer le bac... et après ?

Supprimer le bac... et après ?

Nous étions habitués depuis fort longtemps au traditionnel marronnier médiatique du baccalauréat, une occasion pour les journaux télévisés de capturer le temps d’une journée les angoisses, les appréhensions et la joie libérée dans un cri des candidats au diplôme. Il faudra dorénavant ajouter à cet exercice rituel d’ « infotainement » un nouveau marronnier : celui de la disparition du baccalauréat.

Depuis quelques années déjà, la presse et nos dirigeants s’interrogent sur ces résultats assez étonnants de réussite à l’examen qui vient sanctionner la fin des études secondaires en France.  Stéphane Beaud se penchait déjà sur la question en 2002 dans son ouvrage « 80% d’une classe d’âge au bac ? Et après ? »(1), une étude emprunte de sociologie sur la dimension symbolique que recouvre désormais le diplôme. Le constat était déjà amer : une sélection des élèves qui se déplace vers la filière scientifique et la fabrique d’une illusion destructrice pour les nouveaux étudiants se cassant les dents avant d’atteindre le DEUG. Cette enquête, riche d’une décennie d’observations et d’analyses dressait un constat alarmant, mais argumenté.

Rue89 s’interrogeait sur la même question en 2007 (2), l’Humanité en 2008 (3), aujourd’hui, l’heure n’est plus à l’analyse ni au recul, on veut la peau du baccalauréat, point. Baigné d’idées reçues mâtinées d’opportunisme, lefigaro.fr publie simultanément trois articles réclamant sinon la suppression au moins un retour aux valeurs fondamentales qui faisait la valeur d’un baccalauréat élitiste dans une France d’après-guerre(4). « La valeur du bac s’est effondrée en 30 ans » nous rappelle le fou du roi, omettant sans doute involontairement de préciser le contenu des programmes et ne s’attachant qu’à « l’illusion du chiffre » en nous servant des statistiques sur le pourcentage de reçus depuis 1850, sans tenir plus compte des évolutions démographiques, sociologiques et professionnelles que nécessiterait ce genre d’analyse.

Dans un sondage adjacent, on nous demande sans détour « Faut-il supprimer le bac ? », rien que ça. Fidèle à sa vision manichéenne du monde, le quotidien ne nous laisse guère le choix, on est pour ou contre. Citoyens choisissez votre camp. Les commentateurs du sondage y vont de leur analyse « café du commerce » qui caractérise si bien le lectorat réactionnaire et conservateur du canard. Nos chères têtes grisonnantes s’émeuvent collectivement du bon vieux Certificat d’études primaires (supprimé en 1989) d’antan, qui lui au moins valait quelque chose, crénom de nom !

On assiste par la suite à un déluge d’éructations souvent scandalisées du niveau de nos jeunes décidemment  bons à rien, sans qu’à aucun moment ne se pose la question de la substitution. Car vouloir supprimer le baccalauréat, c’est bien beau (ou pas), mais que va-t-on faire des centaines de milliers de candidats ? Créer des filières toujours plus spécifiques pour chaque corps de métier ? Après tout ceux qui ne veulent pas bosser n’ont pas à être aidés non mais ! Laissons réussir ceux qui le souhaitent pour qu’ils intègrent de prestigieuses grandes écoles et décident par la suite du futur de leurs condisciples. C’est bien connu, les fainéants n’ont que ce qu’ils méritent et c’est bien fait pour eux, un discours que l’on ne peut plus tenir si l’on a pris le temps de parcourir l’étude de l’illustre et regretté Pierre Bourdieu sur le milieu étudiant (5).

Se cantonner à vouloir supprimer le baccalauréat, c’est implicitement vouloir rétablir une hiérarchie sévère de l’enseignement, pour pouvoir mettre de côté ceux qui viennent grossir artificiellement les rangs des universités françaises (sic), poursuivre une vision de sélection élitiste de la société qui satisfait surtout l’élite déjà en place. C’est également faire l’impasse la plus totale sur la transformation du monde professionnel en France : certes, si l’on pouvait allègrement se passer d’un tel diplôme pour réussir son parcours dans les années 1950, faut-il rappeler qu’en cette même année l’agriculture faisait travailler 5 500 000 personnes ? A l’heure où l’on désigne la Chine comme « l’atelier du monde » et que les usines ferment leurs portes toutes les semaines dans l’hexagone, peut-on honnêtement souhaiter à nos enfants une carrière impossible dans la manutention ? La France se dirige chaque jour un peu plus vers le « tout tertiaire », c’est un fait, et l’avenir du développement d’un pays se jouera dès demain plus que jamais sur la recherche et l’innovation.

Dès lors, comment ne pas souhaiter élever le niveau d’études ? A coups de vieilles rengaines, on compare le baccalauréat au Certificat d’études primaires d’hier, comme si l’on eut été capable de disserter sur la théorie économique ou calculer des primitives à l’âge de 11 ans. Si l‘on souhaite vraiment la disparition de ce diplôme dont on nous rabat les oreilles toute la scolarité durant, il faudrait avant toute chose réfléchir à la mise en place d’un dispositif cohérent de sanction du parcours secondaire, sinon les vieux râleurs d’aujourd’hui seront les mêmes à agiter leurs cannes devant le nombre toujours croissant d’étudiants entrant à l’université (dont on pourrait se réjouir !).

(1) Stéphane Beaud, 80% au bac… et après ? Les enfants de la démocratisation scolaire, La Découverte, 2002.

(2) http://www.rue89.com/2007/06/09/faut-il-supprimer-le-baccalaureat

(3) http://www.humanite.fr/2008-01-28_Societe_-La-suppression-du-bac-est-loin-d-etre-exclue

(4) http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/07/15/01016-20090715ARTFIG00007-en-trente-ans-la-valeur-du-bac-s-est-effondree-.php

(5) Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les Héritiers, Les étudiants et la culture, Editions de Minuit, 1964.


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10 réactions à cet article    


  • JeDoute 16 juillet 2009 10:23

    « Supprimer la bac... et après ? »

    Supprimer la relecture avant publication...c’est mal.


    • P.H.D. P.H.D. 16 juillet 2009 10:30

      J’ai du mal à comprendre comment celà a pu arriver, étant donné que je garde toujours mes documents word sous la main : j’ai beau chercher, jamais je n’ai commis de faute dans le titre avant publication. J’effectue systématiquement deux relectures, je vous avoue donc être le premeir surpris par cette « coquille »...


      • Lapa Lapa 16 juillet 2009 10:53

        "Rue89 s’interrogeait sur la même question en 2007 (2), l’Humanité en 2008 (3), aujourd’hui, l’heure n’est plus à l’analyse ni au recul, on veut la peau du baccalauréat, point.« 

        bah ça doit faire plus d’une dizaine d’années que ce sujet revient chaque été. C’est comme les incendies de forêts ou les méduses. Un topic saisonnier.

         »La France se dirige chaque jour un peu plus vers le « tout tertiaire »« 

        La France se dirige surtout vers le »plus rien du tout« . Ce qui s’est passé avec nos ouvriers et la Chine se passe actuellement avec nos employés de bureaux et le Magreb, voire avec nos ingénieurs et les indiens... Il ne faut pas se leurrer. Le tertiaire actuellement n’a pas la capacité d’emploi qu’avaient les secteurs primaires et secondaires, voire même le tertiaire il y a encore 30 ans.... On arrivera vraisemblablement vers une société où à peine une personne sur 4 travaillera. Et encore... sans parler de toutes les compétences de base qui auront été perdues...

        Sinon le problème de votre article, mis à part dézinguer ceux qui seraient pour la suppression du bac et essayer de répondre à leur place (procédé très utile pour décrédibiliser les adversaires) c’est que finalement il n’apporte rien. Aucune solution, aucun argument intéressant. Le vide. Juste le thème »blablabla ceux qui veulent supprimer le bac sont des vieux cons élitistes". OK
        Bon, bein ceux qui veulent le maintient du bac actuel sont des jeunes branleurs idélistes et déconnectés. Et maintenant on fait quoi ??


        • Gio 16 juillet 2009 11:08

          Article qui ne fait aucune proposition mais se contente de critiquer ceux qui osent se poser la question de l’utilité d’un bac quasiment donné qui permet ensuite de s’inscrire dans presque n’importe quelle facultés, avec les lourds échecs qui s’en suivent.
          Le bac est galvaudé, il ne correspond plus à rien en dessous de la mention Bien par rapport à ce qi’il était en gros jusqu’en 68.
          Il suffit d’en revenir à une notation honnête et donc abandonner l’idéologie égalitariste-socialiste béate qui fait de notre bac la risée de toutes les personnes un peu sensées.
          Un petit comble, juste pour rire, le meilleur résulltat cette année : 20,60 (environ) sur 20, doone bien la hauteur de la stupidité de cet « examen » !


          • Vilain petit canard Vilain petit canard 16 juillet 2009 11:27

            Il y a plusieurs questions différentes sur ce sujet, qui n’apparaissent pas clairement dans votre argumentation  :

            1. on arrive bientôt à 100% de bacheliers, à quoi cela sert-il de sélectionner  ? Le bac devient une espèce de truc comme le permis de conduire (pour lesquels il y a quand même des recalés), mais après tout, qu’une population soit massivement éduquée, c’est plutôt pas mal pour le niveau des discussions au bistrot - et le choix des dirigeants en démocratie, et le débat public en général. C’est même certainement pour ça qu’en parallèle des études, le système a installé des machines à abrutissement des djeunes comme NRJ ou MTV, ou TF1 pour les seniors.
            2. avec le bac, on fait quoi comme études  ? là c’est plus compliqué, si on fait des études, ça va embouteiller les facs (qui le sont déjà), et puis on ne peut pas sortir 50.000 polytechniciens par an, va falloir trouver un autre moyen de sélection pour garnir nos « élites » (la complainte passéiste du Figaro est assez éclairante) ; cependant, une France massivement diplômée est assez rafraîchissante, tant qu’on en se demande pas qui va payer ces fameuses études de masse.
            3. et après tout ça, avec le bac, de toute façon, quel emploi va-t-on trouver ? c’est encore plus compliqué de répondre, c’est une question de société ; vous vous en tirez avec le fameux rêve du « tout dans le tertiaire », on entrevoit la vision d’une France sans ouvriers, sans artisans, peuplée de blouses blanches et de costards-cravates, le rêve de Giscard et de Thatcher. Mais j’ai toujours besoin d’un plombier et d’un électricien pas loin de chez moi.

            Voilà, si ça peut faire avancer le débat...


            • P.H.D. P.H.D. 16 juillet 2009 11:51

              Vous soulevez effectivement des questionnements intéressants.

              Tout d’abord, je regrette si vous avez compris que je présentais le tout tertiaire comme un idéal, je ne le souhaite absolument pas, le maintien de nos artisants est un enjeu fondamental dans notre société. Cependant ce problème renvoit à l’autrement plus vaste sujet de la « perception ». Nous avons choisi de multiplier encore et toujours les diplômes professionalisants, sans qu’ils n’obtiennent pourtant la même considération sociale. Il n’y a qu’à voir comment l’on dénigre sans vergogne les CAP, BEP et autres baccalauréats professionnels pourtant indispensables. Je considère que l’artisant boulanger est ausi noble et important que l’ingénieur, et son travail tout aussi respectable. Ces filières sont malheureusement très mal considérées, y compris par une partie des élèves à qui l’on a bien fait comprendre qu’ils n’étaient pas là par choix mais parce qu’ils n’étaient pas assez « bons » pour continuer dans la voie générale.
              Ce qui pose également la question de l’orientation, fondamentale pour la réussite. Malgré les efforts qui ont été faits ces dernières décénnies, le bilan n’est pas brillant : les conseillers d’orientations se cantonnent généralement d’examiner le bulletin scolaire et d’en tirer une conclusion sur la voie à suivre, en mettant de côté ls aspirations et désirs de chacun. C’est encore plus flagrant à la sortie du lycée où l’on vous laisse seul face aux inombrables filières du supérieur, les inscriptions à l’université se font assez tardives et parfois sans réelles motivations, ce qui pourrait en partie expliquer le taux d’échec consternant en première année.

              Merci pour vos remarques.


            • Vilain petit canard Vilain petit canard 16 juillet 2009 12:07

              Excusez-moi pour le tertiaire ! Finalement, nous sommes d’accord, et la dévalorisation des bacs pro ou des bacs techniques doit cesser.

              .Je crois qu’il faut distinguer le bac « sanction d’un niveau culturel et/ou technique » du bac « capacité à suivre les études supérieures ». Le premier peut servir à briguer un emploi, à condition que le patron embaucheur ne soit pas un pétochard qui refuse les moins de trente ans avec dix ans d’expérience et fout dehors les plus de quarante-cinq trop « rigides ».

              On pourrait imaginer par exemple que seul le bac avec mention ouvre les portes de la fac, pour lesquelles il faut des réelles capacités. Pourquoi pas ?


            • Mmarvinbear mmarvin 17 juillet 2009 01:43

              En ces temps écologiques, il incombe de ne pas se lamenter sur la multiplication des marronniers...

              Plus sérieusement, le BAC devrait être maintenu, même si de petits aménagements sont possibles.

              Les places en Fac étant limitées dans certains secteurs, on peut imaginer l’établissement d’un classement régional des bacheliers. Seuls peuvent intégrer la fac de leur choix les élèves ayant eu les meilleurs résultats. Avec départage par le livret scolaire en cas d’égalité pour une dernière place à pourvoir.
              On a ainsi de nouveaux universitaires plus motivés par leurs études. Surtout en médecine.

              Les autres ? Ils sont inscrits à la fac au niveau de leur second choix, choix qu’ils auront effectué en début de Terminale.
              C’est moins motivant, je sais. Mais cela leur permet tout de même l’accès facile aux études supérieures.

              Mais le problème premier du BAC, outre la surcôte dont bénéficie la fillière S, c’est que le diplôme simple ne devrait pas permettre seul l’accès à l’université. La fac est souvent choisie en dépit du bon sens : pourquoi une inscription massive en sociologie alors que les débouchés sont quasi nuls dans le secteur ? Pourquoi permettre l’inscription de 10 000 étudiants en Sport quand on ne recrute que 1 000 nouveaux éducateurs en fin d’études ?

              Le BAC est chargé ainsi du péché que constitue ensuite la mauvaise orientation universitaire.

              Une solution ?

              En début de terminale, le candidat pose ses choix de fac. Une fois bachelier, sa place est réservée (si son classement le lui permet)... Pour l’année suivante !

              Avant d’intégrer la fac, le jeune diplomé doit accomplir un Service Civil Obligatoire.

              Le Service Militaire faisait office de filtre autrefois. S’il a mis longtemps à être suspendu, c’est parce qu’il permettait aux jeunes non bacheliers de ne pas aller grossir trop vite les chiffres du chomage...

              Le SCO peut se décliner selon plusieurs versions, selon les capacités et les envies de l’appelé. Il peut intégrer une association et travailler un an dans le caritatif, ou l’éducation sociale. Il peut aussi s’y préparer à une carrière militaire ou policière.
              Un postulant à l’école de Médecine est alors conduit à travailler en milieu hospitalier. Il voit alors la réalité de sa carrière future. Si cela ne lui convient pas, il peut résilier sa préinscription et intégrer une autre filière.

              Le SCO est obligatoire, mais peut être aménagé pour les handicapés. Aucune dérogation n’est permise. Les chargés de famille y passent aussi, en échange de quoi l’Etat prend en charge les frais induits.

              Evidemment, il convient de faire du SCO un passage obligé : l’inscription au permis de conduire est interdite avant l’exécution du SCO.

              Aucune inscription en école supérieure privée n’est possible.

              L’ Etat prend en charge tous les soins médicaux durant cette période. La non-exécution du SCO n’entraine aucune poursuite pénale, mais le refusant est radié du système de santé. Une inscription individuelle est possible mais il paiera sa cotisation plein pot, et le tiers-payant lui sera refusé.

              Le refusant se voit aussi dénié l’inscription sur une liste électorale. S’il y est deja inscrit, il est automatiquement radié et réintégré uniquement s’il effectue le SCO.


              • janus 17 juillet 2009 08:43

                Galimatias, fautes d’orthographe, contresens, assertions non argumentées, barbarismes (liste sur demande) : vous émaillez votre article de suffisamment de fautes pour ne pas être reçu au baccalauréat des années 60. Sans doute obtiendriez vous le bac 2009, néanmoins...


                • frédéric lyon 17 juillet 2009 09:07

                  Bah, quelle importance !


                  Puisque notre « auteur » soulève des « questionnements intéressants ».

                  A quoi sert le bac ?

                  A rien.

                  Où est le problème ?

                  Nulle part.

                  Les bacheliers qui ont obtenu une mention « bien » ou « très bien » au bac série S sont les seuls véritables bacheliers, quant aux autres on leur donne un hochet dont ils sont très contents, puisqu’on les voit sauter de joie à l’annonce de leur succès.

                  On ne tardera pas à le donner à tout le monde, car il parait un peu idiot de sélectionner 10 % de crétins pour les coller chaque année. A quoi celà peut-il bien servir de les faire redoubler ? Ils ne sont que marginalement un peu plus idiot que ceux qui ont été reçus de justesse et il est donc injuste de les sanctionner.

                  Par conséquent donnons le bac à tout le monde sans exception, comme une sorte de sanction de fin d’études secondaires, une garantie que les impétrants ont bien usé leurs fonds de culotte pendant un certain nombre d’années sur les bancs des lycées et collèges.

                  Puisqu’on a pas voulu de sélection dans le système scolaire de l’Education Nationale, la sélection se fera ailleurs et après.

                  Circulez, il n’ a rien à voir, ni rien à réformer et surtout pas l’Education Nationale, qui a déjà donné et sacrifié à cette maladie de réformite qui frappe à tout propos le pays tout entier.

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