Testicules coupés mis dans la bouche, décapitations, éviscérations : censure du gouvernement sur les tortures au Bataclan ?
En cette nuit du 14 juillet, Nice a été frappé par une effroyable attaque terroriste. Un camion chargé d'armes et de grenades a fendu la foule sur la Promenade des Anglais, sur près de deux kilomètres, avant d'être stoppé par la police. Le tueur, un Niçois de 31 ans d'origine tunisienne, a hurlé "Allahu akbar" avant de lancer son poids lourd. A l'heure où j'écris ces lignes, on dénombre déjà 77 morts et une quinzaine de blessés "en urgence absolue". Difficile de penser à autre chose à présent, et pourtant...
Il y a quelques jours seulement, un rapport parlementaire édifiant paraissait au sujet des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, qui laisse penser que les autorités ont peut-être voulu minimiser l'horreur de l'attaque terroriste.
Le 1er décembre 2015, je publiais ici même un article rapportant deux témoignages attestant de décapitations lors de l'attentat au Bataclan. Certains n'avaient pas jugé l'information crédible. En ce début juillet 2016, le rapport de la commission d'enquête Fenech vient de paraître. Le tome 2 du rapport contient le compte-rendu des auditions. On y trouve les témoignages de membres de la brigade anticriminalité (BAC) de nuit 94, qui sont intervenus, le 13 novembre 2015, lors de l'attentat commis au Bataclan. Leur audition a eu lieu à huis clos le 21 mars 2016. Parmi eux, le brigadier-chef « T.P. ».
Je vous propose de lire l'essentiel de son témoignage :
M. le président Georges Fenech. Pour l’information de la commission d’enquête, monsieur P. T., pouvez-vous nous dire comment vous avez appris qu’il y avait eu des actes de barbarie à l’intérieur du Bataclan : décapitations, éviscérations, énucléations… ?
M. T. P. Après l’assaut, nous étions avec des collègues au niveau du passage Saint-Pierre-Amelot lorsque j’ai vu sortir un enquêteur en pleurs qui est allé vomir. Il nous a dit ce qu’il avait vu. Je ne connaissais pas ce collègue, mais il avait été tellement choqué que c’est sorti naturellement.
M. Alain Marsaud. Les actes de tortures se sont passés au deuxième étage ?
M. T. P. Je pense, car je suis entré au niveau du rez-de-chaussée où il n’y avait rien de tel, seulement des personnes touchées par des balles.
M. Alain Marsaud. À votre connaissance, ils étaient trois sans aucun doute ? Il n’y a aucune chance qu’un quatrième se soit enfui ?
M. T. P. On est certains qu’ils étaient au moins trois, mais ils étaient peut-être quatre. Les ondes retransmettaient les appels au numéro d’urgence de la police, le 17 : on entendait parler de trois individus, voire quatre.
M. Alain Marsaud. Est-il exclu qu’une quatrième personne ait pu s’enfuir en se faisant évacuer parmi les blessés ?
M. T. P. Ce n’est pas exclu. C’est la raison pour laquelle mes collègues ont procédé à des palpations sommaires de toutes les victimes, même blessées, qui sortaient par l’entrée principale.
M. L. S. Nous effectuions systématiquement une palpation sommaire, au moins au niveau du plexus, de la base du torse, et des jambes.
M. Alain Marsaud. Un quatrième terroriste aurait pu être blessé lui-même ou s’enfuir parmi les blessés ?
M. T. P. Parmi les blessés, je ne pense pas.
M. Alain Marsaud. On ne retrouve que trois armes de guerre.
M. L. S. Cela relève des investigations. Pour notre part, nous n’en savons rien.
M. le président Georges Fenech. Messieurs, nous vous remercions vivement d’avoir livré ce très important témoignage. La commission d’enquête salue votre courage et l’intervention qui a été la vôtre.
(...)
M. le rapporteur. Après 21 heures 57 et la mort du kamikaze, il n’y a plus de tirs, mis à part les rafales qui visent directement la BAC dans le passage Saint-Pierre-Amelot ?
M. T. P. Le commissaire N est entré avec son chauffeur. On entend alors ses tirs et une explosion. Une fois que l’individu visé est neutralisé, nous essuyons les premières rafales côté passage Saint-Pierre-Amelot. Pendant les dix minutes durant lesquelles le terroriste nous tire dessus, nous n’entendons plus d’autres tirs à l’intérieur.
M. le président Georges Fenech. Parce que l’autre est mort.
M. T. P. L’un d’entre eux a été neutralisé. L’autre est là-haut en train de… J’ai tendance à me dire que, tant qu’on tire sur moi, on ne tue personne d’autre.
M. Pierre Lellouche. Que voulez-vous dire par « en train de… » ?
M. le président Georges Fenech. Je crois que certaines choses n’ont jamais été dites. Je pense que l’on pourrait peut-être, à ce stade, éclaircir les choses.
M. T. P. Des corps n’ont pas été présentés aux familles parce qu’il y a eu des gens décapités, des gens égorgés, des gens qui ont été éviscérés. Il y a des femmes qui ont pris des coups de couteau au niveau des appareils génitaux.
M. le président Georges Fenech. Tout cela aurait été filmé en vidéo pour DAECH !
M. T. P. Il me semble. Les victimes en ont parlé.
M. le rapporteur. Ces actes ont été commis par les deux survivants. Savez-vous si vous avez blessé celui sur lequel vous avez tiré dans le passage Saint-Pierre-Amelot ?
M. T. P. Je pense, mais je n’ai aucune certitude. Comme ils se sont fait sauter, on ne peut pas savoir s’il était blessé au tronc. Je pense l’avoir touché car les tirs ont cessé, et la porte s’est refermée. Le fait que la kalachnikov s’affaisse et que les portes se referment me semble significatif. Plus tard, nous avons parlé avec le civil qui nous faisait des signes dans le passage Saint-Pierre-Amelot : il nous a dit que nous avions touché le tireur et que c’est pour cela qu’il avait cessé de tirer.
Après ce moment, les tirs que nous avons entendus à l’intérieur n’étaient que très sporadiques. Il n’y a plus eu de rafales. Selon toute vraisemblance, un des terroristes ou plusieurs achevaient les gens. Ensuite, j’avoue que je n’ai fait que quinze mètres à l’intérieur du Bataclan derrière la BRI. Ma présence n’était pas nécessaire, je suis donc ressorti. Ce que j’avais vu m’avait suffi.
M. Pierre Lellouche. Les exactions sur les gens se sont déroulées à quel endroit ?
M. T. P. À l’étage.
M. Pierre Lellouche. Cela se passe après que l’individu que vous avez blessé est remonté ?
M. T. P. Je pense même que ça s’est produit avant, mais ce n’est que mon avis personnel. Pendant que nous fixions un terroriste à la porte de secours, un autre faisait toutes ces choses ignobles à l’étage.
M. Pierre Lellouche. La vidéo est partie ?
M. le président Georges Fenech. Je crois savoir que des vidéos sont parties.
M. Pierre Lellouche. On peut le savoir si l’on a récupéré les portables des victimes. On les a ?
M. T. P. Ils se sont fait exploser. Il y a eu des personnes décapitées, égorgées, éviscérées. Il y a eu des mimiques d’actes sexuels sur des femmes et des coups de couteau au niveau des appareils génitaux. Si je ne me trompe pas, les yeux de certaines personnes ont été arrachés.
Les propos de ce brigadier-chef sont clairs : d'horribles actes de barbarie ont eu lieu sur certaines des victimes du Bataclan. Ils sont corroborés, nous allons le voir, par le père d'une des victimes. Pourtant, les autorités vont démentir ces informations.
C'est le cas de Michel Cadot, préfet de police de Paris, Christian Sainte, patron de la police judiciaire parisienne et surtout François Molins, procureur de la République de Paris, qui évoque une simple rumeur. Et pour cause : selon Cadot et Molins, aucune "arme blanche" n'aurait été retrouvée.
M. le rapporteur. Les terroristes du Bataclan ont-ils commis des décapitations ou des mutilations ? Des décès se sont-ils produits autrement que par fusillade ou explosion ? Nous sommes saisis d’informations contradictoires – dont certaines nous ont été communiquées lors de nos auditions – qu’il faut éclaircir.
M. le président Georges Fenech. En effet, la commission est troublée par ces informations, qui n’ont filtré nulle part. Ainsi, le père de l’une des victimes m’a adressé la copie d’une lettre qu’il a transmise au juge d’instruction, que je cite en résumant : « Sur les causes de la mort de mon fils A., à l’institut médico-légal de Paris, on m’a dit, et ce avec des réserves compte tenu du choc que cela représentait pour moi à cet instant-là, qu’on lui avait coupé les testicules, qu’on les lui avait mis dans la bouche, et qu’il avait été éventré. Lorsque je l’ai vu derrière une vitre, allongé sur une table, un linceul blanc le recouvrant jusqu’au cou, une psychologue m’accompagnait. Cette dernière m’a dit : ‟La seule partie montrable de votre fils est son profil gauche.” J’ai constaté qu’il n’avait plus d’œil droit. J’en ai fait la remarque ; il m’a été répondu qu’ils lui avaient crevé l’œil et enfoncé la face droite de son visage, d’où des hématomes très importants que nous avons pu tous constater lors de sa mise en bière. »
Ce témoignage précis pourrait corroborer les propos que nous a tenus l’un des fonctionnaires de la BAC, selon lequel l’un des enquêteurs a vomi immédiatement en sortant du Bataclan après avoir constaté une décapitation et des éviscérations. Avez-vous connaissance de tels faits ?
M. Michel Cadot. Je n’ai eu aucune connaissance de ces faits, ni par l’Institut médico-légal ni par les fonctionnaires en question. Il appartient de toute évidence à l’enquête judiciaire d’en apprécier la véracité. J’ai néanmoins compris qu’il n’a été retrouvé sur le site de l’attaque aucun couteau ni aucun autre engin tranchant qui aurait permis ce type de mutilations. Il sera aisé de le vérifier dans le cadre de l’enquête. En ce qui me concerne, encore une fois, je n'ai reçu aucun message de la sorte provenant de l’Institut médico-légal ou de la direction de tutelle de la BAC concernée.
M. Christian Sainte. Je ne peux guère m’avancer sur ce point, compte tenu de l’état de l’enquête, mais rien, en l’état actuel de mes connaissances, ne me permet de penser que ce qui vient d’être lu est juste. Je précise, pour que les choses soient claires, que certains des corps retrouvés au Bataclan étaient extrêmement mutilés par les explosions et par les armes, à tel point qu’il fut parfois difficile de reconstituer les corps démembrés. Autrement dit, les blessures que décrit ce père peuvent aussi avoir été causées par des armes automatiques, par les explosions ou par les projections de clous et de boulons qui en ont résulté.
M. le président Georges Fenech. On lui aurait mis ses testicules dans la bouche…
M. Christian Sainte. Je ne dispose pas de cette information et, si ces faits avaient été établis, je pense qu’une telle information ne m’aurait pas échappé.
(...)
M. le président. À la suite des attentats de novembre, il a été évoqué la commission d’actes de barbarie.
M. François Molins. C’est une rumeur. Les médecins légistes ont été formels : il n’y a pas eu d’acte de barbarie, pas d’utilisation, notamment, d’armes blanches. Selon un témoignage, les testicules d’une personne auraient été coupés, mais aucune constatation n’a permis de le corroborer.
Alors qui croire ? Un policier et un père de victime, dont les témoignages s'ajoutent à ceux d'une rescapée et d'une mère d'un autre policier présent au Bataclan ? Ou les autorités ?
Il faut d'ailleurs se souvenir que, le 16 novembre 2015, The Scottish Daily Mail rapportait les propos d'une spectactrice écossaise du concert, selon laquelle un autre rescapé lui avait "dit" qu'à l'étage les "terroristes poignardaient les gens dans l'estomac". Le même jour, dans le Mirror, la rescapée disait savoir que des tortures avaient été pratiquées, car elle entendait des gens crier d'une manière "singulière" sans qu'on leur tire dessus.
A cela s'ajoute encore le témoignage d'un négociateur de la BRI qui a communiqué avec les terroristes :
"Ils ne veulent pas libérer les otages. Ils disent : barrez-vous sinon on tire et on décapite les personnes coincées avec nous. Ils parlent de la Syrie, du fait qu'ils ripostent parce qu'on les a attaqués. Ils veulent absolument parler aux médias aussi, ce que nous ne pouvons accepter".
Pourtant, le 24 novembre 2015, "Les Décodeurs" du Monde avaient parlé d'intox concernant ces allégations ; pour eux, c'était clair, les otages n'avaient pas été torturés au Bataclan :
Depuis que le rapport Fenech a paru, certains sites d'extrême-droite dénoncent la censure du gouvernement ; c'est le cas de Breiz Atao :
"Le gouvernement français a tenté de censurer toutes les informations relatives aux tortures infligées aux victimes des attentats du Bataclan, le 13 novembre 2015. Le but : protéger les musulmans avec lesquels les autorités françaises ont une alliance stratégique."
Quant au site à tendance conspirationniste Panamza, c'est l'absence de couteau sur les lieux du drame qui l'intrigue et qui lui permet de titrer : "Le mystère du Bataclan : des corps sauvagement mutilés, aucun couteau retrouvé". L'auteur interroge la possible présence d'un quatrième assaillant qui aurait pu fuir.
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