Au-dessus des lois, l’Etat massacre les bouquetins
En Haute-Savoie, l'Etat massacre des bouquetins. Peu importe que cette espèce soit protégée, que les citoyens et les scientifiques soient ignorés, que le Code de l'Environnement ne soit pas respecté... car, de toute façon, la justice est plus lente que les fusils ! Bouquetins, on ne vous lâchera pas ! Nous sommes déjà 14 000 à vous soutenir !
Suite à la découverte d’un foyer de brucellose, le Préfet de la Haute-Savoie, déjà connu pour son implication dans la psychose de la grippe A, a ordonné, dans le massif du Bargy, l’abattage de la totalité des bouquetins de cinq ans et plus, sans faire de distinction entre les individus sains et les individus contaminés. Les tirs ont actuellement lieu. Emblématiques des Alpes, ces animaux de montagne sont protégés par la loi française et par la Convention de Berne. Il est interdit de les abattre depuis 1962.
Chez l’Homme, la brucellose est une maladie sérieuse qui peut se compliquer, notamment d’une atteinte articulaire. Toutefois, dans la majorité des cas, les antibiotiques sont efficaces. La maladie se transmet à l’homme essentiellement par le lait. Cependant, la pasteurisation inactive la bactérie. En 2012, la brucellose a été transmise d’un bouquetin à une vache. Suite à la consommation, lors d’un même repas, d’un produit laitier issu du troupeau bovin, deux personnes ont été atteintes de brucellose. Aux yeux des experts, cette contamination, survenue après plus de 12 ans de présence de la maladie chez les bouquetins, paraît « accidentelle » et « exceptionnelle ». Ainsi, en automne 2012, plus de 12 000 vaches, moutons, chèvres, cerfs et chevreuils ont été testés, aucun d’entre eux n’était positif ! Se transmettant surtout par voie sexuelle, la maladie est circonscrite aux bouquetins du Bargy. Les experts estiment que le risque de transmission de la brucellose aux autres espèces est extrêmement faible et maîtrisable. Pour le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) et pour l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES), il n’y avait pas d’urgence à mettre en œuvre un plan d’action drastique ; et, compte tenu d’un flagrant manque de connaissances, il était nécessaire de recueillir plus d’informations avant de prendre une décision.
Malgré l’avis des scientifiques, sous la pression de fédérations de chasse et d’agriculteurs, l’Etat a décrété l’urgence en négligeant la loi et les citoyens. Pour éviter toute remise en cause citoyenne, la décision d’abattage massif n’a été rendue publique qu’au tout dernier moment ; ce qui constitue une grave atteinte à la démocratie. Ainsi, l’Etat n’a pas respecté la procédure de participation du public avant la prise d’une décision ayant une incidence sur l’environnement ; ce qui est contraire à l’article L. 120-1-1 du Code de l’Environnement.
En un éclair, prenant de vitesse les journaux, l’arrêté ordonnant l’abattage a été signé le 1er octobre 2013. Un jour plus tard, l’Etat avait abattu 197 bouquetins, soit potentiellement 68% de la population du Bargy. Dans un délai aussi court, il était impossible de saisir la justice. L’Etat a donc ignoré les citoyens. En tant qu’initiateur de la pétition Stop à l’abattage des bouquetins du Bargy, j’ai déjà écrit deux lettres tout à fait courtoises au Ministre chargé de l’Ecologie. Il n’a répondu à aucune d’entre elles. Ce silence est désespérant, mais pas étonnant chez un ministre pointé plusieurs fois du doigt par des associations protectrices des animaux. Dans ma première lettre, j’évoquais les 5693 signataires de la pétition ; dans la seconde, les 7049 signataires. Aujourd’hui, nous sommes plus de 14000. Contrairement à l’actuel Ministre de l’Ecologie, qui a, par le passé, appelé au boycott des vins californiens (pour des raisons économiques, et absolument pas éthiques), certains ont la sagesse de ne pas utiliser ces méthodes pour se faire entendre ; ce n’est toutefois pas une raison de les ignorer.
Face à l’opacité du dossier, les journalistes n’ont pas relevé que la décision prise par l’Etat n’était pas conforme à la loi. En effet, le Code de l’Environnement stipule que les dérogations aux interdictions encadrant le statut de protection du Bouquetin des Alpes ne peuvent être délivrées que s’ « il n’existe pas d'autre solution satisfaisante ». Or, une autre solution plus satisfaisante, plus éthique existe ; le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) l’a d’ailleurs préconisée ; la décision de l’Etat est donc contraire à l’article L. 411-2-4° de ce code. L’abattage des seuls animaux malades ou la vaccination étaient et sont encore les alternatives les plus pertinentes.
Très hasardeuses, les statistiques préalables à l’abattage ont été fournies par l’Office National de la Chasse (et de la Faune Sauvage), dont la partialité est remise en cause par la Cour des Comptes et par des fédérations de chasseurs. On peut sérieusement douter de la neutralité de ces derniers observateurs, surtout lorsqu’on lit sur un blog de chasseurs : « les bouquetins mâles sont vendus selon la longueur des cornes. (…) il est anormal de passer à côté d’une telle activité économique. (…) exigeons que l’on ouvre la chasse du Bouquetin des Alpes en France. » Autre point noir : l’Etat indique n’abattre que des bouquetins de cinq ans et plus, alors que l’âge d’un bouquetin ne peut pas être déterminé à distance de tir. De nombreux bouquetins âgés de 3 ou 4 ans ont vraisemblablement été tués, ce qui n’est pas conforme à l’arrêté ordonnant l’abattage. Les citoyens n’ont aucun moyen de contrôler ce qui se passe. L’Etat ne rend pas public la liste des animaux tués, leur âge et leur sexe. Pire, à la stupeur des scientifiques, l’Etat aurait omis de faire cette liste !
Durant plusieurs jours, le massif du Bargy a été bouclé par plus d’une centaine de gendarmes. L’Etat a incinéré des bouquetins sans réaliser de prélèvements sanguins, alors que ces prélèvements étaient cruciaux, car ils auraient permis aux scientifiques de mieux comprendre la dynamique de l’infection et de faire face à d’éventuels nouveaux foyers de brucellose ! Pourquoi une telle opacité ? Tout simplement parce que, contre l’avis du CNPN, de très nombreux bouquetins non contaminés ont été abattus : aucun tri n’a été fait, et au moins 65% des bouquetins n’avaient pas la brucellose. Tout est fait pour que le dossier ne fasse pas l’objet d’une enquête scientifique indépendante.
L’Etat a opté pour la solution la plus expéditive, la moins éthique et la plus périlleuse pour l’écosystème. L’abattage massif des bouquetins du Bargy n’est pas justifié puisque le risque de transmission aux autres espèces et à l’Homme est extrêmement faible. Il y avait d’autres solutions, le CNPN l’a affirmé.
La psychose doit cesser. Il y a autant de raisons d’abattre les bouquetins du Bargy que d’abattre les chats, les chiens, les oiseaux sauvages ou que de déverser des tonnes de chlore dans les étangs (pour lutter, respectivement, contre la brucellose, la toxoplasmose congénitale, les septicémies, les grippes aviaires ou les parasitoses). Non, les bouquetins ne sont pas des variables d’ajustement, ce sont des êtres sensibles, et il est inhumain de les traiter de la sorte. Il suffit de croiser leur regard pour s’en convaincre. À l’heure actuelle, les abattages continuent, et pourraient prochainement s’étendre aux bouquetins les plus jeunes.
Il y a encore de nombreux bouquetins à sauver, diffusons la pétition :
https://secure.avaaz.org/fr/petition/Petition_Stop_a_labattage_des_bouquetins_du_Bargy
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter un dossier complet sur l’affaire soutenu par des associations reconnues d’utilité publique : http://lebruitduvent.overblog.com/bouquetinsdossier.html
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