La réforme des institutions pour les nuls
On n’a pas le droit de laisser les blogs et les médias s’entredéchirer sur cette réforme sans lui rendre un petit hommage de fond. Juste pour le plaisir d’aller à la plage moins people et plus citoyen que d’habitude. Sûr que le droit et le constitutionnel, qui plus est, peut en faire fuir plus un. Mais expliqué par un spécialiste, avec ce qu’il faut de vulgarisation et de contexte politique, cela devient tout de suite une partie de plaisir. Le plaisir retrouvé de ressentir la souveraineté, ce pouvoir que nous prêtons à nos représentants pour le temps d’un mandat. Cet article s’ajoute à la longue liste des textes du Réveille républicain.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH462/republique-c6fc5.jpg)
Après avoir lu et relu les articles et les commentaires sur le web sur cette réforme, je reviens consterné, comme à l’accoutumée, par l’absence totale de débat sur le fond. La presse nous a habitué à réduire l’actualité à quelques phrases légères, impactantes et comestibles et à quelques photos chocs. Le débat tourne donc très vite au café du commerce. C’est une bataille d’opinion sans opinion et c’est bien triste. Ca me rappelle tristement les débats pour les présidentielles 2007.
C’est donc en tant que constitutionnaliste - trois ans de spécialité, faut bien que ça serve - et après avoir attentivement assisté aux conférences d’Arnaud Montebourg (PS) et de Corinne Lepage (MoDem) sur la VIe république, que je peux vous affirmer que le compte n’y est pas, notre République souffre encore de ses lacunes institutionnelles, mais il ne faut pas rêver, seul le peuple est capable d’un tel courage, quand il n’est pas endormi.
Alors voici les réformes adoptées, celles qui ne l’ont pas été restent pour la prochaine fois, mais, sincèrement, je pense que seule une pression populaire fera un jour la différence.
La réforme pour les nuls :
Rééquilibrage du temps de parole entre les différents groupes politiques : c’est la clé de la démocratie, l’expression de tous, en assemblée. C’est l’origine de la démocratie. C’est insuffisant mais c’est déjà ça. Nous devons attendre la mise en œuvre de ce nouveau principe lorsque le parlement votera la loi d’application. Mais le mot est lâché et écrit dans notre loi fondamentale : pluralisme, c’est-à-dire que Bayrou, Besancenot ou Marine Lepen auront la parole, s’ils sont élus.
Limitation à deux mandats présidentiels : Nicolas Sarkozy pourra se représenter en 2012, mais à la fin du deuxième mandat, ce sera fini. Ouf ! Chirac ou feu Mitterrand ne peuvent plus se présenter.
Extension du référendum d’initiative populaire : si quelqu’un parvient à réunir 4,5 millions de signatures d’électeurs inscrits (10 %) et une centaine de parlementaires (1/5e du Parlement) il pourra présenter une question au vote des Français (référendum). Sachant que l’UMP revendique 290 000 adhérents, le PS 250 et le MoDem 60 (mais qu’en réalité ils gonflent tous leurs chiffres de 20 % au moins), on peut dire que ce quelqu’un peut aussi présenter un nouveau parti et gagnera largement la présidence de la République !
Contrôle des nominations effectuées par le président de la République : ça c’est une réelle limitation des pouvoirs du président qui pourra voir ses nominations refusées par le Parlement (sauf s’il contrôle la majorité parlementaire comme c’est le cas de l’UMP). Nomination par le président : Premier ministre, ministres, ambassadeurs, préfets, recteurs d’académie, conseillers constitutionnel, etc.
Le président ne conserve plus que le droit de grâce individuel. Le droit de grâce collectif disparaît.
Possibilité pour le chef d’Etat de s’exprimer devant le Parlement : ce n’est pas une calomnie comme le crient les opposants de la réforme. Il y aura débat sans vote, c’est logique. On ne va pas voter sur le projet présidentiel. Là je ne peux laisser dire à personne qu’il y a hyper-présidentialisation. Le dire serait essayé de vous manipuler. Qui oserait !
Le nombre maximal de députés sera fixé à 577 et création de postes de députés représentant les Français à l’étranger sans en fixer le nombre. C’est une mini-réforme qui n’ajoute rien d’essentiel.
Partage de l’ordre du jour : ça c’est la révolution parlementaire ! Le Parlement maîtrise 50 % de son ordre du jour alors qu’avant l’opposition était tenue de parler seulement de ce qui intéressait le gouvernement. On va voir si les députés vont enfin toucher leur vrai salaire ! Celui de représenter le peuple et plus leur parti politique !
Limitation de l’article 49.3 : l’article qui permet l’adoption d’une loi sans vote est limité aux budgets de l’Etat, de la Sécurité sociale et "à un autre texte par session" ; pas mal, le Parlement est encore une fois « démuselé ». Il ne pourra plus se flageller en se nommant « simple chambre d’enregistrement ».
Exception d’inconstitutionnalité : c’est le droit aux citoyens de saisir le Conseil constitutionnel s’il trouve qu’une loi est contraire à la constitution, encore faut-il la lire : constitution de la Ve République (PDF). Mais c’est une vraie mesure de démocratie directe. Le citoyen peut enfin saisir directement, sans entrave politicienne ou administrative, le seul tribunal qui peut juger la loi en fonction de la loi suprême, la Déclaration des droits de l’homme, la Constitution de 58 et l’introduction de la Constitution de 48 qui est toujours valable.
Les langues régionales appartiennent "au patrimoine de la nation" : une belle revanche à la doctrine de l’Etat nation (une langue, un drapeau, une frontière, etc.). Souvenons-nous que des Français ont été massacrés ou humiliés par cette doctrine qui leur interdisait de dire bonjour en patois sous peine d’être emprisonnés ou même fusillés. C’est une posture européenne que je salue. Nous sommes différents, nous sommes libres de nous exprimer dans notre langue régionale, mais devons nous traiter comme des égaux (Liberté, Egalité et Fraternité).
Encadrement des adhésions à l’Union européenne : les Français seront rassurés, toute nouvelle adhésion sera par principe soumis au référendum, sauf si le Parlement vote le contraire. Donc, pour la Turquie, en principe les Français auront le dernier mot sauf si 3/5e des parlementaires préfèrent voter.
Vous pouvez maintenant critiquer ou approuver la réforme sans être obligés de répéter les phrases toutes faites des médias ou de vos représentants préférés.
38 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON