Tolérance et indifférence
Qu’est-ce que la tolérance ? Mot rebattu et
galvaudé, sans fin, cuit, recuit, servi et resservi tellement de fois qu’on en
connait même plus le goût.
Est-ce que la tolérance, c’est tout accepter ? Aujourd’hui, la tolérance, ça signifie l’indifférence. Tant que vous payez des impôts et respectez la loi vous faites absolument ce que vous voulez, c’est ça aujourd’hui, être tolérant et ouvert d’esprit. Une femme musulmane est voilée de la tête aux pieds ? Je m’en fiche ! Elle fait ce qu’elle veut ! De toutes façons, je ne suis pas musulmane et y’a pas de musulmans dans mon quartier donc je suis pas concernée. Elle y est peut-être obligée ? Je m’en fiche ! Je ne subis pas cette pression familiale et/ou sociale. C’est pas mon problème. Et puis si ça se trouve c’est par choix, hein qui sait, y’en a bien qui choisissent d’être anorexiques ou de s’automutiler donc on peut très bien choisir de se voiler.
Dans la même idée, pourquoi s’opposer aux mariages « arrangés » ? Après tout si c’est une tradition religieuse, les gens font bien ce qu’ils veulent ! L’excision ? Oh là mutilation, mutilation, c’est vite dit ! Qui vous dit que ces femmes ne sont pas volontairement opérées ? Vous faites vraiment preuve d’un paternalisme extraordinaire. Le culte de la virginité ? Oh je me sens pas concernée non plus mais après tout qu’est-ce que ça peut bien faire ? Oh moins eux, leurs filles ne se promènent pas dépoitraillées à 14 ans dans les rues.
Est-ce que j’accepterai tout ça ? Pour moi ? Mais vous rigolez enfin, vous m’avez vue ? Je ne suis PAS musulmane ! Bien évidemment que je n’accepterai pas ça, mais ce n’est pas ma culture, ça ne me concerne pas.
Je suis française ? Oui et alors ?
Elles aussi ? Oui et alors ?
Alors ça me concerne ? Comment ça ça me concerne ? Fossoyeur des libertés individuelles va !
Je fais un peu de provoc, mais faut bien avouer que ces temps ci, ça ressemble à ça la tolérance. Un je-m’en-foutisme généralisé. La vérité, c’est que ces femmes sont l’arbre qui cache la forêt. Il règne depuis une dizaine d’année une atmosphère délétère dans nos rues, le respect vis-à-vis des femmes s’amenuise de plus en plus. Les insultes criées à la volée envers une femme qui a le tort de ne pas goûter un « compliment » ou un regard appuyé sont quotidiennes. Des femmes se voilent, ou s’habillent de façon informe pour ne pas « provoquer » le désir masculin. Je ne parle pas ici de la religion, les religions ont toujours oppressées les femmes quelles qu’elles soient, mais de cette culture méditerranéenne, machiste, contre laquelle nos mères et nos grands-mères se sont battues il y a 50 ans et qui ressurgit aujourd’hui. Aujourd’hui, des filles ont de nouveau une valeur qui se mesure uniquement à l’aune de leur pureté sexuelle, qui détermine l’honneur des familles.
Ma grand-mère a été mariée de force par sa famille à 17 ans, parce qu’elle était enceinte. C’était en 1953, par la suite, elle a eu 4 enfants en 4 ans, une vie difficile, peu de moyens, de la violence conjugale, de l’alcoolisme…Elle n’était pas une immigrée, c’était une petite française, dans une ville de province. Sa grossesse, fruit d’un simple amour d’été, a jeté l’opprobre sur la famille, qui a dû la marier en catastrophe. Mon arrière grand-mère était fervente catholique, et ne supportait pas l’idée que l’on jase. C’était il y a plus de cinquante ans. Depuis, il y a eu la pilule, le droit à l’avortement, mai 68…Un jour ma grand-mère a trouvé du travail, a gagné sa vie, pris la pilule et divorcé, parce qu’elle avait ces nouveaux droits.
Aujourd’hui, des jeunes filles de 17 ans sont peut-être vouées à être mariées, et peut-être pire, voilées, isolées. Au nom du catholicisme hier, au nom de l’islam aujourd’hui, qu’est-ce que ça change ? Rien ! C’est toujours la même culture, les mêmes excès. La claustration et la séparation des sexes, la diabolisation du corps, du plaisir, de la liberté.
Saint Paul disait : « Que les femmes soient soumises à leurs maris, comme au Seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Eglise, son corps, dont il est le Sauveur. Or, de même que l’Eglise est soumise au Christ, les femmes doivent être soumises à leurs maris en toutes choses », et aussi « Comme cela a eu lieu dans toutes les Eglises des saints, que vos femmes se taisent dans les assemblées, car elles n’ont pas mission de parler ; mais qu’elles soient soumises, comme le dit aussi la Loi. Si elles veulent s’instruire sur quelque point, qu’elles interrogent leurs maris à la maison ; car il est malséant à une femme de parler dans une assemblée. ». Voilà des paroles que les musulmans rigoristes ne renieraient pas.
Si on croit que toutes les femmes, blanches comme noires, asiatiques comme arabes, ont dans ce pays toutes les mêmes droits, alors on doit se battre pour elles. Des femmes ont été contre l’avortement, contre la pilule, contre le vote des femmes. Des femmes marient leurs filles de forces, des femmes excisent des petites filles, des femmes traitent leurs filles de salope et de prostituée. Des femmes considèrent qu’elles sont inférieures aux hommes, des femmes considèrent que leur honneur c’est leur pureté sexuelle, des femmes se voilent, des femmes jugent les autres femmes. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas se battre quand même.
Je veux que dans le pays dans lequel je vis, toutes les jeunes filles aient droit au respect. Je veux que la société soit capable de refuser des pratiques dégradantes comme elle l’a fait dans le passé, et défendre ses valeurs contre la religion, contre le sexisme. Je veux que les hommes ne soient plus considérés comme des êtres bestiaux, mus par leurs supposés instincts de violence et de sexe, mais soient aussi convaincus que leur valeur ne se mesure pas à leurs exploits « virils » mais à leur intelligence, leur douceur et leur honnêteté.
Si on tient à tout cela, alors il n’y a pas de place pour l’indifférence.
19 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON