1998-2007 : La grande inflation ou la folle distorsion des richesses
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L512xH300/croissance_M1_zone_euro_jped-c5fa2.jpg)
Comment peut-on raisonnablement croire qu’une telle croissance monétaire à ce point déraisonnable puisse n’avoir aucun impact sur le fonctionnement de nos économies ? Classiquement, on attribue à une croissance trop forte de la masse monétaire deux conséquences majeures : une forte inflation des prix et une distorsion des prix et de la répartition des richesses. C’est exactement ce qu’il s’est passé. Concentrons-nous sur le cas de la France.
L’inflation des prix des biens et des services entre 1998 et 2007 n’a été que de 18% selon l’Insee et le PIB n’a cru que de 26% durant la même période. Une analyse superficielle laisse donc penser que l’explosion de la masse monétaire n’a pas eu l’impact inflationniste auquel on aurait pu s’attendre. Cependant, un point est régulièrement oublié par la plupart des analystes : la monnaie a un impact sur le prix des actifs. Jusqu’à preuve du contraire, c’est encore avec de l’argent que l’on achète un bien immobilier, des actions ou encore de l’or. Il n’y a aucune raison laissant à penser qu’une forte croissance de la masse monétaire n’aura pas d’impact sur le prix des actifs. Ceux-ci ont explosé durant cette période à des rythmes totalement déconnectés de la croissance de l’économie.
Un indicateur met en lumière cette inflation extraordinaire, le patrimoine des ménages qui agrège les montants de tous les actifs détenus par les français (biens immobiliers, actions, obligations, argent en banque…). Selon l’INSEE, le patrimoine des français aurait cru de 138% entre 1995 et 2007. 138% en 12 ans, une croissance digne de l’Inde ou du Brésil au sein d’une économie qui stagne. A mes yeux, la conclusion est évidente : l’explosion de la masse monétaire durant la décennie précédant la crise a eu pour conséquence une très forte inflation du prix des actifs.
Cette inflation a eu plusieurs conséquences notables :
- Une forte distorsion des prix : le prix des actifs a fortement augmenté en comparaison du prix des biens et des services et des salaires
- Une forte distorsion des richesses : ceux qui possèdent des actifs ont vu leur richesse augmenter fortement sans raison, tandis que ceux qui n’ont rien ont vu leur revenu stagner
Il n’y a pas trop de raison de douter. Une forte appréciation des actifs avantage les classes les plus aisés de la société. Prenons l’exemple de l’immobilier qui représente environ 60% du patrimoine des français et qui s’est très fortement apprécié entre 1998 et 2007. Ceux qui n’ont aucun bien immobilier n’ont bien sur pas bénéficié de cette hausse. Ceux qui ne possèdent que leur résidence principale n’ont également pas bénéficié de cette hausse puisque s’ils revendent leur résidence, il leur faudra également en acheter une autre dont le prix s’est également apprécié. Ce sont donc seulement les plus aisés, ceux qui possèdent plusieurs biens immobiliers qui ont pu profiter à plein de cette appréciation. Pour les non-possédants, cela a juste rendu l’accès à la propriété encore plus difficile que cela ne l’était. On n’épiloguera pas plus longtemps sur les actions, les obligations ou les métaux précieux détenus pas les classes populaires.
Bref, tandis que le revenu du travail stagnait, le prix des actifs a explosé enrichissant indument une partie de la société. Le graphique suivant montre que depuis les années 70, le patrimoine des français tournait autour de 4,5 années de revenus. Ce ratio a fortement cru à partir de 1998 pour atteindre près de 8 années de revenus en 2007.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L236xH319/patrimoine-revenus-francais-2920a.jpg)
Cette grande inflation et cette folle distorsion des richesses n’ont pas fait couler beaucoup d’encre. Le signal pourtant envoyé par ce mouvement était clair : pour s’enrichir, mieux vaut spéculer sur le prix des actifs que de travailler. En moins de 10 ans, près de 2130 milliards d’euro ont été créés dans la zone euro par notre système monétaire invraisemblable, soit plus que le PIB annuel de la France. Une large partie de cet argent a servi à l’apparition d’immenses bulles spéculatives.
L’anarchie monétaire a ainsi aggravé les inégalités et rendu encore plus tendu les relations sociales dans notre pays. Les leçons de cette période ont-elles été comprises ? Loin de là. La machine est repartie, nos centaines d’émetteurs monétaires (les banques) se sont remis au travail. Après une croissance de 13% en 2009, nous avons le droit à une croissance de 9% de M1 sur le premier semestre 2010. Le prix des actifs s’est revigoré, le chômage est au plus haut, les salaires stagnent.
21 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON