• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Actualités > Economie > Cascades d’informations et formation de bulles

Cascades d’informations et formation de bulles

Avant leur implosion, les « bulles » financières sont des formations difficiles à identifier et ce même par des spécialistes chevronnés comme l’ancien président de la Fed, Alan Greenspan, qui n’avait effectivement pas anticipé celle des marchés boursiers des années 90 pas plus que celle de l’immobilier qui sévit de nos jours... Ainsi, dans son autobiographie parue en 2007, évoque-t-il son sentiment de malaise face aux exagérations boursières (« irrational exuberance ») des années 90, mais avoue également qu’« il n’est pas possible d’identifier une bulle avec certitude, et encore moins d’y remédier, avant qu’elle n’explose » !

M. Greenspan confirme ces difficultés de perception des bulles en indiquant qu’il ne voyait pas une bulle immobilière mais "une multitude de petites bulles locales qui ne pourraient jamais nuire à l’ensemble de l’économie".

Or, la crise que traversent actuellement les marchés américains et mondiaux est précisément due à cette incapacité d’isoler et d’appréhender la bulle immobilière. Nous devons donc considérer l’hypothèse tout à fait crédible qu’un certain nombre d’investisseurs et d’opérateurs sensés et rationnels, n’étant pas à même d’identifier cette bulle, ont néanmoins persisté à investir sur ce marché dans le but de maximiser leurs profits.

Dans un article paru en 1992 qui a fait référence, trois économistes Bikhchandani, Hirschleifer et Welch avaient défini le phénomène de "cascades d’information" responsable tout à la fois du fourvoiement d’investisseurs par ailleurs disciplinés et de la formation de bulles financières. Cette théorie, qui permet effectivement de décrire le cadre de la crise que nous traversons actuellement, repose principalement sur la problématique de la chaîne de transmission des informations. Selon Bikhchandani, Hirschleifer et Welch, si un groupe de personnes doit prendre une décision basée sur des informations véridiques, mais incomplètes, chaque individu - ayant certes reçu un morceau d’information correcte - aura néanmoins tendance à prendre la mauvaise décision ! Dans le cas de la bulle immobilière, si chaque individu qui doit prendre une décision quant à l’opportunité de l’acquisition d’un bien dispose de 60 % de chances de prendre la bonne décision, il n’en reste pas moins que chaque individu - pris séparément - ne dispose pas à lui seul de toutes les informations indispensables à cet acte, notamment des informations lui permettant de discerner une bulle... Ainsi, les informations à disposition de chaque individu - même celles à disposition d’une personne comme M. Greenspan ! - seraient fiables quoique incomplètes de telle sorte qu’elles ne l’autoriseraient pas à se former un jugement clairvoyant et totalement adapté aux circonstances.

Certes, cet écueil pourrait être évité en mettant toutes les informations en commun grâce à une réunion plénière de tous les investisseurs à l’issue de laquelle serait prise une décision collective qui serait la bonne... Pourtant, ce partage d’informations se pratique rarement dans la réalité car la décision d’investissement - et le passage à l’acte - est d’abord et avant tout une démarche solitaire et personnelle. Considérons ainsi le cas de Jacques, faisant partie des 40 % qui prennent la mauvaise décision, qui achète malencontreusement un bien immobilier en dépit d’indicateurs et d’un marché défavorables. Georges, autre investisseur, qui voit que Jacques a manifestement payé son investissement à un prix trop élevé, dispose d’informations sur ce marché qui semblent contredire Jacques. Pourtant, Georges, conscient qu’il ne dispose pas de toutes les informations relatives à ce marché, se résout également à y investir. Ainsi, nos deux compères ayant pris une mauvaise décision entraîneront néanmoins d’autres investisseurs dans leur sillage - convaincus de ne pas disposer d’informations aussi complètes que ceux ayant déjà acheté - et ce en dépit d’un marché surévalué !

Toujours selon Bikhchandani, Hirschleifer et Welch, cette cascade d’informations aboutit à 37 % de mauvaises conclusions, c’est-à-dire que plus d’un tiers des 60 % d’individus rationnels disposant de bonnes informations seront amenés à prendre des décisions inappropriées ! Ainsi, ce phénomène de cascades est-il susceptible de fausser le jugement de tout individu, aussi sensé et réfléchi puisse-t-il être !

Cette théorie bat en brèche celle de l’efficience des marchés selon laquelle chaque opérateur en bout de chaîne est amené indépendamment à prendre ses décisions selon les informations dont il dispose et qui aboutit à la conclusion contestable que le marché a toujours raison car, en finalité et pour solde, le marché prendra toujours la bonne décision... Mais que devient cette théorie, qui pose comme principe de base que les individus prenant une décision sont rationnels, dès lors que dans la réalité ces mêmes investisseurs sont constamment influencés par leurs émotions ainsi que par des facteurs exogènes tels que des campagnes publicitaires des lobbies de l’immobilier... ?

Dans un tel contexte, on peut comprendre que même des experts et des spécialistes puissent se laisser abuser et entraîner à alimenter des bulles tout comme on peut d’ores et déjà prévoir que de telles cascades d’informations seront responsables d’exagérations à la baisse de certains marchés !


Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (13 votes)




Réagissez à l'article

20 réactions à cet article    


  • Alberjack Alberjack 20 mars 2008 15:13

    C’est André qui va voir Michel :

    - Dis donc Michel j’ai besoin d’argent je te vends ce tableau 1 000 €

    - Okay. Je le prends. Voilà tes 1 000 €.

    André quelques jours plus tard se dit que si Michel a acheté ce tableau 1 000 € c’est qu’il en vaut bien plus.
    Il retourne donc voir son copain :

    - Michel. J’ai plus besoin des se 1 000 euros. Je te les redonne et tu me rends le tableau auqule j’étais très attaché.

    - Moi aussi je m’y suis attaché. Allez pour 1 500 €, tu le reprends.

    C’est au tour de Michel de se dire qu’il a fait une connerie. Que tableau en vaut sans dote bien plus.

    Il va donc voir André et lui en propose 2 000 €. André accepte.

    Les semaines puis les mois passent.
    Il se vendent tour à tour le tableau si bien que celui dans le dernier échange vaut 40 fois sa valeur initiale.

    C’est André qui a le tableau cette fois et il décide de le conserver pour le léguer à ses enfants, cryant en sa valeur.

    - Comment ça tu ne veux plus le vendre ? Mais t’es fou ! On commençait à bien gagner notre vie !

    Bon. Okay. C’est pas drôle. Je coupe mon accès réseau et je retourne bosser.


    • S2ndreal 27 mars 2008 17:16

      Monsieur Alberjack,

      Je crois que vous avez décrit ici la formation d’une bulle financière et son éclatement. Si jamais il est possible de modéliser ce phénomène, je crois que votre exemple y entrera parfaitement. Ce n’est pas drôle et c’est vrai.

      Merci.


    • Roland Verhille Roland Verhille 20 mars 2008 16:59

      Michel Santini semble disculper la Fed, ou au moins atténuer sa responsabilité.

      On le sait bien, l’erreur est humaine, point besoin de leçons académiques.

      Mais l’erreur n’est pas admissible quand elle est celle de gens prétendant faire le bonheur des autres, qui s’y emploient, mais laissent la facture de leurs erreurs aux autres.

      De plus, dans le cas de la FED, l’erreur est inexcusable, car le déversement outrancier de monnaie sur les marchés ne pouvait qu’avoir comme conséquence le foisonnement d’opérations purement spéculatives et la création de "bulles". Il n’y avait aucune incertitude là-dessus.

       


      • S2ndreal 27 mars 2008 10:07

        Monsieur Verhille,

        Vous tenez vraiment à disculper des acteurs comme Bear Stearns, JP Morgan, UBS de toute responsabilité dans cette histoire. J’ai l’impression que vous vous représentez ces groupes comme des victimes de la méchante FED. J’ai l’impression que vous refusez de considérer la possibilité que ces gens aient profité d’une situation. Un règlement avait sauté. Ils pouvaient soudain prendre autant de crédit qu’ils voulaient. J’ai un vague souvenir donnant des chiffres de milliards de fonds propres couvrant des milliers de milliards de produits dérivés pour ces gens.

        Serait - il imaginable pour vous, que ces acteurs aient commis quelque part une seule erreur ?


      • Mr Mimose Mr Mimose 20 mars 2008 19:11

        J’ai pas tout compris mais bon ce qui me rassure c’est qu’il semble que les "experts" en économie et leur grand manitou Greenspan ni comprennent rien non plus.

        Du coup je me sens moins con !

        J’aimerai bien qu’on m’explique (en termes simples), pourquoi tout va mal, alors que les entreprises font des bénéfices toujours plus pharaoniques ?

        Merci d’essayer de me répondre


        • Forest Ent Forest Ent 20 mars 2008 19:54

          Les économistes aiment bien utiliser les théories de l’information et de la décision pour justifier leurs errements. Ils aiment moins parler de mensonges, d’escroqueries, conflits d’intérêts : c’est trop simple, et ça entre mal dans un cadre théorique. C’est oiseux tout ça.


          • S2ndreal 27 mars 2008 16:32

            Monsieur Ent,

             Votre remarque est assez judicieuse. Les économistes n’abordent jamais les notions de conflit d’intérêt, de mensonges et d’escroqueries. Cette absence me fait penser que les conflits d’intérêts sont supposés inexistants car un acteur économique y est posé n’ayant qu’un seul intérêt. Les mensoges sont aussi totalement inexistants. Je suppose donc qu’en économie l’information est supposée toujours exacte. Les escroqueries sont supposées inexistantes. Cela me fait imaginer un monde où le prix du produit est toujours supposé vrai. C’est un monde imaginaire. Dans ce monde, les être humains sont donc des monomaniaques ne disant que la vérité sur des prix toujours honnêtes. C’est la version négative de l’histoire.

            Une version positive est que les conflits d’intérêts se résolvent spontanément sur le marché, les mensonges sont toujours dénoncés par le marché et les escroqueries sont contre l’intérêt de son auteur. C’est aussi un monde imaginaire.

            Une autre version, plus personnelle, dit que les conflits d’intérêt n’entrent pas dans les modèles mathématiques. Pour traiter un problème d’intérêts divergents, le modèle de Stolper Samuelson ou ses analogues se limitent à une matrice (2,2,2). C’est un cas très simple. De l’autre côté, un marché est concurrentiel quand un grand nombre d’acteurs indépendants sont sur le marché. Je crois savoir qu’en statistiques, il faut au moins un millier d’acteurs pour avoir un grand nombre. Cela donne une matrice (1000, 2. 2) théoriquement possible et impossible à maîtriser dans un cas très simple. Les conflits d’intérêt cessent donc d’exister. Les mensonges n’existent pas plus car cela voudrrait dire que des données sont fausses ou non mesurables. Dans un modèle, c’est intolérable. Les escroqueries impliquent un changement de la rationalité du marché. Admettre une escroquerie revient à dire qu’il est possible de tromper ce fameux marché. C’est une façon d’être supérieur à ce dernier. Vues sous cet angle, les escroqueries peuvent devenir franchement tentantes. L’admettre, c’est perdre le bénéfice des escroqueries. C’est un monde qui sort des modèles mathématiques, dont les variables dépendent des hommes qui y vivent et dont les règles sont faites par ces mêmes hommes.

            Je trouve cette idée intéressante. Elle me semble être une piste à suivre contenant un très grand nombre de possibilités. A creuser.


          • S2ndreal 27 mars 2008 17:13

            Monsieur Santi,

            Est ce que ce modèle a été testé ? Son idée pourrait être valable. Ce qui m’ennuie est la vision très sommaire des acteurs du marché. Elle les décrits comme des gens honnêtes, prenant rationnellement des décisions à partir des informations disponibles. Cette idée de la nature humaine rend sa modèlisation réalisable, pas réaliste. C’est mon point du vue. Il arrive que de tels modèles marchent. C’est incertain et pas clair. C’est pourquoi des tests sont nécessaires.

            Si des tests ont été faits et qu’ils ont été concluants, alors votre proposition de confronter les informations tient la route. Elle devient utilisable. D’ici là, je reste reseervé.

            Ma compréhension de l’efficience des marchés dit que ces derniers prennent toujours la bonne décision. Dans ce cadre, cette théorie met effectivement en doute l’idée de l’efficience de ces marchés. Actuellement, cette idée se met en doute toute seule par les turbulences financières. Cela détruit la finance mondiale actuelle.

            Je crois qu’il est possible d’être encore plus critique sur les marchés financiers. Ainsi, un nombre quelconque pris isolément n’a aucun sens. Mis dans un cadre, dans une perspective et prononcé par un individu avec une fonction bien reconnue, il prend un sens. Ce dernier est subordonné à toutes les hypothèses que je viens de poser. Les nombres représentent donc des opinions pas des faits mesurés. Dans cette optique, une bulle financière devient parfaitement possible et même naturelle. La détecter devient une autre histoire.


          • Michel Santi Michel Santi 28 mars 2008 10:34

            Merci de votre contribution. Je ne crois pas du tout à l’ "efficience des marchés". La théorie que j’expose dans cet article est un point de vue et une façon de visulaliser la formation des bulles, sujet sur lequel bien des choses restent à découvrir.

            Intuitivement, je ne crois pas à l’efficience et je suis persuadé que l’on verra encore et toujours des bulles pour au moins une raison : l’appât du gain ! 


          • Pak 21 mars 2008 08:55

            Pas trop d’accord avec cet article : le problème ne vient pas du fait qu’il y ait une bulle et que les opérateurs font semblant de ne pas la voir ! Leur problème vient du fait que les banques ont accordé des prêts sans garantie suffisantes ce qui est une très grave faute. Je ne crois pas une seconde que des gens du calibre de M. Greenspan ne le savaient pas.

            Après les marchés montent et descendent, je ne vais pas pleurer à chaque fois qu’il y a un réajustement. En revanche je suis navré pour ceux qui se sont laissés entraîné dans un achat sans garanties.


            • Alpo47 Alpo47 21 mars 2008 11:16

              à l’auteur

              Vous dites : "...maximiser leurs profits....", et si on disait plutôt : "Par avidité" ?

              Bon, c’est pas tout ça, mais, moi, j’achète, ou je loue ?


              • DarthNico DarthNico 21 mars 2008 13:13

                Franchement la seule chose honnete que Greenspan a fait recemment ... c’est reconnaitre qu’il etait une grosse burne ! parceque cette bulle il fallait franchement etre aveugle pour ne pas la voir ! (et je ne suis ni financier ni economiste !)

                Il faut egalement a mon sens arreter de tout vouloir theoriser en economie : ce n’est pas une science et ce ne pourra jamais en etre une ! LES EXPERIENCES SONT IRREPRODUCTIBLES ! De plus le systeme est instationnaire (comment introduire le boom du telephone portable dans un modèle !)...

                Au mieux c’est un art ! ... et il faudrait arreter de distribuer des prix nobels dans ce domaine ... c’est une forme d’endoctrinement qui cherche à nous faire croire que les predictions des economistes peuvent etre aussi fiables que celle des physiciens, des chimistes ou des medecins...

                Quand je pense que Black and Scholes ont recu un telle recompense pour un modèle du prix des options ... qui s’est averé vrai parceque tout le monde s’est mis à l’utiliser !... C’est à dire qu’ils ont réussi l’exploit de calquer la realite sur le modele !!... chercher l’erreur...

                Et quand on voit l’instabilité de l’économie qui a été engengré par tous ces marchés dérivés !

                Je suis personnellement outré (d’où ce billet)..

                Que dire d’autre en conclusion que vive la liberalisation prochaine du marche de l’energie (et son marché d’option !)


                • DarthNico DarthNico 21 mars 2008 13:15

                  Ah oui autre chose

                  J’ai tout de même trouvé l’article intéressant en particulier la tres bonne description de la stratégie "gagnante" dans l’economie moderne : le PANURGISME !

                  Si tu fais comme ton voisin qui achete et que ca monte ... tu gagnes

                  Si tu fais comme ton voisin qui vend et que ca baisse... tu limites les dégats...

                  Voila par qui nous sommes gouverné : les moutons de Panurge !


                • SciFi SciFi 21 mars 2008 13:42

                  La réaction de Greenspan a tout de même de quoi laisser rêveur ("il n’est pas possible d’identifier une bulle avec certitude").

                  N’y a-t-il pas de signes avant-coureurs, comme un décalage entre la valeur d’un bien ou d’une société et la valeur cotée, comme une augmentation du risque, comme un effet de masse qui conduit à saturer un marché ?

                  D’autre part, l’identification de "bulles locales" et l’incertitude d’une généralisation ne devrait-elle conduire à plus de prudence ou au moins plus de vigilence ? Surtout s’il y en a une "multitude" ?

                  "Pas de possibilité d’identifier une bulle et encore moins de l’arrêter" : c’est tout ce que peut nous fournir comme explication l’un des grands gourous de l’économie, dont chaque parole est enregistrée, diffusée, disséquée pour voir ce qui se cache au-delà des mots ? Finalement, c’est "je ne peux rien savoir à l’avance, rien corriger, rien mettre en place pour prévenir", seulement une fatalité ? C’est comme ça qu’il définit une responsabilité ? Il n’a tité aucune leçon de tout ce gâchis ? Trois mille ans de civilisation pour en arriver à çà ?

                  Quand aux économistes : n’ont-ils pas parfois des intérêts privés - qu’il s’agisse de direction de fonds ou de simples conseils vendus à prix d’or - qui modifierait leur communication ?

                  Tout cela ressemble à une sinistre farce.

                   


                  • SciFi SciFi 21 mars 2008 18:21

                    Autre chose.

                    La "théorie" de Bikhchandani, Hirschleifer et Welch, pour résumer, montre en fait que les décisions sont prises sur la base d’une information incomplète, d’une part et que le comportement moutonnier fait le reste d’autre part.

                    La deuxième partie de cette théorie se résume à un adage boursier selon lequel "il vaut mieux avoir tort avec le marché que raison tout seul". Chanson connue : "Follow the trend".

                    Quant à la première partie, elle signifie que la décision prise a de bonnes chances d’être fausse (soi-disant 37%). En réalité, les décisions prises sont "bonnes" (génératrices de bénéfices) tant que l’horizon est dégagé. Mais les problèmes surviennent dès que le temps se couvre.

                    Les trois auteurs parlent également de 60% de gens rationnels. J’aimerais bien voir leur rationnalité quand ces mêmes acteurs en voient d’autres gagner des montagnes de fric avec des montages tordus. L’appât du gain leur fait perdre toute rationnalité.

                    Cette "théorie" a peut-être une réalité dans des salles de marché, c’est-à-dire pour des gens qui ont la tête dans le guidon. Je ne peux pas l’accepter comme excuse pour des gens comme Greenspan qui sont censés avoir un certain recul, ou du moins qui sont payés pour cela. De plus, une théorie qui a pour seul objectif la justification d’un échec n’a pas vraiment d’utilité pour éviter que la situation ne se reproduise.

                    On pourrait prendre un autre adage : "un placement à long terme, c’est un placement à court terme qui a mal tourné". Adage de spéculateur pur pour lequel "investissement" rime avec prime de trading. On dirait que la situation actuelle montre comment on a ramené des placements destinés à être faits sur du long terme à du cour terme.

                    Je pense que le fond du problème est plus simple. Lorsque l’on examine rétrospectivement les bulles spéculatives, on se rend compte que l’on a abandonné l’observation des règles de base (et de bon sens pour la plupart) et accru la prise de risque ("les arbres ne monte pas jusqu’au ciel").

                    On peut faire le parallèle avec des projets informatiques qui n’ont pas abouti. Un projet qui coule, ce n’est pas un problème de malchance. Les deux causes majeures, ce sont un manque de respect des règles fondamentales du métier (toujours du bon sens) ou un problème de direction de projet.

                    Dans les deux cas, le chef de projet est responsable : soit parce qu’il n’a pas correctement étudié le problème ou pris les garanties suffisantes, soit parce qu’il n’est pas à la bonne place. Pour éviter de se rendre compte du problème en fin de projet, on met en place des instances de contrôle et des points réguliers, et on surveille les indicateurs pertinents pour l’activité.

                    Des valorisations qui s’envolent dans un temps record qui n’a plus rien à voir avec la création de valeur, des encours de crédits à risque qui augmentent dans des proportions déraisonnables sont des indicateurs. Une offre immobilière qui s’étoffe rapidement, avec un prix qui augmente dans de telles proportions que les durées de crédits doivent s’allonger dans des proportions trop importantes en sont un autre (les salaires ne suivent pas). J’en oublie certainement. Les responsables en général, et Greenspan en particulier, ne peuvent pas s’abriter derrière un concept d’information incomplète. Cela est bien trop facile.

                    En conclusion, point de salut sans régulation indépendante. Les acteurs ne font pas le film sans le réalisateur. Et le producteur limitera les ambitions du réalisateur.

                     


                    • Dominique Larchey-Wendling 22 mars 2008 20:53

                      Les pseudo-économistes soit-disant libéraux (mais fait surtout partisant de la dérégulation, c’est à dire la loi de la jungle) ne voyaient pas la bulle pour une raison simple : ils ne voulaient pas la voir car :

                      1/ ils profitaient honteusement de ses largesses ;

                      2/ elle était le fondement de leur mensonge sur "les bienfaits du marché" et de leur enrichissement personnel fondé sur ce fonctionnement en bulle ;

                      3/ avouer son existence et surtout son ampleur, c’était remettre en cause leur idéologie, la source de leur pouvoir.

                      Maintenant ils devraient se taire et s’excuser parce que si ça empire comme on nous l’annonce à demi-mot, leurs têtes finiront sur des piques.

                       


                      • Pierre Boisjoli Pierre Boisjoli 23 mars 2008 01:39

                        Ce qu’il y a de singulier dans la formation de cette bulle, c’est que les ténors de l’économie trouvent encore les mots pour nous dire que la catastrophe est évitable. Les taux de base de la Réserve fédérale sont désormais si bas qu’ils alimentent l’inflation et cette politique est voulue par la FED.


                        • gaelec 25 mars 2008 09:30

                          Cette théorie de l’information incomplète quant à la prise de décision en vue de l’acquisition d’un bien est erronée car elle ne tend qu’à exonérer les abus d’un système ou rien n’est le fait du hasard.

                          C’est en effet se bercer d’illusion que de croire que la bulle immobilière créée de toute pièce par les financiers gonflerait indéfiniment sans jamais s’arrêter.

                          Qui peut raisonnablement le penser ? Une réponse honnête et intègre à cette question serait de dire PERSONNE !

                          Financer 100% d’un bien immobilier à des gens dont on sait que les revenus ne permettront pas de faire face aux échéances dès la troisième année en leur faisant croire qu’il suffira de revendre ce bien en cas de difficultés pour se libérer du crédit avec au passage une substantielle plus-value, démontre à tout le moins, un cynisme rarement atteint depuis la bulle internet. 

                          Se poser la bonne question, c’est admettre le fait que ces crédits appelés désormais (déchets toxiques) soient le fait de pratiques financières mafieuses savamment élaborées.

                          Les tritisations en sont le parfait exemple car c’était le seul moyen de vendre de la merde au monde entier. La complicité des agences de notation alliée à la cupidité a fait le reste.

                          En ce qui concerne ceux qui sont à l’origine de cette monumentale arnaque, n’ayez aucun souci, les milliards de dollars de bénéfice ont bien été au rendez-vous.

                          Bref ! Achetez du rêve Américain et vous récolterez du cauchemar ! 

                           


                          • gnarf 25 mars 2008 16:38

                            Une bulle n’existe qu’a posteriori....quand les prix montent, meme outrageusement, tant qu’ils ne se degonflent pas il n’y a pas de bulle. La bulle fonctionne justement parce que les gens trouvent que ce qu’ils achetent vaut son prix et n’ont absolument pas conscience d’etre sur une bulle. Et la bulle ne devient visible qu’une fois qu’il est trop tard. C’est un peu comme avancer sur un pont en pierre tres solide qui d’un coup s’effondre...personne ne l’avait prevu, et tout le monde trouve ca evident apres coup.

                            D’ailleurs tous ceux qui annoncent ceci ou cela et vous vendent leur prediction economique de l’avenir, sont des charlatans. Deja essayer d’expliquer ce qui s’est passe a tel ou tel moment du passe n’est pas evident, alors le futur, broutilles.

                            C’est un peu comme ceux qui vous presentent des predictions meteo pour les 6 mois a venir. Charlatans. L’economie, comme la meteo, releve d’equations qui divergent dans le temps...c’est a dire que n’importe quel evenement microscopique peut dans certaines conditions transformer completement le futur.

                            Une petite loi, une broutille, une querelle entre pays, l’epuisement d’une mine, une penurie, des credits, un attentat, un trader hors controle....et tout est change. Quelques personnes peuvent tout changer. La prediction au dela de quelques semaines maxi est a peu pres vaine.


                            • S2ndreal 27 mars 2008 10:22

                              Gnarf,

                              Vous me semblez faire référence à la théorie du chaos. A ma connaissance, cette théorie donne des systèmes d’équations itératifs très sensibles aux conditions initiales.

                              Je trouve l’application de cette idée séduisante en économie. Les erreurs de mesure y sont fréquentes et tout à fait naturelles. Sans trop y penser, je vois les informations insuffisantes, le délai entre une information et l’action, le conflit d’intérêt comme quelques sources d’erreurs. Il y a un très grand nombre d’acteurs et donc de variables. En plus le système économique, fait d’achats et de ventes à des moments précis est parfaitement discontinu et itératif. Ce dernier point est basé sur l’idée qu’un acheteur réexamine la situation. J’ignore si ces éléments sont suffisants pour établir l’existence d’un chaos en économie.

                              Si c’est suffisant, alors une bulle devient un changement de stabilité. Quelque chose de vraiment différent de l’économie des biens et des services pousserait les prix à la hausse. Une erreur ferait diverger le système. C’est une possibilité.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès