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Ce que les chiffres de la désindustrialisation ne montrent pas

Ce serait aller bien vite en besogne, que de croire que les chiffres qu’on considère habituellement comme ceux de la désindustrialisation de la France, nous disent à eux seuls, et dans tous ses aspects, toute la réalité de ce phénomène. Comme les ruines laissées par un empire disparu, les chiffres sont des objets sans vie qui ont été engendrés par de la vie, qui contiennent des informations sur elle, mais qui ne permettront jamais de la connaître complètement.

Ces quelques chiffres indiquent qu'il y a eu dans les trois ou quatre dernières décennies, une réduction importante, et quasiment sans trêve, de l’activité industrielle en France, tant du point de vue des emplois qu'elle mobilise, que du point de vue de la part qui est la sienne dans la valeur ajoutée de toutes nos activités.

Ces chiffres indiquent aussi que lors de la période allant de 1980 jusqu'au début des années 1990, puis lors de la période allant du début des années 2000 jusqu'à 2008, notre balance des paiements a un déficit global sur les échanges commerciaux et les quelques autres opérations courantes qui ne sont pas des mouvements de capitaux. Ce déficit réapparu depuis le début des années 2000, s'accentue depuis de plus en plus.

Au sujet des mouvements de capitaux, les chiffres de notre balance des paiements indiquent aussi que, surtout depuis la fin des années 1990, il y a sensiblement plus d'entreprises locales qui font des investissements directs à l'étranger, que d'entreprises de l'étranger qui font des investissements directs en France. Il y a aussi depuis le début des années 2000, et hormis les achats de titres négociables de dette publique française par des résidents de l'étranger, sensiblement plus de résidents locaux qui placent ou prêtent de l'argent à des résidents de l'étranger, que de résidents de l'étranger qui placent ou prêtent de l'argent à des résidents locaux.

Ainsi, depuis la fin des années 1990, l'endettement de l'État français vis-à-vis du reste du monde croit à grande vitesse et atteint en 2008 des niveaux impressionnants.

Mais pour commencer, la désindustrialisation est parfois vue aussi, comme une sorte de maladie de l’économie française, la maintenant non seulement dans certains déficits de la balance des paiements, ou dans un certain endettement de son État vis-à-vis du reste du monde, mais aussi dans la stagnation et le chômage de masse. Or pourquoi donc un plan de relance de la croissance et de l’emploi en France, et de rééquilibrage de notre balance des paiements, devrait-il passer par une ré-industrialisation ?

Ensuite, le phénomène de désindustrialisation est parfois vu comme un transfert d'une partie importante de notre activité industrielle vers les pays émergents. Or qu'est-ce qui nous permet de dire que cette réduction de notre activité industrielle, n'est pas principalement due à une réduction de notre consommation (et de notre accumulation) de biens manufacturés, ou bien à une amélioration de nos techniques de production, nous permettant de produire autant pour moins cher et en mobilisant moins d’emplois ? Qu'est-ce donc qui nous permet de dire que, par rapport à cette éventuelle baisse de notre consommation, ou par rapport à cette amélioration de nos techniques de production, le phénomène de transfert, vaguement suggéré par notre balance des paiements sur les échanges de biens manufacturés et sur les mouvements de capitaux, a plus qu'un effet marginal sur la réduction de notre activité industrielle ?

La désindustrialisation peut encore être vue comme un phénomène de désolidarisation des français les uns par rapport aux autres, dans leur engagement dans une relation au reste du monde. Or qu'est-ce qui nous permet de dire que tous les français ne profitent ou pâtissent pas de la même manière, de la désindustrialisation ?

Enfin, la désindustrialisation est parfois vue comme une sorte de déclin, voire de « décadence » ou de « tiers-mondisation » de la France. Cette vision présuppose que la désindustrialisation est bien un transfert de l'activité industrielle vers les pays émergents, que la France consomme donc beaucoup plus de biens manufacturés qu'elle n'en produit, et que donc son appareil productif s'érode. Or sur quoi repose alors la croyance que la prospérité d'un pays se fonde, à long terme, sur la santé de son appareil productif, humain et matériel ? Un pays ne peut-il donc pas rester prospère aussi longtemps qu'il le veut, tout en laissant son appareil productif s'éroder, et en comptant sur les autres pays pour qu'ils produisent ce qu'il consomme ?

Dans un texte précédent j'ai donné les principaux chiffres qu'on considère habituellement comme ceux de la désindustrialisation. J'aborde dans celui-ci toutes ces questions auxquelles ils n'apportent pas à eux seuls des réponses. Ce sera donc le 2ème volet sur 2 de la série :

Les chiffres de la désindustrialisation et ce qu'ils ne montrent pas 

Pourquoi un plan de relance de l'économie française, devrait-il passer par une ré-industrialisation ?

Une première question à laquelle les chiffres habituels de la désindustrialisation ne répondent pas, est celle de savoir pourquoi un plan de relance de la croissance et de l'emploi en France, et de rééquilibrage de notre balance des paiements, devrait passer par une ré-industrialisation.

Cette question porte moins sur ce qui est ou a été, que sur ce qui serait à l'avenir, si l'on essayait de faire ceci ou cela pour relancer l'économie française. C'est pourquoi les chiffres ont du mal à y répondre, eux qui sont des produits de la vie passée ou présente, et qui nous parlent de ce passé ou de ce présent plus immédiatement que de tel ou tel avenir potentiel, si l'on faisait ceci ou cela.

On peut déjà constater que les plans de relance imaginés par plusieurs économistes, passent par une ré-industrialisation. Par exemple celui de Michel Aglietta, qui veut donner à cette ré-industrialisation la forme poétique d'une « croissance verte », ou encore celui de Jacques Sapir, plus terre-à-terre.

On peut aussi trouver à ce passage par une ré-industrialisation, des justifications théoriques, du côté de chez les économistes keynésiens et notamment post-keynésiens, et des justifications empiriques dansl'histoire économique récente de la France.

Les théories keynésiennes tournent beaucoup autour d'une conception originale de ce que peut être un plan de relance. Deux éléments, parmi d'autres surement, de ces théories, sont pertinents par rapport à la question dont on se préoccupe ici : le « multiplicateur keynésien en économie ouverte », et la « loi de Thirlwall ».

Un plan de relance keynésien consiste, par une décision politique, à mobiliser de l'argent pour financer conjointement, un agrandissement de l'appareil productif, et un accroissement de la consommation. Pour que le plan de relance fonctionne, il faut que la consommation supplémentaire, soit celle de la production supplémentaire permise par l'agrandissement de l'appareil productif. La mobilisation d'argent peut se faire, soit en facilitant certains crédits à la consommation ou à l'investissement public ou privé, et donc en facilitant une certaine création supplémentaire de monnaie, soit en mobilisant l'argent épargné, par des impôts ou emprunts, ou en favorisant une modification de la répartition de la richesse en faveur des ménages les moins riches, ayant une plus grande propension à consommer plutôt qu'à épargner.

Le multiplicateur keynésien est alors égal à la valeur de la production supplémentaire suscitée par le plan de relance, divisée par la quantité d'argent mobilisé pour la relance. Quand le multiplicateur est élevé, cela veut dire qu'il faut mobiliser peu d'argent pour avoir un bon résultat en terme de croissance. Quand le multiplicateur est bas, cela veut dire au contraire qu'il faudrait mobiliser beaucoup plus d'argent pour avoir un aussi bon résultat, et qu'à défaut on aura un moins bon résultat. Dans les années 1930, dans sa Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Keynes a proposé une manière d'estimer ce multiplicateur dans le contexte d'une économie plutôt « fermée », ne faisant pas beaucoup d'échanges commerciaux avec le reste du monde. Il reprenait en fait les travaux d'un de ses contemporains, Richard Kahn. Selon eux, plus la propension des gens à consommer plutôt qu'à épargner est importante, et plus une quantité donnée d'argent mobilisé aura une grande efficacité.

Les économistes keynésiens ont ensuite essayé d'estimer ce multiplicateur dans le cas d'une économie plus « ouverte », comme la notre aujourd'hui. Une extension particulièrement aboutie du multiplicateur keynésien au cas d'une économie ouverte, proposée autour du début des années 1950, est celle de Richard Goodwin. Au premier abord, le multiplicateur de Goodwin se présente moins comme une extension du multiplicateur keynésien au cas d'une économie ouverte, que comme son extension au cas d'une économie dans laquelle on distinguerait, à la manière de Leontief, plusieurs branches d'activités en interaction. Goodwin se demande quel effet aurait un ensemble de plans de relance, chacun ciblé sur une branche d'activité, sur la croissance de chacune des branches, en tenant compte des interactions entre les branches (telle branche fait telle ou telle consommation intermédiaire qui lui est fournie par telle ou telle autre branche). La généralisation du multiplicateur que Goodwin construit, n'est plus un nombre mais une matrice, elle aussi « multiplicatrice ». Dans le monde des objets mathématiques, les matrices peuvent en effet, comme les nombres, être additionnées, soustraites, multipliées ou inversées. C'est finalement en remplaçant les diverses branches d'activité par divers pays en interaction, qu'on obtient une généralisation du multiplicateur keynésien au cas d'une économie ouverte.

Selon cette généralisation du multiplicateur keynésien, un plan de relance dans le pays sera d'autant plus efficace, que la propension des gens du pays à consommer des biens importés plutôt que produits localement, est compensée par la capacité du pays à exporter, et par l'existence de plans de relance dans les autres pays. Pour qu'un plan de relance fonctionne, il faut en effet que la consommation supplémentaire qu'il suscite, se tourne vers la production supplémentaire qu'il est sensé susciter aussi. Or les consommateurs du pays n'utiliseront pas tout l'argent mobilisé par le plan de relance pour consommer des biens du pays, puisqu'ils ont une certaine propension à consommer des biens importés. Une partie de l'argent mobilisé « fuitera » donc à l'étranger, et une partie de la production supplémentaire risque de ne pas trouver de débouché. Si le pays a une bonne capacité à exporter, et si les autres pays font aussi des plans de relance, un tel débouché pourra quand même être trouvé, dans une augmentation des exportations du pays, suscitée par les plans de relance dans les autres pays.

Dans sa modélisation mathématique, Goodwin fait l'hypothèse simplificatrice que la propension à importer et la capacité à exporter du pays sont constantes (son modèle mathématique serait beaucoup plus complexe en levant ces hypothèses : il deviendrait « non-linéaire »). Mais dans le cas où les autres pays ne feraient pas de plans de relance, ou dans le cas où la capacité à exporter du pays serait trop faible, on peut encore compter sur une réduction de la propension des gens du pays à acheter des biens importés, qui susciterait un report de leur consommation vers les biens du pays, pour compenser la « fuite » d'argent due à l'ouverture de leur économie. On peut remarquer que, dans le cadre d'un plan de relance, une telle réduction de la propension des gens du pays à consommer des biens importés, ne réduirait pas nécessairement la quantité globale de biens importés par le pays : puisque le plan de relance doit avoir pour effet d'augmenter la consommation globale des gens du pays. C'est en fait une nécessité mathématique que, si la consommation globale des gens d'un pays augmente, mais si les quantités de biens qu'ils importent et exportent restent constantes, alors la proportion de biens qu'ils importent se réduit par rapport à la quantité globale de biens qu'ils consomment.

Alors que le multiplicateur keynésien en économie ouverte s'intéresse à l'efficacité de telle ou telle somme d'argent mobilisée par un plan de relance pour susciter de la croissance, la loi de Thirlwall souligne les effets possiblement négatifs d'un tel plan sur les comptes du pays vis à vis du reste du monde. Énoncée à la fin des années 1970 par Anthony Thirlwall, cette « loi » dit que la croissance d'un pays économiquement ouvert aura bien du mal à rester durablement supérieure à un certain seuil, sans que cela conduise le pays à s'endetter de plus en plus vis à vis du reste du monde (et/ou à voir fondre dans un premier temps ses réserves de change), à cause du maintien d'un déficit de sa balance des paiements sur les échanges commerciaux. Ce seuil sera d'autant plus bas que la croissance du reste du monde est basse, et que la propension des gens du pays à consommer des biens importés plutôt que produits localement, est trop importante par rapport à sa capacité à exporter. La justification de la loi de Thirlwall est analogue à celle du multiplicateur keynésien en économie ouverte : la « fuite » d'argent risque aussi d'être à l'origine d'un déficit de la balance des paiements sur les échanges commerciaux, si elle n'est pas compensée d'une manière ou d'une autre.

Ces éléments théoriques trouvent des illustrations dans deux moments récents de l'histoire économique de la France : le plan de relance du gouvernement Chirac en 1975, en réaction à la montée du chômage et à la baisse de la croissance venues avec le « choc pétrolier » de 1973, qui marque la fin des « Trente Glorieuses » ; et le plan de relance du gouvernement Mauroy en 1982, dans la lancée de l'élection de Mitterrand en 1981, avant le « tournant de la rigueur » de 1983. Ces deux plans de relance ne comprirent pas de mesures, visant à réduire la propension des habitants de France à consommer des biens importer, suffisamment énergiques pour permettre que la « fuite » d'argent due à l'ouverture de l'économie française, soit compensée par un report d'une partie de la consommation française sur les biens produits en France. L'accroissement de la consommation de biens importés (notamment manufacturés issus des pays émergents) qu'ils suscitèrent, eut donc pour conséquences un fort affaiblissement de l'efficacité de ces plans de relance en regard de l'argent mobilisé, ainsi qu'un grave déficit de la balance des paiements sur les échanges commerciaux(1).

Un autre problème que rencontrèrent ces plans de relance fut un fort accroissement de l'inflation. En plus des « fuites » en économie ouverte, l'autre grand problème des plans de relance keynésiens, est le risque que l'argent mobilisé par le plan de relance, nourrisse de l'inflation, au lieu de financer un accroissement de l'appareil productif. Les entreprises risquent d'utiliser l'argent mobilisé par le plan de relance (l'augmentation de leurs ventes suscitée par la stimulation des dépenses des consommateurs, ou bien les facilités de crédit), pour augmenter les revenus du travail ou du capital, au lieu d'utiliser cet argent pour agrandir leur appareil productif et accroitre ainsi leur production. Au final si la mobilisation d'argent accroit la quantité de monnaie en circulation sans accroitre la production, cela crée uniquement une hausse des prix.

Les économistes post-keynésiens pensent qu'il est possible de résoudre ce problème de l'inflation nourrie par le plan de relance, par des mesures énergiques : par exemple, négociations sur la répartition de la valeur ajoutée entre revenus du travail, du capital, et investissement, limitation des marges, des profits, des prix de l'immobilier, et d'autres hauts revenus, contrôle que l'argent obtenu grâce à un crédit facilité est bien utilisé pour investir et embaucher des gens, introduction d'entreprises nationales dans certaines branches pour éviter les rentes de monopole, ou autres mesures peut-être.

Et pour résoudre le problème des « fuites » d'argent à l'étranger, un gouvernement qui voudrait, en France dans les prochaines années, réussir un plan de relance keynésien, risque fort de devoir prendre aussi des mesures énergiques, visant à réduire la propension des habitants de France à acheter des biens ou services à l'étranger : droits de douane, dévaluation unilatérale, « taxe carbone », ou usages d'autres instruments protectionnistes.

Pourquoi donc finalement, dans le cadre d'un plan de relance keynésien, une réduction de la propension des consommateurs de France à acheter des biens ou services à l'étranger, devrait-elle s'accompagner d'une ré-industrialisation ? Le graphique suivant peut nous aider à répondre à cette question. Il donne pour l'année 2008, et pour chaque catégorie de biens ou services, la valeur des biens ou services de cette catégorie que nous avons acheté à l'étranger, en pourcentage de la valeur totale des biens et services que nous avons achetés à l'étranger. Ses sources sont l'OCDE (sa base de données STAN) et la Banque de France. C'est en tant que voyageurs, que nous achetons à l'étranger des services d'hôtellerie et restauration. A moins que nous cessions de voyager, les services d'hôtellerie et restauration sont donc, avec les biens naturels de plein air et des sous-sols, les biens ou services que nous achetons à l'étranger sans pouvoir les produire nous mêmes. Ces biens ou services là représentent en tout 27% de nos achats de biens ou services à l'étranger. Restent donc 73% de biens ou services que nous achetons au reste du monde tout en pouvant les produire nous mêmes : biens manufacturés, transports, et autres services (services aux entreprises principalement).

Valeur des biens ou services que nous achetons à l'étranger, par catégories de biens ou services, en pourcentage de la valeur totale des biens ou services achetés à l'étranger, en 2008

Pour réduire notre propension à importer, nous n'avons peut-être pas très envie de réduire notre consommation de services liés à des voyages, ni de biens naturels agricoles ou alimentaires issus du reste du monde, comme des produits exotiques ou des spécialités locales.

On peut par contre envisager que nous réduisions notre consommation de pétrole, mais cette réduction risque d'avoir un effet limité, étant donné que notre consommation de pétrole ne représente pas un si grand pourcentage que cela de nos achats à l'étranger (moins de 14,8%, puisque les biens naturels des sous-sols comprennent aussi les métaux bruts, l'uranium et le charbon), et étant donné aussi que les prix du pétrole risquent d'augmenter à l'avenir, ce qui pourrait annuler l'effet d'une réduction des volumes que nous importons sur leur cout. Une telle réduction de ces volumes consommés n'est pas non plus des plus aisées, rapides et assurées, puisqu'elle suppose d'inventer et produire industriellement des choses qui ne sont qu'à leurs débuts, comme les voitures, camions, engins agricoles ou de chantier, bateaux ou avions, et autres matières substituables au plastique, n'utilisant pas de pétrole.

Un plan de relance devrait de plus nous permettre de revenir au plein emploi, et d'améliorer les revenus du travail les plus modestes. Les 2 à 3 millions de chômeurs actuels de France, et les quelques autres millions de travailleurs aux revenus les plus modestes, retrouvant un emploi et un meilleur revenu, augmenteraient alors leur consommation, notamment des biens et services que nous ne pouvons produire nous mêmes, mais aussi très certainement de biens ou services que nous pouvons produire nous mêmes mais que nous importons. Il deviendrait dans ces conditions, difficile de ne pas augmenter le montant de nos achats de biens ou services que nous ne pouvons produire nous mêmes, et plus crucial encore de réduire notre propension à acheter à l'étranger des biens ou services que nous pouvons produire nous-mêmes. D'autant plus que même dans notre situation actuelle de chômage de masse et d'excessives inégalités de revenus, notre balance des paiements est déjà en déséquilibre.

On peut alors envisager que nous produisions un peu plus nous mêmes les services de transport et autres services aux entreprises, que nous achetons à l'étranger. Mais encore une fois cela aurait un effet limité étant donné que ces services ne représentent pas une si grande proportion que cela de nos achats à l'étranger : 12,1% en tout.

Le fait de produire un peu plus nous mêmes des biens manufacturés qu'aujourd'hui nous importons, apparaît donc comme une manière de réduire notre propension à acheter des biens ou services à l'étranger, préférable ou particulièrement facile par rapport à une réduction de notre consommation globale de biens ou services que nous ne pouvons produire nous-mêmes, et particulièrement efficace étant donné que nos importations de ces biens représentent 60,9% de nos achats de biens ou services à l'étranger.

Une ré-industrialisation n'est donc pas le seul levier par lequel nous pouvons réduire notre propension à importer, et donc réussir un plan de relance, mais c'est surement un levier essentiel.

La désindustrialisation de la France est-elle aussi un transfert de son activité industrielle vers les pays émergents ?

Une deuxième question à laquelle les chiffres habituels de la désindustrialisation, ne répondent pas, est celle des causes les plus immédiates de cette réduction de l'activité industrielle en France. Est-elle principalement l'effet d'une baisse de la consommation (et de l'accumulation) française de biens manufacturés, ou encore d'une amélioration en France des techniques de production de ces biens, permettant d'en produire autant pour moins cher et en mobilisant moins d'emplois ? Ou bien est-elle en grande partie un transfert de l'activité industrielle française vers les pays émergents ?

Cette question a beau être l'objet de disputes, elle n'a dans le fond pas d'intérêt pratique. Aux yeux de ceux qui veulent juste que la situation de la France s'améliore, la seule chose qui compte est de savoir si oui ou non, il est préférable ou même possible, qu'il y ait relance sans ré-industrialisation. Mais on peut quand même se poser cette deuxième question, pour comprendre ce qui nous arrive.

Cette deuxième question est moins complexe que la première, et on peut y répondre en complétant les chiffres habituels de la désindustrialisation, par d'autres chiffres. Il suffit en effet pour y répondre, de calculer le volume de biens manufacturés qui sont consommés (ou accumulés) en France, et le volume de biens manufacturés qui y sont produits. Si le volume consommé est très supérieur au volume produit, alors on peut conclure que la réduction de notre activité industrielle n'est pas principalement l'effet d'une réduction de notre consommation de biens manufacturés, ni d'une amélioration de nos techniques de production, qui nous aurait permis de produire un volume égal à celui que nous consommons, en mobilisant moins d'emplois et pour moins cher.

Le volume de biens manufacturés que nous consommons, est égal au volume de biens que nous produisons, auquel on ajoute le volume de biens que nous importons, et auquel on retranche le volume de biens que nous exportons. Or il est possible de calculer une approximation de ces volumes, à partir par exemple de l'estimation donnée par le FMI des niveaux des prix dans le monde, comme je l'ai montré dans un autre texte. Je montre aussi dans cet autre texte qu'il est possible de calculer, d'une manière relativement simple, une approximation du nombre d'emplois qu'il aurait fallu mobiliser en France, pour produire la différence entre le volume de biens manufacturés que nous produisons, et le volume de biens manufacturés que nous consommons. Selon le calcul que j'ai fait, cette différence s'élève à 2,3 millions d'emplois (en comptant les emplois mobilisés dans d'autres secteurs que le secteur industriel, mobilisés pour produire les biens ou services utilisés comme des consommations intermédiaires par le secteur industriel, lors de son activité de production du volume de biens manufacturés en question). Ce chiffre peut être vu comme une mesure de l'ampleur du transfert d'activité industrielle de notre pays vers les pays émergents.

Dans un texte publié dans la presse il y a quelques temps, Sapir propose une autre estimation intéressante. Il estime l'impact du phénomène des délocalisations lors de la dernière décennie allant de la fin des années 1990 jusqu'à 2008, à environ 1 à 1,2 millions d'emplois perdus (dans le secteur industriel ou dans d'autres secteurs).

Les coûts et profits liés à la désindustrialisation de la France, se répartissent-ils équitablement à tous ses citoyens ?

Une troisième question à laquelle les chiffres habituels de la désindustrialisation ne répondent pas, est celle de la solidarité des français face à ce phénomène.

J'aborde plus longuement cette question dans un autre texte, selon lequel cette solidarité nationale est tristement inexistante : certains profitent de la désindustrialisation, à travers le plus bas prix des biens produits dans les pays émergents, et à travers la meilleure rentabilité des placements et autres investissements directs dans les pays émergents, ces deux choses étant permises par le bas cout du travail là bas. D'autres au contraire pâtissent de la désindustrialisation, victimes du chômage qu'elle maintient (dans la mesure où nous ne pourrons sortir de ce chômage et de la stagnation, sans ré-industrialiser, comme on l'a vu). La désindustrialisation fait même partie d'un phénomène plus vaste, par lequel des pressions à la baisse sont exercées sur les revenus des travailleurs de France les moins qualifiés, souvent ceux dont les revenus sont les plus modestes. Cela encore profite à d'autres, détenteurs du capital des entreprises dans lesquelles ces travailleurs ont un emploi, consommateurs des biens ou services produits par ces travailleurs.

D'autres chiffres que ceux habituels de la désindustrialisation, montrent ou montreraient ces évolutions du chômage, et des revenus réels des français, selon qu'ils soient des travailleurs exposés à la concurrence des pays émergents, encore occupés ou mis au chômage, ou encore des consommateurs non exposés en tant que travailleurs à la concurrence des pays émergents, ou des détenteurs de capital sous ses diverses formes.

La France pourra-t-elle conserver indéfiniment sa prospérité, tout en continuant à laisser s'éroder son appareil productif ?

Une dernière question à laquelle les chiffres habituels de la désindustrialisation ne répondent pas, est celle de savoir ce qu'il y a donc de si malsain, dans le fait pour un pays de consommer beaucoup plus que ce qu'il produit, en comptant sur les autres pays pour qu'ils produisent pour lui la différence, et en laissant dépérir son appareil productif, tant dans sa dimension humaine que dans sa dimension matérielle.

C'est une question à laquelle les chiffres habituels de la désindustrialisation, et peut-être même n'importe quels autres chiffres, pourraient difficilement répondre à eux seuls, car la question porte sur l'avenir à long terme, et car nous sommes facilement influencés par l'éducation que nous avons reçue dans notre enfance, nos valeurs morales et autres « intuitions de bon sens », profondément ancrées en nous, pour y répondre.

Que nous disait par exemple l'histoire de Pinochio, imaginée par Carlo Coloddi à la fin du XIXème siècle, et que quelqu'un forcément nous a raconté quand nous étions enfants ? Méfiez-vous de tous ces « pays des jouets » où il est possible d'avoir tout ce qu'on désire, sans jamais faire d'efforts. Le côté séduisant du lieu n'est qu'une apparence trompeuse, qui masque son côté profondément malsain. Ceux qui s'y « laissent aller » trop longtemps finissent par devenir « des ânes » qui seront peut-être ensuite traités comme des esclaves.

Et la culture dans laquelle nous baignons contient sûrement encore beaucoup d'autres éléments, à même de nourrir en nous cette croyance, que consommer c'est avoir, que produire c'est être, et que la puissance réside dans l'être et non dans l'avoir.

Autre souvenir d'enfance : la fable du Laboureur et ses fils reprise au XVIIème siècle par La Fontaine à Ésope, auteur grec du VIème siècle avant Jésus Christ. Le jour de sa mort, le laboureur, qui s'attendait à ce que ses fils ne travaillent pas assez sur les champs dont ils hériteraient, leur dit qu'il y avait un trésor caché sous la terre d'un des champs. Pour trouver le trésor les fils tournèrent et retournèrent la terre de tous les champs, du matin au soir. Quand vint le moment de la semence, ils comprirent qu'ils avaient pris l'habitude de travailler, que cela avait forgé leurs corps et leurs volontés, et qu'ils avaient rendu la terre plus fertile, et quelques temps après qu'ils aient semé, le blé poussa abondamment et ils purent manger à leur faim. « D'argent, point de caché. Mais le Père fut sage / De leur montrer avant sa mort / Que le travail est un trésor. », conclut la fable.

Plus sérieusement, l'histoire économique, et ses observateurs, économistes influents comme List, ou historiens de l'économie commePaul Bairoch, ont surement beaucoup à dire sur cette question de savoir, si l'appareil productif d'un pays est un fondement indispensable à long terme de sa prospérité.

J'en parlerai peut-être dans un prochain texte...


Notes.

1. En 1994, quelques années après les plans de relance ratés de 1975 et 1982, l'Observatoire Français des Conjonctures Économiques propose dans une étude, une réponse à la question de l'impact du libre-échange sur l'emploi en France. La réponse de l'OFCE est que le libre-échange couterait à peu près 220 000 emplois à l'économie française, en 1992, ce qui est un cout assez modeste, à côté du niveau de chômage très élevé déjà à l'époque.

Dans les notes de ce texte, je décris et critique de manière plus détaillée qu'ici cette étude. Ma conclusion est que l'OFCE fait une erreur, qui se situe au niveau de sa reformulation en termes plus techniques, de la question de l'impact du libre-échange sur l'emploi en France. Pour répondre au citoyen ordinaire qui se pose cette question, l'OFCE simule, à l'aide d'un petit modèle mathématique de l'économie française, ce qui se serait passé dans les quelques mois suivants si, brusquement le 1er janvier 1992, le volume de nos échanges avec l'Asie émergente était retombé au niveau de 1973, « toutes choses restant égales par ailleurs ». L'OFCE utilise donc une méthode de prévision des effets à court terme, d'un changement brusque d'une seule chose, pour se poser une question qui concerne le passé sur une longue période, et qui dépend de nombreux choix politiques lors de cette période. A aucun moment l'OFCE ne se demande quel chemin aurait emprunté l'économie française depuis 1973, si la politique économique menée par les gouvernements français avait réussi à relancer l'économie française, en ayant recours notamment à des mesures énergiques visant à réduire la propension des habitants de France à consommer des biens importés, c'est à dire des mesures protectionnistes, mais aussi éventuellement en ayant recours à d'autres mesures. Dans le cas où une relance notamment basée sur du protectionnisme aurait réussi, et où aucune mauvaise décision n'aurait gâché cette réussite, nous connaitrions aujourd'hui le plein emploi, par définition d'un plan de relance réussi. Le cout en emplois de tout obstacle à la réussite d'un plan de relance, et notamment du libre-échange, est donc la différence entre notre niveau actuel de chômage, et le niveau de chômage associé à une situation de plein emploi. En 1992 déjà, cette différence était bien supérieure à 220 000 emplois.


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20 réactions à cet article    


  • Tiberius Tiberius 22 août 2011 11:52

    Où avez-vous vu que la consommations globale de produits industriels aurait connue ces 10 dernières années une baisse et surtout une baisse proportionnelle à celle du déclin de notre industrie ? 

    Les statistiques de l’INSEE font certes apparaître au cours de ces 50 dernières années une baisse de la part des produits stockables dans la consommation des ménages mais néanmoins une hausse dans la consommation globale !


    • samuel_ 22 août 2011 14:17

       

       Ne vous inquietez pas Tibere !

       C’est juste une question posée en introduction a laquelle je reponds ensuite que non, ce n’est pas une baisse de consommation des biens manufactures qui explique la desindustrialisation, mais bien un transfert.



    • Tiberius Tiberius 22 août 2011 15:24

      Ah d’accord ! Mais entre nous, quelle drôle d’idée d’évoquer cette hypothèse loufoque pour introduire le sujet de votre article. smiley


    • samuel_ 22 août 2011 15:48


       C’est vrai que cette idée est loufoque. Par contre l’autre explication possible de la desindustrialisation, qui soit disant serait due au progres technique, nous permettant de produire plus en travaillant moins et pour moins cher, est vraiment une explication que certains proposent pour expliquer la desindustrialisation. Mais comme je vous disais je crois plutot que la vraie explication est le transfert, et je m’efforce d’argumenter pourquoi dans le texte.


    • easy easy 22 août 2011 12:13

      La fin de votre papier vous rachète à mes yeux qui trouvent le début presque thésard


      En dehors de la fin donc, où apparaît la notion de paresse, vous n’en parlez guère.


      Or, si de la désindustrialisation on veut exclure, pendant un moment, les seuls chiffres, il faut aussi parler de l’évolution de la notion de fatigue-travail-paresse

      Je ne pense même pas que les aristocrates d’avant 1789 avaient la notion de paresse ou très peu. Il était évident pour eux qu’ils ne devaient pas transpirer et s’user la peau ou le dos. C’était d’une telle évidence qu’ils n’y pensaient même pas. Posons donc que ces gens qui ne travaillaient pas (mais vivaient pourtant de façon plus sûre et confortable que les autres) ignoraient la notion de paresse ou qu’il leur suffisait d’être occupé à quelque réflexion ou conférence pour se sentir pleinement utiles.

      Or, la Révolution, si elle a quelque peu perturbé ce dogme, ne l’a pas du tout aboli et immédiatement, des tas de gens, de toute condition, pourvu qu’ils soient un peu instruits, on cherché à remplacer les aristos un moment écartés des facilités.

      Malgré Marx, André Malraux, né en 1901, se faisait un devoir (mais cette fois un peu plus coupable tout de même) de ne jamais travailler et de vivre de seule posture.

      Il y a donc eu, même après la Révolution, des tas de gens, quasiment de toutes origines, qui ont essayé de vivre sans travailler ou en modifiant le sens du mot travail.
      Du sens « travailleur » qu’on accordait à Colbert, on a fait le sens de « travailleur » qu’on accorde à un tradeur, à Paul Loup Sulitzer ou à Dédé la Sardine (André Guelfi)

      Un travailleur, autrefois et dans les campagnes ou les mines, c’était un type qui maniait un outil et transpirait 10h par jour pour seulement assurer une vie modeste. Et depuis disons Colbert et dans Paris et Londres, le travailleur est plutôt celui qui ne touche surtout plus à un outil à manche et qui accumule une fortune.

      Or nos sociétés ont été brassées, les gens des campagnes étant donc venues dans les villes (ceux des villes se rendant dans les campagnes uniquement pour y glander)
      Et au moment où les sueurs des champs sont entrés dans les villes pour y trouver un emploi industriel, Marx s’est mis à les traiter de cons.

      Le même type qui suait dans les champs était admirable, mais quand il suait sur un établi de Saint Gobain, c’était un con.
      Ce qui voulait alors dire que suer pour soi, c’est bien mais suer pour un patron c’est con.

      Malgré Marx, que seuls les étudiants entendaient et s’imprégnaient du principe révélé, les paysans qui ont fuit les campagnes (parce qu’une machine y remplaçait dix hommes) ont conservé leur sens du travail, de la dignité par le travail dur. Et nous avons donc eu des ouvriers raillés par les étudiants et intellectuels qui, la tête dans le guidon, persistaient à bosser dur.

      Puis, à la sortie de la guerre, les conditions étaient devenues bien plus favorables à l’instruction
      et déjà en 1965, même à Clichy Sous Bois, il y avait déjà des familles réticentes à l"idée de placer leurs enfants au CET. Même pour le CES (Pailleron) c’était limite dégradant.

      Car il y a eu l’immigration, le bougnoule. Contrairement à l’Italien et au Polonais d’avant, le bougnoule était à mépriser jusqu’à l’os.
      Alors se retrouver à l’usine à bosser dur à côté de bougnoules dont la dévolution était, dans la foi du colonialisme, de bosser comme des esclaves, était devenu insupportable.

      Ce n’est pas seulement dans les HLM que les Français ne voulurent plus côtoyer les immigrés issus des colonies, c’était aussi à l’école.
      Il se dessinait donc de plus en plus que le travail en usine, autour des machines, était à laisser aux bougnoules (bennes à ordures, marteaux-piqueurs remplaçaient marteau et faucille mais étaient bel et bien réservés aux bougnoules)

      Les patrons se retrouvèrent avec une désaffection d’ouvriers de qualité et de culture française. Ils durent se débrouiller avec des employés parlant peu ou mal le français. L’idée leur vint alors que si d’une part on peut se contenter d’une qualité moindre et d’autre part faire avec des étranger, on pouvait aussi bien monter des usines à l’étranger.

      Et pendant ce temps là, est arrivé un bien curieux outil : l’informatique.
      On est loin de la pioche et de la scie mais voilà, on lui a donné le nom d’outil quand même.
      Alors quand on clavarde, on est travailleur, on travaille.


      Ca fait donc 40 ans que des Français, désormais tous instruits des concepts marxistes, tous convaincus que ce n’est pas à eux de récurer les égouts, ne conçoivent, comme établi le plus dur auquel ils doivent s’atteler, que le clavier, le micro et la caméra.

      Et on serait censé vivre ainsi.

      Il n’est donc pas normal, à mes yeux, de parler des causes de la désindustrialisation, et de zapper le fait que plus aucun Français ne voulait bosser en industrie (ou alors seulement assis et en clavardant ou en bavardant, un verre de café à porté de main à la manière de notre ami Bernard Dugué)

      Vient alors la comparaison pays par pays.

      Si tels ont été les ressorts de la France, pourquoi la situation de l’Allemagne est différente de la nôtre.
      Il suffit en fait d’un delta de 2% dans les degrés de ce que je viens de dire pour, qu’au terme de 40 ans, les deux pays se retrouvent dans des situation différentes.

      Les Allemands ont eu de grands intellectuels. Mais au monde, ce sont les Français qui ont le plus considéré que leurs Penseurs étaient de très grande envergure et Lumière internationale.
      En France, même après 1789, on a cultivé nos coupoles et Sorbonnes. On cultive les vieux rayonnages de la biobliothèque Richelieu.
      Et les hommes politiques qui se disaient disons au moins un peu marxistes ou socialistes, ont très régulièrement fait donner l’armée contre les ouvriers

      En Allemagne, dès 1875 (congré de Gotha) le parti ouvrier (qui adore alors le monde de l’industrie) devient très puissant et géant. On y est très fier d’être ouvrier bossant dur (et on y développera les premiers principes d’ergonomie au travail)

      Hitler avait évidemment tenu compte de cette caractéristique très ouvrière que les conflits et défaites n’ont jamais réduite. Et il n’est pas besoin de faire long pour démontrer que son industrialisation de qualité lui avait permis de tenir le Monde entre ses mains et pas qu’un monde fait de bougnoules.

      Aujourd’hui, l’Allemagne perd également une partie de son tissu industriel mais conserve une avance sur nous.


      Un pays peut-il durer si plus personne ne veut y tenir soit un marteau soit une faucille ?


      • easy easy 22 août 2011 13:43

        Parce qu’en Allemagne ça fait plus d’un siècle qu’on accumule des Delta de foi supérieure dans l’industrie, dans le travail dur, nos industries française sont très souvent frontalières avec ce pays ou avec des pays eux-aussi gagnés pas l’ouvriisme allemand (Suisse, Autriche, Italie du Nord)

        Je signale au passage qu’entre 1980 et 2000 toute la quincaillerie d’ameublement (charnières de portes, coulisses, serrures...) utilisée en France provenait d’Allemagne, de l’Italie et de l’Autriche (si l’on excepte le biais des Ikea et autres Alinéa, car ces entreprises peuvent avoir des sources alternatives, plus indiennes et chinoises)






        Autre aspect de la problématique.
        Au-delà des questions rebattues du coût salarial justifiant la délocalisation, à laquelle s’ajoute la répugnance pour le travail manuel que je souligne ici, il y a aussi la très grosse question de l’acier.

        Rappelons-nous, c’est à peine croyable, que Mao avait imposé que chaque village ait son haut-fourneau 

        Mao, trouvant que l’URSS grandissait bien grâce à son industrie, décida soudain, en 1958, le Grand bond en avant et là, chose unique dans l’Histoire du Monde, il a imposé à toutes les campagnes de passer industrielles (ce que ne faisait pas l’URSS)
        Soudain, des millions de Chinois, dans tous les bleds et villages, devinrent disons forgerons.
        Mao voulait, en 15 ans seulement, que la Chine qui n’en produisait pas du tout, produise autant d’acier de le pays qui en produisait alors le plus, l’Angleterre.

        Dans un premier temps, il ne s’agissait pas d’exporter mais que chaque commune devienne auto-suffisante.

        La mentalité agricole est une affaire de longue haleine et elle a des conséquences sur la manière de considérer l’avenir de la famille (savoir qui se transmet surtout de père en fils et qui suffit). La mentalité de forgeron, peut effectivement s’acquérir en une génération et elle pousse alors à des visions archi différentes qui deviennent déconnextées de la terre, de l’endroit et qui sont beaucoup plus prométhéennes, créatives. 

        Alors que la Chine exportait auparavant surtout des produits bruts (de récolte ou de première transformation) le programme Acier indiquait qu’on allait pouvoir, à terme, exporter d’abord de bêtes fers à béton, de bêtes enclumes et de bêtes chaînes, mais qu’au fil du temps, on allait finir par exporter des barbecues, puis des vélos, puis des motos, puis des avions. 


        Le Grand bon en avant, les hauts-fourneaux dans chaque village, ça a été une catastrophe (même en termes de qualité des produits) et Mao a dû très vite en convenir tant la Chine crevait de faim. Il a donc stoppé ce programme. Mais le germe de l’industrialisation + autonomie donc débrouillardise avait tout de même été semé dans tous les recoins de la Chine.
        Même revenus à la culture des choux, les Chinois restèrent à concevoir qu’ils pouvaient produire et exporter autre chose que de bêtes produits de base.
        Et puis Mao a démontré qu’il était très possible de discipliner ou endoctriner des millions de personnes (jamais on aura vu ça ailleurs) 

        Il était donc possible de devenir un pays industriel, chaque Chinois en devint de plus en plus convaincu.




        Et cela pendant qu’en France, surtout en France, les Blancs ne voulaient plus s’habiller en bleu.

        Le sang bleu oui.

        L’habit bleu non, car trop rouge.



         


      • samuel_ 22 août 2011 14:26

         Excusez moi easy mais je trouve que ce que vous dites sur le pretendu mepris des blancs pour les « bougnoules’ » est absolument immonde. Et totalement faux.

         Ce ne sont pas les blancs de base qui ont decide de faire venir des immigres pour travailler pas cher dans les activites non delocalisables. Ce sont les dirigeants politiques et le patronat, parceque le patronat aime les gens qu’il peut exploiter facilement, et parceque les immigres venant de pays ou la vie est plus dure et ou les gens ont moins de droits, acceptaient des plus bas salaire.

         Et le mepris pour les activites manuelles n’est pas encore quelquechose qui vient des blancs de base par racisme. C’est encore la bourgeoisie qui a créé ça pour justifier les inegalites de revenus. Le blanc de base n’y est pour rien.

         Je suis un blanc de base et mon pere et mon grand pere aussi et je ne suis pas raciste.

         Arretez avec vos discours de haine.

         Arretez de nous crachez dessus.

      • samuel_ 22 août 2011 14:35

         A part ça merci beaucoup pour votre lecture attentive.

         Et je vous signale aussi qu’en plus d’etre un blanc de base et de ne pas etre raciste je fais une activite manuelle.

      • easy easy 22 août 2011 15:52

        Bien sûr, j’ai tout inventé.
        Dupont Lajoie ça n’a jamais existé.




        Tout ce dont je parle ici, et qui expose des faits de psychologie, de préférence, de mépris pour le travail manuel, se traduit de mille manières dans une société ainsi transformée.

        Il y a eu, dès qu’on a inventé les CET où les élèves devaient porter une blouse bleue ou un bleu de travail, une guerre non pas des boutons mais des couleurs de blouses.

        Blouse bleue, blouse grise, blouse blanche, pas de blouse.
        Tout le débat social a pu être observé sur ces 4 points
        Et c’est, inutile de vous le préciser, la blouse blanche + pas de blouse qui l’ont emporté.

        La seule solution, pour atténuer le rejet des Français de la blouse bleue ou grise, du bleu bleu ou gris, était d’obliquer ver le Mac Giver
        Ce bricolage là oui, les Français en voulaient bien car il s’agit d’un bricolage prométhéen. On n’obéit pas à un plan de charge journalier et répétitif, on crée d’initiative personnelle ; En Mac Giver, en Mission Impossible, on est un ouvrier génial (et bien récompensé).

        Grâce à Mac Giver + Indiana Jones, on a réussi à attirer les derniers Français vers Castorama et Leroy Merlin où on leur a offert des outillages et matériels très funs, des vêtements avec des poches partout, des outils bourrés d’astuce et d’intelligence en couteau Suisse, tout ça sentant bon l’aventure. Et puis bricoler soi-même évite d’avoir des factures de plomberies ou de garagiste à payer.


        Chaussures de sécurité, combinaison, visières de protection, gants, escabeau, visseuse, cutter, si ça a des allures d’aventurier, OK. Sinon personne n’en veut.


        Mais bon, le relookage de l’industrie a ses limites et trimballer des radiateurs ou des parpaings, ceintrer des pots d’échappement, vernir des meubles, ça fera toujours plus transpirer que de taper sur un clavier ou passer un coup de fil à un client.



        Il ne faut donc pas exposer notre désindustrialisation comme si c’était de la faute à un président, d’un complot, d’un principe Keynésien, d’un manque de ressources ou d’une concurrence sur les prix.
         
        Il faut le dire : si l’on propose à un Français d’entrer dans l’industrie en bleu de travail et dans n’importe quel pays à l’industrie florissante, il refuse.

        Et s’il faut influer de manière étatique, en bon keynésianisme, il faut le faire essentiellement sur les mentalités, sur le sens accordé aux mots ’travail’ et ’peine’.
        Il faut cesser de la jouer « victime du travail » « victime de la peine » « victime de la souffrance au travail »




        Etre fier de ses souffrances Vs s’en plaindre ?

        Toute la désindustrialisation peut se comprendre dans notre préférence de plus en plus marquée pour la seconde option.





        Ce que je dis, et vous ne l’avez pas remarqué, c’est que immigration ou non, le Français, beaucoup plus colonialiste que l’Allemand, prenait la direction de la blouse blanche + pas de blouse alors que l’Allemand avait un peu moins cette tentation.

        Immigration ou pas nous prenions la direction de la désindustrialisation.

        Ce n’est pas seulement parce que nous avons manqué de bras au sortir de la guerre que nous avons fait venir nos bougnoules (il faut ici leur donner le nom que nous leur donnions alors pour reconsttituer la vérité historique et donc piger notre histoire) c’est aussi parce qu’au fil des ans (ça ne s’est pas fait en un jour) nous en voulions plus ni de la blouse grise, ni de la blouse bleue.
         
        Et ça a déchiré dans les familles ouvrières de Montreuil, de Bagnolet, ce la ceintiure rouge ; Oh oui ça a déchiré entre père et fiston. Père qui croyait encore, tout de même à la valeur sueur, qui était fier de ses cicatrices, fiston qui le traitait de vieux con exploité par un patronat bien plus rusé.
        Sans ces déchirements entre père et fils blanc, c’est pas compliqué, le Parti communiste serait resté à 30 % . Or il rase le zéro.

        Immigration ou pas, les Français ont trop associé l’ouvrier aux rouges et ne voulait plus du bleu.

        C’est donc pour cette raison que même après le creux des hommes dû à la guerre, on a continué à faire venir des ouvriers étrangers. Et en ce moment, malgré les énormes tensions que ça provoque, on est encore absolument obligé d’en faire venir car nous, les Blancs, nous ne voulons pas tenir des pelles et des pioches, nous ne voulons même pas faire le ménage depuis que « la femme qui reste à la maison pour faire le ménage » vaut raillerie. 


        Immigration ou pas, les français ne voulaient plus de l’usine et ce n’est pas Chaplin qui aura arrangé les choses (ses cibles : Police, patron, dictateur étant devenus nos repoussoirs)

        Et comme il y a eu immigration ouvrière, comme les Français se sont retrouvés à devoir fréquenter les ouvriers tant à l’usine qu’au CET où ils représentaient les « Dévolus à l’industrie » nous avons fait des pieds et des mains pour nous éloigner d’eux. D’où les ratonnades. 

        (Ca fonctionne comme pour les ratonnades contre les homos. On fait ça seulement pour affirmer qu’on n’en est pas) 

        Qu’ici et là, il y ait eu, comme dans votre famille peut-être, des efforts pour ne pas céder à cette tendance industriellophobe + ouvriérophobe + immigrophobe, oui, bien entendu oui. Mais la tendance générale était et reste encore celle que je décris.

        N’y allez pas de grands mots (de genre : nauséabond, immonde etc.) Ca ne fait que langue de bois. 
        Si vous pensez que j’invente, démontrez-le. 





        Qui a voulu cette immigration d’ouvriers bougnoules ? 
        Concrètement et directement, les patrons + les autorités. Certes. 
        Mais il faut tout de même admettre que s’ils avaient pu trouver des ouvriers français pour visser les boulons sur les moteurs des R6, ils se seraient passés des immigrés à qui il est si difficile d’expliquer le boulot et la qualité, la rigueur. 

        Et si les Français ne voulaient plus visser des boulons c’était parce qu’ils considéraient que c’était mal payé ou parce que le genre, le style n’était pas glamour ?
        Et bien parce que ce n’était pas glamour. 

        Le salaire que le Français a obtenu en changeant de couleur de blouse est resté le même. 

        Il est arrivé, vers 1990, que les commerciaux en costume de ville et avec voiture de fonction, disposant de machine à café, aient des salaires inférieurs à celui de certains conducteurs de machines dans les industries. 
        Peu leur importait cet écart en leur défaveurs, les hommes préféraient un métier glamour où l’on ne touche pas de cambouis. 

        Certes, il y a eu un passage où certains blouses blanches ou no-blouse étaient mieux payés (c’était surtout parce qu’ils étaient les premiers à savoir se servir de clavier) 

        Mais au fur et à mesure que tous les hommes et femmes de 25 ans présentaient des CV bien garnis sur le secteur blouse blanche + sans blouse, les salaires ont dégringolé. 

        Et il est archi clair qu’un carreleur gagne plus à l’heure qu’un bac + 5 qui bosse chez Mac Do

        Désormais et bien que chacun sache très bien que les salaires sont identiques quelles que soient les couleurs de blouse, ce sont encore et toujours les filières à blouse blanche ou sans blouse qui sont courues.


        Les espoirs ou chances qu’un individu fasse fortune dans un contexte pareil, n’est quasiment plus corellé à la couleur de blouse qu’il aura choisie.
        Il y a autant de performeurs ayant suivi des études à blouse blanche ou no blouse que de performeurs qui viennent des autres « filières »


        (La plus grande propritété de l’Ile l’Oléron appartient à un homme qui, sans être exactement blouse bleue, n’a pas son bac et a essentiellement vendu des crêmes glacées. Il se déplace en petit avion, petit hélico et il a deux chevaux)





        Je reviens sur votre défense en « Je suis un blanc de base et mon pere et mon grand pere aussi et je ne suis pas raciste »

        J’ai une notion de racisme plus large que la moyenne des gens ; 

        Pour moi, le racisme ne tient pas à une simple et bête notion de « Les Noirs sont plus bêtes que les Blancs » 
        Non, l’histoire ne commence pas là.
        Elle commence entre Blancs.

        Eliminons, fictivement, toutes les autres couleurs de peau. Et on verra donc un monde Blanc à l’intérieur duquel il y a quelque chose qui a les apparences du racisme mais appliqué à la caste, à la classe sociale. 

        En Afrique noire, en Amérique du Nord avant Colomb, il n’y avait pas de concept d’aristocratie, de caste. Il y avait des chefs, des marabouts mais la plupart du temps, ils étaient choisis dans la masse du commun et ils n’étaient donc pas d’essence supérieure voire divine.
        Autour de la Méditerranée mais en Chine, en Inde, au Japon aussi, il y a eu des concepts de caste acquis de naissance, comme ça, sans rien faire ni prouver.
        A l’intérieur de ces peuples là, il y avait un mépris de ceux qui étaient mal nés ; 

        A l’intérieur du peuple français de Louis XV, il y avait des gens qui souffraient (mais sans bien savoir où) de leur mauvaise condition de naissance.
        La Révolution a mis le foutoir dans cet ordre des choses mais n’en a pas tué le concept. Au contraire. Il y a eu tout de suite des bourgeois (des gens autrefois très humbles) qui se sont arrangés pour maintenir un lignage nanti et constituer non plus à partir du fait du sang mais à partir du fait de la fortune transmise, une caste supérieure.

        Là dedans, une part les bas de classe français a trouvé bien de rejoindre les esclaves (en manière de nordistes US) et c’est ce qui a fait le communisme français avec son volet très international (les ouvriers français, se sentant méprisés par les bourgeois français, sabotaient les munitions et armes que l’armée française utilisait en Indochine). Mais une autre part de cette basse classe, celle qui a pu s’en extraire d’une manière ou d’une autre, dès qu’elle aura pu intégrer la classe supérieure, se sera mise à dénigrer la basse classe d’où elle venait.
        C’est dans ce mouvement pour essayer d’échapper au mépris de la haute bourgeoisie française, que la petite bourgeoisie française, puis de plus en plus d’Ex-communistes, se sont mis à dénigreer les bougnoules.
        C’est pour cela qu’on dit que les électeurs du PC sont passés chez le FN


        Il ne s’agit donc pas du tout de véritable racisme. Ce n’est qu’un principe de mépris inter castes, de la caste la plus nantie vers la caste la plus défavorisée.


        Monsieur Bidochon affiche son mépris de Mouloud afin d’oublier un peu qu’il est hyper méprisé et écrasé par les très riches bourgeois aussi Blancs que lui.



























      • samuel_ 22 août 2011 16:09

         Vous racontez n’importe quoi !

         Les patrons français auraient trouvé des travailleurs locaux pour faire le job, en augmentant le salaire qu’ils proposent.
         
         Le salaire aurait monté dans les activités manuelles, en vertu de la loi de l’offre et de la demande.

         Et c’est la que, en complicité avec les autorités, ils se sont dit que le reste du monde pourrait etre instrumentalisé pour jouer le role de « l’armee de reserve » des chomeurs dont parlait Marx, cette armee de gens qui n’ont pas eu la chance de naitre dans la prosperité et qui eux sont prets a accepter un bas salaire. Ce qui permet de maintenir le bas salaire dans les activites manuelles non delocalisables.

         Vous le voyez, il y avait un discours patronal et institutionnel qui justifiait les inegalités de revenus par le merite. Mais en realité ces inegalités de revenus ne peuvent etre maintenues qu’en faisant jouer le mecanisme de l’armee de reserve, parce que le fait de faire des etudes n’est plus rare comme au XIXeme siecle, et est donné a tous. Donc les activites intellectuelles ne sont plus si rares que ça, et ce sont meme les activités manuelles qui se font rares, a moins justement de laisser jouer le mecanisme de l’offre et la demande, c’est a dire une hausse du salaire proposé pour attirer plus de travailleurs locaux pour faire le job.

         


      • samuel_ 22 août 2011 16:20


         Quant aux idees qui suintent de votre discours, comme quoi « le français blanc est paresseux », par essence, « le français blanc est raciste », par essence, etc...

         Pardonnez moi de vous dire que ces idees la sont aussi racistes que celles des nazis qui disaient que « le juif est ceci » par essence, ou encore aussi, aussi racistes que celles de certains colons français de triste memoire, qui disaient que « le bougnoule » est ceci, par essence.

         Vous etes revolté par le racisme, fort bien. Mais evitez alors de vous comporter vous meme comme un raciste et de penser autant de choses pleines de haine.

         Je ne sais pas qui vous etes mais je veux faire la paix avec vous. Je vous respecte qui que vous soyez, quelle que soit votre couleur de peau ou culture d’origine.

         


      • easy easy 22 août 2011 17:33

        Pour ma part, je dispute le morceau, sans avoir besoin de vous dénigrer (vous savez, ce dénigrement qui est l’outil qui sert à indiquer qui il faut mépriser) 

        Vous dites vouloir faire la paix avec moi et vous utilisez contre moi, de manière ad hominem, des expressions méprisantes. ( Ex. « Vous racontez n’importe quoi ! »)


        Vous écrivez que j’aurais dit que le Français était raciste par essence. Vous avez un peu shunté pour envoyer vers le lieu commun.

        J’ai exactement écrit
        *******************
        En Afrique noire, en Amérique du Nord avant Colomb, il n’y avait pas de concept d’aristocratie, de caste. Il y avait des chefs, des marabouts mais la plupart du temps, ils étaient choisis dans la masse du commun et ils n’étaient donc pas d’essence supérieure voire divine.
        Autour de la Méditerranée mais en Chine, en Inde, au Japon aussi, il y a eu des concepts de caste acquis de naissance, comme ça, sans rien faire ni prouver.
        A l’intérieur de ces peuples là, il y avait un mépris de ceux qui étaient mal nés
        *******************

        C’est donc beaucoup de gens sur Terre, mais pas tous, qui ont développé et entretenu un concept de supériorité par naissance (et plus tard par fortune, ce qu’on appellera la haute bourgeoisie)
        Ces croyants là, très nombreux donc, considéraient que leur lignage (plus tard leur fortune) leur conférait une essence supérieure.
        Ils le croyaient et imposaient les conséquences de cette croyance sur les autres (qui finissaient souvent par y croire)
        Ce n’est évidemment pas moi qui leur accorde cette essence supérieure, mais eux. Et si vous voulez dénier qu’en France, pendant des siècles, il y a eu une aristocratie qui se croyait d’essence supérieure, libre à vous. Moi, je le sais et je ne suis pas ennuyé de le dire.

        [Le mot « essence supérieure » qui convient très bien aux aristocrates par le sang bleu, convient moins bien aux aristocrates par la fortune. On voudra bien me le passer tant un haut bourgeois croit mordicus que ses enfants doivent automatiquement devenir des hauts-bourgeois et qu’ils font tout pour qu’il en soit ainsi]
         


        Il est constant de dire que le patronat aurait trouvé des ouvriers Blancs s’il les avait mieux payés.
        Or, j’ai rappelé et c’est un fait avéré, que des OS ou des conducteurs de loco gagnaient et gagnent encore plus que bien des blouses blanches ou no blouse. J’ai également fait remarquer que de nos jours, à salaire égal, il est archi clair que les gens foncent vers les voies blouse blanche et non blouse, en refusant systématiquement le bleu et le gris.

        Il y a de quoi être étonné puisque le critère de l’argent est devenu, dit-on, capital.

        En fait l’argent n’est pas si capital que ça. Depuis 1970, entre le critère salaire et le critère glamour du métier, le critère glamour l’a souvent emporté (probablement que la culture pub y est pour quelque chose).

        Et c’est pour cela que des jeunes, comme ceux qui ont raconté leur misère de Smicard sur ce forum, préfèrent, quitte à se retrouver à sec d’argent chaque mois, loger dans Paris (et surtout pas dans la ceinture rouge ou le 93).

        Et en 2011, la situation des salaires est si difficile ou si smicarisé pour tant de gens, que le glamour joue de plus en plus dans le choix de boulot que font les gens, quand ils peuvent choisir.

        Qu’est un job glamour de nos jours ?
        Ce n’est pas dans l’industrie, ça c’est archi clair ; mais c’est quoi alors ?
        Et bien ce n’est même pas, comme on aurait pu l’imaginer, un job dans l’écologie ou le sauvetage des dauphins. Ca c’était il y a 20 ans, là c’est dépassé.

        Actuellement, le job glamour est celui qui et lié à la communication. Même si on n’y gagne pas sa vie, le fait d’organiser par exemple des soirées, d’être capable de réunir des gens pour un évènement, d’être une personnamlité médiatique, voilà ce qui est recherché. Salaire ou pas salaire.
        Et FX vient de se suicider parce qu’après avoir frôlé quelques mois cette situation dont il rêvait, il lui aura semblé que son tour était passé.

        FX est certes un cas extrême, mais il faut tout de même le voir et admettre que beaucoup de jeunes et moins jeunes visent d’abord la voie du glamour et que la désindustrialisation est le cadet de leur souci. Même à 3000€ nos FX refuseront de passer leur journée à poser des moquettes dans des voitures (ou alors ils s’en cacheront). 



        En 1980, il y avait un ravin entre ceux du papier crayon et ceux de l’informatique et les patrons proposaient alors cher aux rares qui avaient des expertises en blanc et cravate..

        Le Smic de 1980 était de 2300 F et une imprimante IBM 5218 A04 qui ne permettait d’imprimer que des documents frappés par boule, valait 25 000 F. De nos jours, le SMIC est à 1300€ et une imprimante laser qui peut tout faire et en couleur, vaut 90€

        Alors, en 1980, les hommes et femmes ayant choisi la blouse blanche ou la cravate de l’informatique étaient très bien payés. Et idem alors pour tous les secteurs informatisables, dont le nucléaire et la finance.
        Les patrons avaient donc choisi de bien payer les blouses blanches et les cravatés et nous, les Français, nous avons donc globalement laissé le bleu et le gris aux immigrés (en les méprisant donc de plus en plus)

        Au fil des ans, mêmes les gamins sont devenus des experts en informatique et les salaires accordés aux blouses blanches et no blouse ont alors décru.

        Les grandes fortunes ne se font plus en inventant une superbe voiture mais en inventant un Google, un facebook, de la com.

        (Et les enfants d’immigrés les plus fortunés sont ceux qui surfent sur quelque voie médiatique. cinéma, comique, présentation, animation)


        Le fric que génère une activité c’est une chose que chacun apprécie, certes, mais il y a la mode qui joue.

        De nos jour, on peut se faire de l’argent en étant un grand céréalier. Mais personne ne vise ça. Ce n’est pas glamour ;
        A une époque on pouvait faire une immense fortune en produisant des tablettes de chocolat ; De nos jour ce genre de voie n’excite guère les jeunes.

        Oui il faut des céréales, oui il faut du chocolat, oui il faut du dentifrice et de l’électricité mais ça n’attire pas les jeunes. Ils veulent bosser dans la com, le cinéma, le théâtre, le culturel
        Et la question des salaires passe après.


        Alors le keynésianisme ou l’antikeynésianisme ne joue pas trop en France. (il joue d’avantage ailleurs, en Chine par exemple)






        • samuel_ 22 août 2011 17:49


           Pardon alors pour les expressions meprisantes.

           Sur le glamour d’un metier, je pense qu’on aurait pu rendre les metiers manuels plus glamours :

           - grace au salaire qui permet de bien gagner sa vie grace a son metier. Quelqu’un qui fait un metier soit disant glamour aurait honte d’avouer ne gagner que le SMIC en echange. Quelqu’un qui fait un metier pas glamour sera fiere de son metier si il gagne de l’argent. L’argent gagné fait partie du glamour vous le voyez. On ne peut pas se la peter longtemps si on n’a pas les moyens, par exemple, de se payer de temps en temps une bouteille de Bordeaux au Flore.

           - grace a une dé-routinisation de ces metiers. Meme dans les usines il existes plusieurs types d’organisation possible du travail. Il y a eu des experiences dans l’automobile ou on fait faire un travail moins routinier, qui se rapproche plus d’un travail en atelier, en alternant les taches, prenant plus d’initiatives. Cela a un cout mais on pourrait dire que le caractere non routinier du travail devrait faire partie des bonnes conditions de travail. Un travail qui fait le moins possible de l’homme un rouage. Une autre piste est d’automatiser totalement l’ultra routinier, developper la robotique.

           - et enfin grace a la maniere dont l’institution, notre culture, l’education, perçoit les metiers manuels. La encore pourquoi pas rajouter un peu de manuel a l’école, par exemple bricolage, poterie, cuisine, interventions d’artisans. Et puis remettre a l’honneur le manuel dans le discours des enseignants et de l’institution.


        • easy easy 22 août 2011 18:15

          «  »«  »«  »Pardon alors pour les expressions meprisantes.«  »«  »
          OK, c’est pardonné en toute fraternité égalité



           «  »«  »«  »Sur le glamour d’un metier, je pense qu’on aurait pu rendre les metiers manuels plus glamours «  »«  »

          Bin oui,

          Oui Oui et ReOui

          Plus glamour par le voie du salaire, je passe, ce n’est pas intéressant. J’ai un fils qui pourrait gagner beaucoup en exerçant son métier de livreur d’usine, il trouve plus glamour de faire du théâtre où il gagne 126 € par mois. Je vous l’ai dit et admettez que ce n’est pas rare du tout, les jeunes visent souvent plus le genre de boulot que le salaire (et souvent ils acceptent un job sans oser demander le salaire quand c’est dans le glamour. Parce que ça ne compte plus)



          ---- « grace a une dé-routinisation de ces metiers. »« 

          Oui, est c’est pour ça que j’ai évoquer Mac Giver. Il y a donc un job industriel que les jeunes adorent, c’est le transport exceptionnel, les interventions exceptionnelles (et ça va jusqu’à Black Water)



          ------ »«  » - et enfin grace a la maniere dont l’institution, notre culture, l’education, perçoit les metiers manuels.«  »
          Oui, c’ezt surtout à cet endroit qu’il y a quelque chose à faire et vous avez posé de bonnes propositions.


          Il nous faut une industrie. Mais il faut ramener les jeunes à ce secteur en le rendant attirant (et pas forcément par le fric)


          De toutes manières, le dégonflement financier que nous subissons en ce moment c’est comme une sanction de 40 années de bulle informatique et virtuelle. Il se peut qu’au fur et à mesure de cet effondrement qui commence, on revienne naturellement aux potager et à l’établi.
          (Limiter Internet pourrait s’évérerer positif en ce sens)









          • samuel_ 22 août 2011 18:25


             Ok on est d’accord sur l’essentiel.

             Salut fraternel a vous de ma part aussi smiley


          • samuel_ 22 août 2011 18:33


             Je rajouterais encore qu’un gros probleme et de vouloir absolument faire en meme temps l’utile et l’epanouissant. On devrait un peu plus chercher l’epanouissement hors du domaine de l’utile, et chercher a faire des choses utiles sans vouloir absolument que ce soit le nec plus ultra de l’epanouissement. Utilité et épanouissement peuvent cohabiter, mais ils ne peuvent etre pousses a leur maximum au meme endroit. La gratuité reste le lieu ideal de l’epanouissement. L’abnegation reste le lieu ideal de l’utilité.

             Par exemple, on devrait former les gens a faire un metier utile, en leur demandant alors d’avoir un peu d’abnegation pour accepter de faire quelquechose d’utile meme si ce n’est pas le nec plus ultra de la creativité. Et on devrait en même temps permettre aux gens, en parallele de faire d’autres etudes ou d’avoir d’autres activité, purement gratuitement pour leur epanouissement.

            Par exemple, un double diplome qui forme en meme temps au CAP menuisier et a la licence de philosophie.


          • easy easy 22 août 2011 18:50

            Oh punaise, j’adore ce que vous venez de dire et de proposer là. !

            Et je ne peux rien rajouter du coup , snif


          • sparte sparte 22 août 2011 18:52

            Vous parlez de chiffres : où sont les chiffes ?


            • samuel_ 22 août 2011 18:58


               Je mets un lien sur les chiffres juste a la fin de l’introduction.

               Revoici le lien :

               http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/les-chiffres-de-la-99022


            • Alain-Goethe 22 août 2011 20:39

              Eh bien 1 long échange entre easy et samuel
              Intéressant . ;

              Ce soir suis pas bien installé .. ai dû «  dégager des meubles »

              En effet, l’entreprise de toiture ( qui - jusqu’à ce jour- ne pouvait me refaire une toiture ( + isolation par l’intérieur) sur 1 petite partie de ma « ptite maison » ) a avancé -super- son délai

              Cet am 
              eh bien ce sont 3 personnes qui causent français sans accent et ont des noms «  historiquement français ( ou francs ou gaulois .. ou  » espagnols de Charles Quint )

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