La France, un paradis fiscal ?
Et si l’impôt sur le revenu français était plutôt plus avantageux que ses homologues occidentaux ?
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Après la mini-polémique suscitée par l’exil helvète de l’idole des ex-jeunes, il me paraît opportun de rappeler quelques éléments d’information sur le régime fiscal des personnes physiques domiciliées en France. En effet, ce type de débat sensible et facilement polémique est souvent l’occasion d’entendre de grandes affirmations qui sont présentées comme étant des "vérités" incontestables dont la remise en cause s’apparenterait, au mieux, à une vile dérive extrémiste, au pire, à de la malhonnêteté intellectuelle.
J’aimerais m’attarder sur le postulat selon lequel le système français de l’impôt sur le revenu serait confiscatoire, à se demander ce que font les associations de défense des droits de l’homme et, en l’espèce, du contribuable. Et nombreux seront ceux qui, se souvenant du montant (honteusement) élevé de leur dernière cotisation d’impôt sur le revenu, acquiesceront docilement à l’idée selon laquelle la France est devenue une démocratie populaire où-décidément-il-ne-fait-pas-bon-gagner-de-l’argent.
Souvent, les auteurs de tels postulats illustrent habilement leurs propos de données chiffrées censées démontrer l’incroyable racket fiscal auquel sont soumis les moutons que nous sommes. Qui n’a jamais entendu parler de ces quelques taux dont, finalement, pas grand monde - et surtout pas ceux qui les avancent - ne connaît ni le sens ni la composition ? Simplement ont-ils le mérite d’être en apparence facilement accessibles pour le contribuable (électeur ?) lambda. Je pense, par exemple, à ce fameux jour de « libération fiscale » à partir duquel le contribuable moyen commence à travailler pour son propre compte. Ou encore, au mythique taux marginal d’imposition qui revient régulièrement sur le tapis comme s’il était une sorte de sacro-saint mètre étalon de la compétitivité fiscale de la France.
Méfions-nous des traits d’esprit généralisateurs : la réalité est autrement plus complexe, et j’aimerais relativiser tout cela en apportant dans ce vaste sujet quelques éléments objectifs de réflexion, sur lesquels je fonde ma conviction que l’impôt sur le revenu français, s’il est loin d’être parfait, présente malgré tout des avantages significatifs. Pour répondre à mon titre volontairement accrocheur, je n’irai pas jusqu’à dire que la France est un paradis fiscal, néanmoins, je crois que si Johnny Halliday se plaint de l’impôt sur le revenu français, un nombre autrement plus élevé de nos concitoyens devraient, au contraire, se réjouir d’être fiscalisés en France plutôt que dans un pays étranger.
Le premier exemple dont le contribuable français pourrait être satisfait est le concept de foyer fiscal. Excusez-moi de rentrer aussi brusquement dans le vif du sujet, mais grosso modo, ce dispositif permet de limiter les effets de la progressivité de l’impôt sur le revenu en fiscalisant la moyenne des revenus d’un couple plutôt que chaque revenu séparément. En effet, lorsque les deux membres du foyer fiscal disposent de revenus significativement différents, il sera généralement (beaucoup) plus économique de payer un impôt sur le revenu calculé sur la moyenne de ces derniers, plutôt que d’être imposé individuellement comme c’est le cas chez certains de nos voisins occidentaux.
Concrètement, si monsieur gagne 300 et que madame gagne 100 (exemple délibérément sexiste afin de faire réagir le lectorat féminin), il sera généralement plus économique pour le couple de payer deux fois l’impôt sur 200 [(300 + 100) / 2] plutôt que de payer une fois sur 300 et une fois sur 100. Tout simplement parce que, du fait de la progressivité de l’impôt, 100 de revenus compris entre 200 et 300 sont plus lourdement taxés que 100 de revenus compris entre 100 et 200.
Autre avantage significatif qui
n’existe pas forcément ailleurs : le quotient familial. Ce
dispositif n’a aucune autre justification que de vouloir favoriser
les familles puisqu’il a pour finalité de tenir compte du
nombre d’enfants à la charge du contribuable avant application
du barème. Tout comme la notion de foyer fiscal abordée
au paragraphe précédent, cela a pour effet de réduire
la progressivité de l’impôt sur le revenu. La cotisation
d’impôt sur le revenu se voit donc diminuée et même
parfois, littéralement réduite à néant. Or, ce dispositif est un privilège français, pas toujours répandu chez nos voisins.
En conclusion sur ce premier volet, ce n’est donc pas le taux marginal d’imposition qui compte, mais plutôt le taux et la base à laquelle il s’applique. En effet, il sera parfois plus avantageux pour le contribuable de se voir appliquer une taux fort sur une base faible qu’un taux faible sur une base élargie. Ainsi, de même que les notions de foyer fiscal et de quotient familial ont pour impact de réduire la base imposable, d’autres exemples vont dans le même sens.
Ainsi, en ce qui concerne l’abattement forfaitaire pour frais professionnels des salariés (10%), appelons un chat un chat en convenant qu’il s’agit là d’une exonération d’une partie de nos revenus puisqu’il est rare que les frais réellement supportés par le contribuable atteignent ce montant. Et s’ils venaient à le dépasser, le dispositif vous permet d’opter pour les frais réels. De ce fait, le contribuable est dans une situation soit neutre, soit favorable, le gain étant d’autant plus élevé que ses frais réels sont minimes. D’autres pays ne pratiquent que la déduction des frais réels « purs », à l’exception de tout forfait. D’autres, encore, pratiquent le forfait, mais en valeur absolue et non en pourcentage, ce qui est d’autant moins avantageux que les revenus sont élevés.
Les revenus du patrimoine ne sont pas en reste, puisqu’ils bénéficient, eux aussi, d’exonérations dont tous les contribuables peuvent bénéficier.
Par exemple, les plus-values immobilières réalisées lors de la cession de votre résidence principale sont exonérées en totalité. À une époque où les marchés immobiliers atteignent des sommets, cet avantage peut représenter des sommes considérables. Et cet avantage est d’autant plus fréquent que la mobilité géographique devient un lot commun. De la même façon, un investissement immobilier qui n’est pas votre résidence secondaire bénéficie lui aussi d’une franchise fiscale en cas de plus-value de cession dès lors que le bien a été détenu plus de quinze ans.
Également, les contribuables français peuvent investir sur des valeurs mobilières, cotées ou non, dans des conditions fiscales particulièrement avantageuses. Par exemple, le PEA (plan d’épargne en actions) affranchit les plus-values et les dividendes d’impôt sur le revenu à condition d’être conservé au moins cinq ans (quelle que soit la durée de détention réelle des titres). Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2006, les plus-values sur valeurs mobilières sont elles aussi exonérées d’impôt sur le revenu lorsqu’elles sont détenues plus de six années.
Et dans les deux cas, lorsque la plus-value immobilière ou mobilière est malgré tout imposable, elle échappera au barème progressif pour être fiscalisée à un taux fixe d’environ 27% (en fonction de la date de cession).
Enfin, j’aimerais finir mes exemples sur
le dispositif de réduction d’impôt sur le revenu en cas
de dons à certaines oeuvres sociales, caritatives, culturelles
ou autres (le champ d’application est très large). Il convient
de souligner que ce dispositif permet de bénéficier de
66% de réduction d’impôt dans des proportions
significatives (jusqu’à 20% de ses revenus imposables). Dérogation forte au principe de participation de chacun aux dépenses publiques puisque, grâce à ce dispositif, les contribuables
français ont la possibilité d’affecter jusqu’à
la totalité de leur cotisation d’impôt sur le revenu aux
bonnes oeuvres de leur choix. Ce faisant, l’Etat renonce à une partie importante de ses recettes, et c’est suffisamment rare pour être souligné.
Il résulte de ces éléments que le régime français de l’impôt sur le revenu n’est sans doute pas parfait, mais il présente des aspects favorables significatifs pour le plus grand nombre, qu’il convient de garder en mémoire avant de se mettre à envier le pré du voisin.
Icks Pey
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