Un monde de propriétaires !
Jeudi 24 mai, le ministre du Budget Eric Woerth, fidèle aux promesses émises par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle, annonce une future déduction pour les ménages d’une partie des intérêts de leurs prêts immobiliers contractés pour acquérir leur résidence principale.
Par cette action, le gouvernement veut permettre à chacun d’être propriétaire. « Tous propriétaires », voici le mot d’ordre !!! En effet, n’est-ce pas, pour chacun de nous, un objectif d’accéder à la propriété ? « Etre propriétaire de son logement est la première des sécurités pour une famille » dixit le programme de l’UMP.
Le pourcentage de ménages propriétaires n’est que de 52% en France, il est de 82% en Espagne. Accéder à la propriété est ainsi la norme en Espagne, le parc locatif est donc beaucoup plus réduit. Quelles sont les conséquences pour les ménages, de vivre dans un pays de propriétaires ?
Avec un marché où les prix immobiliers sont surévalués (+ 30 % selon la Banque d’Espagne), cette augmentation des prix suscite des craintes quant à la formation d’une bulle immobilière.
En France, la volonté politique de vouloir favoriser l’accession à la propriété va créer une demande de plus en plus forte, et risque donc d’alimenter le prix de l’immobiler déjà fort élevé.
Pour
pallier à cette hausse, le secteur bancaire s’adapte et
propose de nouveaux produits.
En
effet, en Espagne, la durée des prêts hypothécaires
est allongée, l’endettement espagnol est beaucoup plus
important qu’en France, il représente plus de 110 % du revenu
disponible brut en 2005.
Et
d’où vient cette hausse ? De la hausse de l’endettement au titre des
crédits à l’habitat, bref des emprunts immobiliers.
Selon la Banque d’Espagne, un quart des Espagnols sont actuellement
en cours de remboursement d’un prêt immobilier.
On
peut présumer que la France suit ce chemin. En effet,
plusieurs banques ont allongé la durée des crédits
la portant parfois à plus de 40 ans, et ont, ainsi, pu
augmenter le montant global empruntable.
L’allongement
de la durée des prêts a pour corollaire une augmentation
de la charge d’intérêt. Les
dispositions fiscales prévues par le gouvernement français
viendront bien entendu atténuer cette charge, mais elles ne
seront pas suffissantes.
Passer
de locataire à propriétaire ne se fera pas sans
conséquence.
Ce
changement de statut nécessite le plus souvent un important
effort financier (dans le secteur privé : la dépense de
logement mensuelle augmente en moyenne de 45 %).
Ce
qui contrarie l’idée commune de payer un loyer « à
fonds perdus » ; il est difficile d’accéder à
la propriété pour le prix d’un loyer.
De
plus, les risques dans un monde de propriétaires
s’accroissent.
L’endettement des copropriétés tend à
se développer. En effet, l’insolvabilité d’un
copropriétaire en cas de travaux importants peut entraîner le
surendettement des autres copropriétaires. En
attendant la vente des logements des propriétaires
insolvables, une contribution financière non négligeable
peut être exigée des autres copropriétaires, qui,
si elle dépasse largement leur capacité financière,
risque de les plonger dans une situation de surendettement.
Enfin, dans une société où les valeurs de flexibilité et mobilité sont difficilement concevables dans un mode de propriétaires pour un ménage moyen.
Un ménage qui doit quitter son logement pour cause de divorce, chômage, mobilité professionnelle ou changement dans la vie familiale n’a plus qu’une solution pour se reloger : celui de s’endetter à nouveau pour acquérir un autre logement. Il se retrouve alors potentiellement surendetté.
On peut imaginer que dans un monde de propriétaires, on aura la possibilité de vendre son bien rapidement et qu’en principe la valeur du bien acheté est garantie, le prix de son bien sera toujours maintenu. Le ménage contraint de quitter son logement se retrouvera rapidement dans la situation qui précédait l’opération d’acquisition...
Cette
vision des choses se tient.
Certes,
aujourd’hui, le marché de l’immobillier est prospère.
Mais, on l’a vu par le passé, il y a eu des crises immobilières. Il peut donc y avoir des phénomènes de décote.
Celui-ci frappent principalement des résidences acquises par des ménages modestes. En effet, le type de bien qu’acquièrent les ménages modestes sont souvent des petites maisons en grande banlieue, segment sensible aux aléas du marché. Le ménage contraint de céder son logement devra donc souvent le vendre à perte et il se retrouvera dans une situation encore plus fragile.
« Tous
propriétaires » est une belle idée !!
Pour
l’Etat, cette mesure ne coûte que peu de choses (mesures chiffrées
à quelques centaines de millions d’euros), pour le secteur de
l’immobilier, cette mesure relancera le marché, en effet,
celui-ci connaît des rythmes de progression plus faibles.
Bref,
le risque repose une fois de plus sur les épaules des ménages
et encore plus sur les ménages modestes.
Pour vraiment aider les ménages modestes, ne serait-il pas bon de développer les locations-acquisitions dans le secteur HLM ?
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