La campagne médiatique sur le réchauffement climatique reprend de plus belle depuis quelques jours. Nous avons eu d’abord droit à une avalanche d’interprétations caricaturales et biaisées du rapport de l’Académie des Sciences sur le changement climatique, dans la presse, sur internet et aux actualités télévisées. Puis l’Express, sous couvert de vanter le nouveau bouquin du journaliste Stéphane Foucart, consacre,
dans son numéro du 27 octobre, pas moins de trois pages dont il ressort que tous les climato-sceptiques seraient stipendiés par EXXON et qu’ils ne feraient que colporter la propagande « ultralibérale » de think tanks américains surpuissants aux mains des lobbies du grand capital.
Depuis décembre 2009, les milieux qui soutiennent inconditionnellement le GIEC s’étaient vus acculer à la défensive face à l’impact des révélations faites à la suite du climategate, à la découverte d’erreurs dans les rapports du GIEC et à la divulgation des conflits d’intérêts qui déstabilisent son président, Rajendra Pachauri. Un audit sévère sur le fonctionnement du GIEC, émanant du Conseil Interacadémique chargé par l’ONU d’enquêter sur cette institution, des rapports de la Royal Society britannique et de l’Académie des Sciences faisant état de nombreuses incertitudes dans le domaine de la climatologie, apportaient des arguments à ceux qui affirment qu’en matière de changement climatique, le débat est loin d’être clos.
Pourquoi cette vague alarmiste intervient-elle aujourd’hui ? Nous ne sommes plus qu’à trois semaines de la Conférence climatique qui se tiendra à Cancùn, du 29 novembre au 10 décembre 2010. Ce sommet, convenu à la suite de la décevante conférence de Copenhague (décembre 2009), avait pour objectif d’aboutir à un accord sur les limitations d’émissions de gaz à effet de serre à l’échelle globale.
Aujourd’hui, tous les participants s’accordent à dire que cet objectif ne pourra être atteint à Cancùn, qui ne constituera qu’une étape dans une négociation qu’on espère voir aboutir dans un an, à Johannesburg.
La conférence de Cancùn est-elle privée d’enjeu ? Que nenni !
Il est un sujet sur lequels nos médias sont relativement discrets, mais qui est d’importance. Faute de se chamailler sur les quotas de réduction d’émission, entre pays « développés » et pays « en développement », les discussions se focaliseront sur un projet de mise en place d’un fonds international destiné à financer l’effort des pays en voie de développement dans le domaine des énergies renouvelables et de la lutte contre l’effet de serre.
Dans ce projet, les pays développés se répartissent la charge de réunir chaque année, de 2013 à 2020, la somme de cent milliards de dollars, à verser à une cagnotte qui serait gérée par une institution internationale, type FMI ou Banque Mondiale, en vue du financement d’achats, par les pays en développement, de technologies telles qu’éoliennes, installations photovoltaïques, géothermie, et autres solutions améliorant l’efficacité énergétique ou neutralisant les émissions de gaz à effet de serre.
L’une des propositions les plus précises est celle
publiée par le FMI dans un bulletin (rédigé en français) du 25 mars 2010. Le FMI suggère aux états contributeurs une batterie de mesures alliant à un capital de départ de 120 milliards de dollars, un emprunt obligataire de mille milliards de dollars remboursable en trente ans (par nos enfants, entre autres, qui paieraient ainsi des cadeaux consentis par leurs parents de 2013 à 2020 !), et des bonifications compensées par des versements annuels des pays contributeurs qui, d’après le FMI, « devront vraisemblablement rechercher de nouvelles sources de recettes budgétaires à cet effet, y compris des taxes-carbone et le développement des échanges de droits d’émission (de carbone), ce qui prendra du temps. Dans l’intervalle, le Fonds vert pourrait couvrir ses besoins de bonification au moyen du produit des émissions obligataires, des revenus d’intérêts sur son capital de base ou d’autres systèmes novateurs de taxes internationales ».
Passons sur la curieuse sophistication du montage !
La part de l’Union européenne dans le financement serait de 30 ou 35 milliards par an. Mais déjà plusieurs pays d’Europe centrale, tels la Pologne et les Etats Baltes, ont fait savoir qu’il était surprenant de demander aux pauvres de l’Europe de contribuer au développement des pauvres des autres continents, et désignent les pays les plus prospères de l’Union européenne comme devant assumer seuls ce financement. Le poids reposerait donc essentiellement sur l’Allemagne, la France, la Royaume Uni, l’Autriche, les trois pays scandinaves de l’Union et le Benelux. On voit mal, en effet, la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et l’Italie mettre à contribution leurs finances exsangues pour cette noble cause.
Ainsi, une dizaine de pays européens ponctionneraient chaque année quelques centaines d’euros à chacun de ses contribuables.
Ces pays n’auraient plus la maîtrise de l’utilisation de cet argent, dont l’affectation serait dévolue au conseil d’administration d’un fonds international ad hoc, chapeauté par le FMI, la banque Mondiale…ou l’ONU. Cette saignée se traduirait par des points de croissance en moins, des pouvoirs d’achat rognés, un peu plus de chômage…
A qui profitera cet argent ? Incontestablement, les lobbies du business vert seront les premiers à aller expliquer aux décideurs des pays en développement comment utiliser au mieux le pactole. La filière éolienne en a bien besoin, car le marché européen s’essouffle : le gouvernement danois, prenant enfin conscience de l’inutilité de cette technologie, a gelé en 2009 son programme d’aides. Les populations s’opposent à de nombreux projets de fermes éoliennes dans leur voisinage, et les installations off-shore sont excessivement coûteuses (et peu productives). Le gouvernement allemand vient de prendre conscience qu’il avait versé 47 milliards d’euros de subventions pour des installations photovoltaïques qui n’assurent que 0,1% de la production nationale d’électricité. Le gouvernement espagnol met un frein à l’hémorragie financière que lui vaut l’énergie solaire. Dès lors, les pays en développement constituent un marché de substitution.
Le Fonds vert s’ajoutera aux aides actuellement existantes sous la forme du MDP ((Mécanisme de Développement Propre) mis en place par le Protocole de Kyoto. Le système permet à des affaires du monde occidental d’acquérir des crédits carbone en réalisant des investissements dans les pays en développement, afin d’y développer les énergies renouvelables, planter des forêts ou accroitre l’efficacité énergétique des entreprises et des bâtiments. Les dotations en crédits carbone sont partagées entre l’investisseur occidental et le bénéficiaire dans le pays en développement, et l’un et l’autre peuvent en tirer profit en les revendant via la bourse européenne du carbone, Bluenext. La Chine accapare le quart des fonds versés au titre du MDP, et son gouvernement taxe à 60% les bénéfices que les partenaires en retirent.
Nous avons déjà un aperçu de certaines méthodes utilisées pour exploiter ces MDP. C’est ainsi, par exemple, que des pays tels que la Chine (et d’autres)
créent des industries polluantes, pour ensuite y installer des systèmes de dépollution qui rapportent beaucoup plus que ce que coûte l’investissement : 50% des MDP en faveur de la Chine sont utilisés à détruire des gaz HFC 23 émis par des industries récemment implantées pour produire du gaz HCFC 22 utilisé en réfrigération. Le HFC 23 est un gaz dont l’effet de serre est 11700 fois supérieur à celui du CO2. L’astuce rapporte entre 100000 et 200000 euros par tonne de gaz HFC 23 détruite. Cette destruction, par simple incinération, est très peu coûteuse.
Le bénéfice atteint jusqu’à 70 fois l’investissement initial . Pour comble, une ONG révèle que
les fabricants de HCFC 22 dérèglent leurs installations pour maximiser…la quantité de HFC 23 à détruire ! Ce scandaleux effet pervers, révélé dès 2006, perdure aujourd’hui. L’ONU, chargée des certifications, déplore et cherche la parade, mais ne fait rien de concret pour mettre un terme à la gabegie.
Ce genre d’abus ne ferait qu’empirer avec le déversement de dollars provenant du Fonds vert. La Chine empocherait un gros paquet d’argent pour se couvrir des éoliennes dont elle est le plus gros producteur mondial, pour améliorer à bon compte le confort de ses bâtiments administratifs et commerciaux, pour financer les barrages hydrauliques qu’elle aurait n’importe comment construit sans cette aide. L’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, les pays d’Amérique latine feraient de même. Les pays africains prendraient leur part, et se doteraient d’équipements à l’utilité douteuse. Ces marchés permettraient à des acheteurs corrompus de faire prospérer leurs avoirs mis à l’abri dans des paradis fiscaux, et à des hommes d’affaires corrupteurs de vendre des solutions peu utiles aux pays concernés.
Les tractations financières de Cancùn seront commentées par les médias. Il faut donc rétablir la confiance des populations, très ébranlée aujourd’hui. On ne peut justifier d’engloutir cent milliards de dollars d’argent public, chaque année, en arguant d’une science qui serait incertaine. Les climato-sceptiques seront, bien entendu, particulièrement vigilants et dénonceront les dérives financières envisagées. Aussi, il est de bonne guerre de les discréditer par des campagnes de presse, de les présenter comme des affabulateurs, des malhonnêtes payés par les lobbies pétroliers.
Je doute qu’on parvienne à un accord sur le montant annuel envisagé de 100 milliards de dollars. Si la part européenne a été bien définie, il reste à obtenir l’accord des autres généreux donateurs.
Le Président Obama s’était rallié, à Copenhague, au principe de cette aide. Mais depuis, il n’a pas pu faire avancer sa législation « Clean Air Act », faute de l’accord du Sénat. Le Parti républicain est opposé à tout traité qui engagerait les Etats Unis sans que les grands pays émergents ne soient pareillement engagés. Aujourd’hui, il domine la Chambre des Représentants et il dispose du quorum suffisant, au Sénat, pour faire obstruction à tout projet de législation nouvelle et à toute affectation de budget fédéral qu’il n’approuve pas. L’état plus que préoccupant des finances publiques le motive à exiger des coupes budgétaires draconiennes. Enfin, les sénateurs républicains ne cessent de dénoncer, depuis plusieurs années, les conclusions du GIEC. Ils ont même l’intention de déclencher des enquêtes officielles sur les agissements des organismes scientifiques qui bénéficient de crédits publics et dont les recherches alimentent le GIEC. Il ne fait aucun doute que le Congrès s’opposera à des versements de fonds américains à un organe international qui disposerait de cet argent sans contrôle. Pour eux, aucune aide américaine ne devra être consentie à la Chine et à l’Inde, pas un dollar ne doit être donné à Chavez. Les républicains veulent choisir les pays bénéficiaires de l’aide américaine et ne braderont pas la souveraineté de leur pays.
La Russie et le Japon n’ont guère explicité leur position sur cette aide aux pays en développement. On les sent réticents sur tous les plans visant à lutter contre le changement climatique, mais en habiles joueurs, ils évitent de dévoiler leurs cartes. Il me parait évident qu’en l’absence d’adhésion des Etats Unis, ils ne souscriront pas au projet de Fonds vert.
Alors, les Européens seront-ils les seuls à mettre au pot ? J’aimerais pouvoir affirmer que non. Mais notre Union, tirée par ses locomotives Sarkozy, Merkel, Gordon Brown et aujourd’hui Cameron, nous a habitué à ces engagements unilatéraux, périlleux pour nos économies, et désastreux au plan tactique dans la négociation internationale.
Accepter de négocier des subsides aux pays en développement séparément des engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre est bien plus qu’une erreur. C’est une faute, un manquement aux intérêts des peuples qui ont élu ces dirigeants.
Car il restera, après Cancùn, à terminer cet interminable bras de fer en obtenant des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, etc., qu’ils s’engagent eux aussi à freiner leur développement par des limitations de leurs émissions. Ils ne l’accepteront pas, ni à Johannesburg, ni plus tard ailleurs. Et ils auront raison, car toute cette affaire politique de changement climatique, initiée en 1988, ne repose sur aucune certitude scientifique et montre toutes ses failles.
Dans mon livre, «
la Servitude Climatique », j’avais exposé tous les travers que le climategate a ensuite révélé. J’avais fait le pronostic de l’échec de Copenhague. Dans un article, j’avais prédit six semaines à l’avance le rejet de la taxe carbone française par le Conseil constitutionnel. Je me hasarde aujourd’hui à prévoir qu’aucun traité ne pourra être conclu pour succéder au Protocole de Kyoto, et que les émissions d’oxyde de carbone continueront à croitre tant qu’il restera des énergies fossiles à consommer.
Qu’adviendra-t-il alors de toute cette économie du carbone et des emplois verts ? Quelles querelles opposeront les adeptes du dogme climatique aux citoyens qui s’apercevront qu’on les a trompés depuis plus de vingt ans ? Quelles tensions génératrices de conflits observera-t-on entre pays du Nord et pays du Sud qui se rejetteront mutuellement la responsabilité de l’échec ? Quel gâchis !