L’effet de serre à l’aune de l’expérience de Robert Williams Wood
Bon nombre de climato-sceptiques ont pris l’habitude de se référer à l’expérience de R W Wood de 1909 en l’utilisant comme preuve de l’insignifiance voire de l’inexistence de l’effet de serre du au CO2 sur l’atmosphère terrestre. Il est tout à l’honneur des contradicteurs de convoquer une expertise extérieure venant d’une autorité pour appuyer leur démonstration, à condition toutefois d’expliciter le cadre invoqué ce qui est rarement le cas, d’essayer d’en déterminer les limites ce qui n’est jamais fait et de s’assurer qu’elle est fiable et actualisée ce qui n’est pas leur préoccupation.
Le but de cet article est démontrer que l’expérience de R W Wood n’est pas une réfutation de l’effet de serre.
Préambule
Bon nombre de climato-sceptiques ont pris l’habitude de se référer à l’expérience de R W Wood de 1909 en l’utilisant comme preuve de l’insignifiance voire de l’inexistence de l’effet de serre du au CO2 sur l’atmosphère terrestre. Il est tout à l’honneur des contradicteurs de convoquer une expertise extérieure venant d’une autorité pour appuyer leur démonstration, à condition toutefois d’expliciter le cadre invoqué ce qui est rarement le cas, d’essayer d’en déterminer les limites ce qui n’est jamais fait et de s’assurer qu’elle est fiable et actualisée ce qui n’est pas leur préoccupation.
Or il m’est apparu après analyse détaillée que d’une part l’expérience de R W Wood est assez simpliste par rapport aux conditions réelles de l’atmosphère terrestre et que les conclusions qui en sont tirées ne sont pas pertinentes pour ne pas dire abusives à cause d’erreurs méthodologiques corrélées à l’insuffisance des connaissances de l’époque. Ce constat qui peut paraître sévère n’est en aucune façon une critique du sérieux et de la sincérité de R W Wood tant il serait anachronique et injuste de le juger au regard des moyens et des connaissances actuelles.
Avant de présenter mes objections et critiques, je laisse d’abord à son auteur le soin de présenter lui-même son expérience et ses conclusions pour qu’enfin tous les lecteurs soient abreuvés à la source de l’information et non de son interprétation.
Description de son expérience et présentation des ses conclusions par Robert Williaws Wood
Selon une croyance répandue, les températures relativement élevées atteintes dans un espace fermé par un couvercle de verre, et exposé au rayonnement solaire, seraient le résultat d'une transformation de longueurs d'onde : les rayons solaires, capables de traverser le verre, s'arrêtent sur les parois de l'enceinte et en élèvent la température : l'énergie est alors réémise par les parois sous forme de radiations de plus grandes longueurs d'onde, qui ne peuvent pas traverser le verre : la serre agit donc comme un piège à rayonnement.
J'ai toujours émis des doutes sur l'importance de cet effet dans l'élévation de la température de la serre. Il me semble beaucoup plus probable que le rôle joué par le verre est d'empêcher la sortie d'air réchauffé par le sol dans l'enceinte. Si on ouvre les portes d'une serre un jour froid et venteux, le piégeage du rayonnement perd beaucoup de son efficacité. Par conséquent je pense qu'une serre faite d'un matériau transparent à toutes les longueurs d'onde montrerait une température presque aussi élevée que celle que l'on observe dans une serre de verre. L'écran de verre transparent permet au rayonnement solaire de chauffer le sol, et le sol réchauffe à son tour l'air, mais seulement la quantité d'air limitée à l'enceinte. Dans une serre ouverte, le sol est continuellement en contact avec l'air froid transporté par des courants de convection.
Pour résoudre ce problème, j'ai construit deux enceintes avec du carton noir, l'une avec un couvercle de verre, l'autre avec un couvercle de halite d'égale épaisseur. Un thermomètre a été insérée dans chaque enceinte et le dispositif a été emballé dans du coton, exceptés les couvercles transparents restants exposés. Une fois exposé au soleil, la température s'éleva graduellement jusqu'à 65°C, l'enceinte à couvercle de halite prenant une température un peu plus élevée que celle de l'enceinte en verre, dû à la transmission par la halite de radiations solaires des plus grandes longueurs d'onde, arrêtées par le verre. Afin d'éliminer cet effet, la lumière du soleil fut préalablement filtrée par une plaque de verre avant d'atteindre la halite.
Dans ces conditions, il n'y a plus qu'une différence de température d'à peine un degré entre les deux enceintes. La température maximale atteinte est d'environ 55°C. D'après le spectre de rayonnement d'un corps à 55°C, il est clair que le couvercle de halite est capable de transmettre pratiquement tout ce rayonnement, alors que le verre l'arrête entièrement. Ceci nous montre que la perte d'énergie par rayonnement du sol est très faible par rapport à la perte par convection, en d'autres termes que nous gagnons très peu par emprisonnement du rayonnement.
Est-il cependant nécessaire de s’intéresser aux rayonnements piégés pour déterminer la température d’une planète affectée par sa propre atmosphère ? Les rayons du soleil pénètrent l’atmosphère, réchauffent le sol qui à son tour réchauffe l’atmosphère par contact et courants de convection. La chaleur reçue est stockée dans l’atmosphère, reste ici à prendre en compte la très basse puissance de radiation d’un gaz. Il me semble très douteux que l’atmosphère ait un réchauffement supplémentaire en absorbant le rayonnement venant du sol, même dans les conditions les plus favorables.
Je ne prétends pas avoir été très loin sur ce sujet, et je publie cette note simplement pour attirer l’attention sur le fait que le rayonnement piégé apparaît jouer un très petit rôle dans les situations réelles avec lesquelles nous sommes familiers.
Professeur R. W. Wood, 1909
Remarques sur les limites de l’expérience
Dès le début, R W Wood précise que son objet est l’étude de l’effet de serre dans des enceintes fermées par un couvercle de verre, ni plus ni moins. A l’issue de ses conclusions qui sont criticables comme nous allons le voir plus loin, il se contente de suggérer sans l’affirmer qu’intuitivement il pense que ses résultats pourraient être applicables à l’atmosphère tout en reconnaissant qu’il n’a pas approfondi le sujet.
R W Wood n’a donc pas prétendu réfuter l’effet de serre atmosphérique mais simplement ouvert une nouvelle piste d’étude sans la traiter.
Toutefois, on peut remarquer qu’il est sceptique sur la possibilité d’un réchauffement de l’atmosphère induit par une absorption rayonnement venant du sol, ce que en quoi il se trompe lourdement car l’absorption d’un rayonnement par une molécule augmente son énergie donc sa température comme l’ont démontré Einstein, Planck et Bohr dans les années suivantes. Pour sa défense, on peut supposer qu'il ne le savait pas lors de la publication de son article.
Différence de conductivité thermique entre le verre et l’halite
Il est clairement précisé que l’épaisseur du couvercle est la même dans les deux dispositifs, mais les deux matériaux n’on pas la même conductivité thermique :
- Pour le verre elle est de 1W/M/K à 300°K
- Pour la halite (sel gemme) elle est de 0,07W/M/K à 315°K
Autrement dit le couvercle en halite conduit 10 fois moins bien la chaleur que le couvercle en verre et donc si l’effet de serre du aux infrarouges est négligeable alors une température plus élevée devrait être constatée pour la boîte recouverte par la halite. Malheureusement, ne connaissant pas la valeur de l’épaisseur du couvercle il n’est pas possible d’estimer cet écart de façon théorique. Toutefois l’absence de cette donnée et le fait que les épaisseurs de couvercle sont identiques prouvent la méconnaissance par R W Wood de la problématique de conductivité thermique.
Il n’en reste pas moins que R W Wood constate malgré tout un écart de température de 1°C entre les deux dispositifs en faveur d’un effet de serre qu’il estime faible et c’est son droit compte tenu de ses connaissances, mais qui est en réalité significatif puisque c’est l’inverse qui aurait du se produire compte tenu de ce qui a été dit précédemment.
Ecart entre le dispositif et le comportement de l’atmosphère terrestre
Du fait de l’isolation des différentes parois de l’enceinte, il est clair comme l’indique R W Wood que le transfert d’énergie de l’intérieur vers l’extérieur se fait au travers du couvercle par conduction et rayonnement et à l’environnement extérieur par convection et rayonnement
Le système terre, quand à lui, ne peut transmettre son énergie à l’espace que par rayonnement pour la simple et bonne raison que l’espace est vide. Ensuite, les deux modes de transfert d’énergie entre les différentes couches de l’atmosphère sont la convection et le rayonnement, car l’air qui est déjà un isolant thermique au niveau du sol l’est d’autant plus en altitude à mesure qu’il se raréfie et donc la conduction est négligeable. Enfin, la stratosphère qui est une couche située entre 10 et 50 km n’est pas soumise à la convection et ses turbulences, raison pour laquelle les avions de ligne l’empruntent systématiquement.
D’autre part, le premier niveau de l’atmosphère constitué par la troposphère est considéré comme opaque au rayonnement infrarouge du fait de sa densité, alors que le dispositif place le couvercle de verre opaque au second niveau du dispositif.
Autrement dit le dispositif de l’expérience tend à vouloir démontrer la prépondérance de la conduction au premier niveau et de la convection au second niveau par rapport au rayonnement infrarouge alors que la première est négligeable dans toute atmosphère et que la seconde n’opère pas au second niveau, tandis que pour le rayonnement infrarouge le dispositif est inversé par rapport à la disposition des couches de l’atmosphère terrestre. Ceci prouve que R W Wood ne connaissait pas le fonctionnement de l’atmosphère terrestre sans quoi il aurait mis en place un second vitrage en halite piégeant une couche d’air plus importante que celle du dessous pour rendre négligeable l’effet de convection de l’air extérieur, isoler la conduction due au couvercle et enfin simuler la diminution de l’opacité au rayonnement infrarouge dans la stratosphère.
Conclusions
L’expérience de R W Wood modélise quasiment de façon inversée le fonctionnement de l’atmosphère terrestre, ce qui je le rappelle n’était pas son but, et il ne tient pas compte de la différence de conductivité thermique entre le verre et la halite, par conséquent sa suggestion visant à réfuter l’effet de serre atmosphérique à partir de son expérience est totalement invalide.
Pire, elle ne réfute même pas l’effet de serre du à l’opacité du verre au rayonnement infrarouge à cause de la non prise en compte de l’écart de conductivité thermique entre les deux dispositifs, elle dit seulement qu’un matériau ayant un pouvoir d’isolation thermique plus élevé que le verre peut produire le même effet tout en étant transparent au rayonnement infrarouge.
Une expérience doit toujours être replacée dans son contexte c'est-à-dire ici son époque afin de s'assurer que des connaissances nouvelles ne l'ont pas invalidée entre temps, il faut ensuite porter une attention particulière à la méthodologie employée car elle oriente le résultat, et surtout elle doit être exploitée dans le cadre strict de son objet car en matière scientifique les extrapolations sont toujours hasardeuses.
Pour aller plus loin
Ceux qui souhaitent refaire une expérience permettant de discriminer l’effet de serre entre les deux dispositifs doivent seulement régler correctement l’épaisseur des couvercles afin d’obtenir une conductivité thermique identique.
Pour mieux simuler l’atmosphère terrestre il conviendrait d’ajouter au dispositif un second vitrage en halite pour éliminer l’effet de convection externe, mais dans cette configuration il sera préférable de faire l’expérience en posant les couvercles simultanément en fin de journée afin de limiter la température à l’intérieur des boîtes car elle risque d’être insoutenable à cause du double vitrage.
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