Anglais à l’Université : la langue qui cache la diversité de la forêt
L'anglais s'est imposé dans de nombreux domaines. La langue, toutes les langues, doivent permettre les échanges économiques et culturels. Pourquoi l'Université française favoriserait-elle l'anglais de manière centralisée ? Est-bien nécessaire ? Eléments de réflexion ouverte...
Une nouvelle "réforme" de l'université française s'avance. Ce jeudi 23 mai 2013, les députés ont adopté l'article 2 du projet de loi présenté par la ministre de l'enseignement supérieur, Genevière Fioraso. Cet article vise à introduire plus d'enseignement en langue anglaise dans les facultés françaises.
L'enseignement et la recherche en langue anglaise sont déjà réalité pour plusieurs centaines de cursus, comme le rappelle cet article des Echos. Les grandes écoles ont devancé ce mouvement vers l'anglais depuis longtemps. L'anglais - ou du moins une forme d'anglais - s'est imposé comme langue de travail dans de nombreux domaines.
Les campus français ont-il besoin de doper l'anglais ? Quelle place réserver aux autres langues européennes ? Quelles sont les alternatives ?
Le gouvernement met en avant l'attractivité de l'Université française pour les étudiants étrangers. Nous sommes dans un espace européen et mondialisé. Qu'on le veuille ou non. Mais l'anglais domine-t-il, de manière exclusive, tous les parcours étudiants ? La langue est-elle un critère de choix décisif pour s'inscrire à la fac ? Pas évident de répondre.
D'une manière générale, l'Université française devrait peut-être commencer par s'intéresser aux conditions d'entrée des étudiants dans ses murs.
Car un jeune qui ne maîtrise pas la lecture et l'écriture dans sa propre langue maternelle, ou qui connaît des difficultés à saisir immédiatement certains concepts et notions, n'aura qu'une chance infime de réussir des études supérieures. Ce n'est certainement pas le rôle de l'Université d'organiser des cours de rattrapage en langue (sauf pour les étudiants étrangers qui souhaitent se perfectionner en français, cela va de soi).
Ensuite, faut-il donner la priorité à l'anglais pour enseigner à l'Université ?
En Lorraine, par exemple, il serait plus judicieux de faire progresser l'allemand sur les campus de la région. Première langue en nombre de locuteurs en Europe, l'allemand est aussi la première langue de voisinage pour les Lorrains, recherché en priorité par les entreprises de la région pour leur développement et leurs relations commerciales. Près de 40% du commerce extérieur lorrain (voir ce document officiel) se réalise avec les voisins germanophones, et la langue du voisin est toujours un atout par rapport à l'anglais communément pratiqué.
Si l'on s'inscrit dans la mondialisation des études et des parcours de recherche, il serait encore plus utile de favoriser le mandarin, bien utile aux étudiants appelés à voyager pour vendre le "made in france" et l'influence de la culture française dans le monde.
Le centralisme de l'Etat, la décision, imposée par le haut, ne répondent pas aux exigences variables des situations "sur le terrain", selon la langue de bois très courue chez certains ministres amateurs de déplacements "en province".
Ecartons, enfin, la critique affolée des idolâtres de la francophonie, pour qui enseigner à l'Université dans tout autre langue que le français revient toujours à réduire "l'influence de notre langue dans le monde" (vieille antienne teintée de colonialisme).
Ce qui fait perdre de l'influence à notre langue, c'est surtout la manière dont elle est enseignée aujourd'hui aux plus jeunes enfants, c'est l'incompétence en langue française de certains professeurs eux-mêmes, c'est l'inattention portée au sens des mots, à la syntaxe, à la grammaire, à l'orthographe, dans tous les secteurs où la "communication médiatique" a supplanté la compréhension et l'intelligence de la langue.
La langue - la nôtre comme celle du voisin - est d'abord un moteur d'autonomie personnelle et de dialogue des cultures.
Renforcer, dès la maternelle, l'apprentissage de la langue française et des langues européennes voisines (l'italien en Rhône-Alpes, l'espagnol en Languedoc) apparaît au moins aussi urgent que d'instiller, uniformément, une dose d'anglais - soi-disant international - sur les bancs des universités françaises.
Un dernier mot pour ouvrir la réflexion sur un militantisme original : celui des promoteurs de l'esperanto. Cette langue a-nationale pourrait servir de langue de travail européenne et entrer, pourquoi pas, dans le champ universitaire à son tour. Certains y voient même un pont vers d'autres cultures du monde.
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