Italie : de la post Démocratie à la post Europe ? Le populisme sonne le glas
Même si les commentaires insisteront surtout sur la défaite de Mario Monti, l’énième retour de Berlusconi et la poussée protestataire de Beppe Grillo, les deux grandes perdantes du scrutin Italien demeurent l’Europe et la Démocratie. La sortie de l’Europe d’un tel pays entraînerait un double cataclysme, politique bien sûr, mais aussi économique avec une Italie comptant une dette voisinant avec les 2000 milliards d’euros. Aprés la Grèce, l'Italie ? Puis la France ? Qu’un ex humoriste soit la grande « révélation » de cette élection interroge sur l'état de la Démocratie, chose valable pour bien d’autres pays d’Europe marquant par un taux d’absention sans précédent ou des victoires par défaut. Après avoir vu un Pape se retirer avec un écho inattendu, l’Italie semble être cette fois-ci au bord d’une grave crise Institutionnelle aux répercussions plus globalement européennes. Ce pays ouvre t'il le bal du deuil annoncé de l'Europe ?
Alors qu’il menait sa sixième campagne, Silvio Berlusconi a pour le moins remporté la seule victoire qu’il escomptait en réalité, porter un coup fatal à l’Europe autant qu’à ses adversaires qu’il juge précisément trop inféodés aux exigences de Bruxelles. En un peu plus de deux mois, il a su relancer son parti en menant une de ses tournées médiatiques dont il reste un grand professionnel, dans son approche marketing du politique. Cet homme âgé battant tous les records d’audience dans la presse « people » au travers de nombreux scandales de mœurs, qui gouverna durant neuf années depuis 1994, parvient donc à se hisser à nouveau au statut d’alternative à des partis politiques que les Italiens exècrent de plus en plus. Des moeurs privés aux moeurs uniquement poltiiques, le peuple semble beaucoup plus exigent au niveau des seconds, à moins que tout cela ne reflète un état général. La France n'aura pas été épargnée par cette confusion. Par sa présence renouvelée dans les parlements, les risques financiers et judiciaires encourus par cet homme incarnant le populisme le plus vile se trouvent donc une fois encore contournés. Berlusconi interroge lui aussi la Démocratie.
S’agissant de populisme, le succès de Beppe Grillo recouvre ainsi un supplément assez pitoyable pour toute la classe politique italienne, et pareillement pour la Démocratie essuyant ici un pied de nez sans précédent dans un des pays les plus importants de la bien vieille Europe. En réunissant pas loin de 25 % des votants, le M5S serait en mesure d'envoyer plus d'une centaine d'élus à la Chambre et au Sénat. Après avoir essentiellement porté un discours assez classique de l’anti système agrémenté de l’exigence d’augmentations salariales infaisables, il déclarait incarner « une force extraordinaire » assurant vouloir faire « tout ce qu'il a dit ». Il excluait toute alliance avec les parlementaires du centre droit, affirmant que « remettre l'Italie entre les mains de Berlusconi, ne serait-ce que pour six mois ou un an, serait un crime contre la galaxie. ». Berlusconi et Grillo auront au moins su se rassembler dans une haine commune pour l’Euro, et l’Europe. Gardons que la Constitution actuelle Italienne fut établie au sortir des années de fascisme (et reformulée en 1990) dans une volonté de réduire tout excès de pouvoir, chose qui mena à un mode électoral conduisant souvent à une gouvernabilité pour le moins précaire. La menace d’un nouveau fascisme populiste ne peut plus être exclue. Oui, la Démocratie perd beaucoup d'elle même, de ses illusions, de plus en plus, et partout.
Sauf à voir le parti de Berlusconi et le PD constituer une grande coalition d’union nationale, la contrainte d’un retour aux urnes s’impose comme l’horizon politique le plus probable.
L’autre fait marquant de cette élection repose sur le type de campagne dans le rapport à la population. Comme dans d’autres pays d’Europe, les partis « de Gouvernement » n’auront pas été sans contourner souvent la confrontation directe à un peuple précisément écœuré par leur incompétence et corruption. A contrario, l'humoriste génois et ses partisans ont tout misé sur des réunions publiques dans les principales villes italiennes. Ils auront su notamment tirer un bénéfice électoraliste de l'affaire Monte dei Paschi di Siena, cette banque dont les pertes massives furent habilement dissimulées par des artifices sur des titres toxiques. Le centre gauche aura assurément payé très cher ses liens trop étroits avec l'établissement bancaire concerné. Beppe Grillo est pour le moins parvenu à fédérer la contestation croissante de toute une partie de la population frappée par la récession. Comme ailleurs, le non renouvellement de la classe politique fait peser de graves menaces sur la démocratie et les partis qui l’incarnent. Face à Grillo condensant en sa personne un mélange de Coluche et de Jean Marie Le Pen en version anarcho-troskyste, Berlusconi n’en demeure pas moins dangereux pour incarner une sorte de populisme « light ». Berlusconi est parvenu à banaliser l’outrance sous un supposé bon sens plein d’avenir. La IIe République née, au début des années 1990, sur les décombres du Parti communiste et de la démocratie chrétienne, sort en lambeau de ce scrutin.
Après avoir en un premier temps salué les bons scores de Bersani à la Chambre, les marchés ont été refroidis dans leur optimisme de part l’avance de Berlusconi au Sénat. L’euro est ainsi retombé à 1,31 dollar. Que la droite de Berlusconi gagne au Sénat grâce à son avance dans deux régions clés, la Lombardie et la Sicile, annonçait le retour tant redouté par certains. par le Sénat. Le marché marquait toute son inquiétude à Milan. La majorité des traiders pensera que « le parlement sera bloqué » selon l’un de leurs représentants interrogé par les médias. Le très bon score de Grillo, candidat « anti-système » aura aussi impressionné les marchés pour traduire autant une rébellion populaire consistante qu’une possible inflexion de la rigueur budgétaire initiée jusqu’alors par le grand perdant, Mario Monti, rassemblant moins de 10 % .
Le spectre d’une Italie ingouvernable et incapable de maintenir les réformes jugées nécessaires à la croissance inquiète aujourd’hui les marchés et investisseurs, d’où l’idée d’un « nouveau vote », lancée par Pier Luigi Bersani. Il reste qu’une telle hypothèse maintiendrait l’Italie dans l’incertitude avec la menace d’une plus grande radicalisation de l’électorat osant désormais se prononcer pour les votes les plus contestataires. Un nouveau vote ne pourrait que renforcer le retour jusqu’alors inconcevable de Berlusconi ? A l’image du parti de Gauche de Mélenchon ou de la Vague Bleue Marine, Grillo semble structurer un front appelé à se maintenir.
La coalition de centre-droit dirigée par Silvio Berlusconi passe ainsi en tête selon les derniers résultats. Selon les sondages de sortie des urnes, le parti de centre-droit aurait finalement obtenu 31,7 % des voix contre 29 % pour la gauche dirigée par Pier Luigi Bersani. Le « Mouvement 5 étoiles » du comique populaire Beppe Grillo apparu il y a un an à peine sur la « scène » remportant 25 % des voix. Rappelons que le parti Choix citoyen soutenu par Mario Monti, obtînt environ 8,5 % des voix.
Choix citoyen ? Alors que Pier Luigi Bersani achève un livre récent en affirmant que sa « grande aspiration est que l'Italie inverse sa route, que les jeunes retrouvent un espace pour construire leur avenir, que la justice, le civisme et la solidarité deviennent des valeurs recherchées », le peuple recouvrant une grande majorité de contestation et d’abstention parait animé par un tout autre état d’esprit que le sien. Le dirigeant du Parti démocrate (PD) succéderait d'ici au 15 avril à Mario Monti à la présidence du Conseil. Il pourrait avoir grand besoin du pragmatique qu’on lui reconnaît. Puisse le fait qu’après ses études de philosophie il ait soutenu une thèse consacrée au pape Grégoire le Grand ne lui porte pas malheur, le conduisant à jeter l’éponge avant terme comme Benoît 16.
Assez inconnu sur la scène internationale, Bersani faisait dernièrement une tournée des capitales européennes. François Hollande ne fut pas sans l’adouber en octobre dernier à l'Élysée. Le 7 février 2013 le même Bersani s'était rendu à Berlin pour rencontrer Angela Merkel. Ce double parrainage improbable reçu par Bersani s’inscrivait dans une Europe en phase déjà très critique. Le président Français s’y montrant désormais en première ligne, la France pourrait connaître prochainement des heures difficiles. Le Cabri de l’Europe évoqué jadis par le Général De Gaule va-t-il "sauter" de la façon la plus explosive qui soit ? Il n’est pas dit que majoritairement les peuples le redoutent vraiment, sauf à le souhaiter. De l’Europe ou de la Démocratie, l’une dans l’autre, gardons que la seconde reste prioritaire.
Guillaume Boucard
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