Chavez - Place au président à vie ! Aló Presidente
Dix-sept millions de Vénézuéliens étaient appelés aux urnes dimanche. « Chavez si ! », clamaient les pancartes en faveur du référendum. « Non à la réélection illimitée », clamaient d’autres pancartes, rejetant la demande d’amendement d’Hugo Chávez. Après avoir reçu 94,2% des résultats, l’option du oui a obtenu 54,36% des suffrages et l’option du non 45,63%, a annoncé, lors d’une brève conférence de presse, Tibisay Lucena, présidente du Conseil national électoral. Le oui a recueilli 6,3 millions de voix et le non cinq millions, tandis que l’abstention a atteint 32,9% des suffrages, selon des résultats partiels.
Le président vénézuélien Chávez ne visait rien de moins que faire adopter un amendement constitutionnel pour lever toute limitation du nombre de mandats, en d’autres mots, il veut les coudées franches pour se représenter éternellement. Il a réussi. « Il n’appartient pas au temps de défaire un président mais bien au peuple ». L’article 230 de la constitution actuelle n’autorisait que deux mandats électifs consécutifs. Chávez est parvenu à faire sauter ce boulon gênant de la constitution qui fera désormais que président, gouverneurs, maires et députés pourront être élus sans limite de mandat.
Vanessa Davies est en charge de la propagande et membre de la direction du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV). Elle résumait ainsi l’enjeu du référendum de dimanche : « C’est toutes nos conquêtes depuis dix ans qui sont en jeu, dans le domaine économique, politique et social ». L’issue du référendum restait très incertaine à l’ouverture du scrutin, dimanche matin. C’est pourquoi Chavez déclarait, quelque temps avant la tenue du référendum : « Tout le monde doit voter, qu’aucun honnête homme ne s’abstienne de voter pour le oui ».
Hugo Chávez aime le pouvoir. Il a été réélu en décembre 2006 avec 62 % des suffrages pour six ans. Il ne s’en cache plus. « Le dimanche, il est animateur de radio et de télévision [pour l’émission Aló Presidente]. Pendant ses loisirs, il est joueur de base-ball, chanteur et peintre. En tant que président du Venezuela, il est tour à tour civil et militaire. Et à partir du 27 janvier, Hugo Chávez sera également éditorialiste, trois fois par semaine, pour différents quotidiens de son pays », écrivait le quotidien espagnol El Païs, en janvier dernier, cité par le Courrier international.
Selon la constitution actuelle du pays, Hugo Chávez ne pouvait pas se présenter aux élections de 2012 et il aurait dû quitter la présidence au début de 2013. Il voulait faire sauter ce verrou pour mener à terme son socialisme du XXIème siècle. Il avait besoin de temps. Il aura beaucoup de temps. Chavez sait faire : il consulte. C’est la cinquième fois qu’il sonde le peuple par référendum depuis son arrivée au pouvoir.
Après avoir glissé son bulletin dans l’urne, Chávez déclarait, selon l’Express : « Mon destin politique se joue aujourd’hui. C’est important pour moi en tant qu’être humain et en tant que soldat engagé dans ce combat ». Le président vénézuélien avait, en janvier, reçu le soutien du Brésilien Lula pour qui la limite des mandats présidentiels est inexistante dans bien de pays européens ainsi qu’en Colombie.
Hugo Chávez inspire l’admiration et la détestation, la confiance et la suspicion, l’adhésion et le rejet. Ses airs fantasques, ses déclarations à l’emporte-pièce, ses frasques en font un président admiré ou détesté. Il résiste par monts et par vaux aux nombreuses tentatives de déstabilisation tant de l’opposition que des médias étrangers. Rappelez-vous cette déclaration à la soixante et unième assemblée des Nations-Unies, en 2006. Chavez déclare : « Le diable s’est introduit chez eux. Le diable, le diable lui-même, est dans leur maison. Et Hier, le diable est venu ici. Ici, le diable est entré. Juste ici ». Chavez parlait du président George W. Bush et il fait le signe de croix.
Avant Hugo Chavez, « ce peuple était à la dérive, l’argent rentrait et on ne voyait aucun résultat, maintenant il sert à aider les gens », déclarait à l’AFP, Ana Llamuca, une électrice de Caracas favorable au « oui ». Pour d’autres, autoriser Hugo Chavez à se maintenir à la tête de l’Etat, même par le biais d’une victoire à un nouveau scrutin, est dangereux. « Nous ne voulons pas que quiconque reste perpétuellement au pouvoir », soulignait Carmen Gilarte, 50 ans, en se plaignant auprès d’Associated Press, de la corruption au sein du gouvernement et de la criminalité. « Nous devons donner des chances à la prochaine génération », jugeait-elle.
La prochaine génération devra attendre.
Rappel. Le 1er décembre 2007, Chávez subit, par 51% des voix, un échec à une tentative de réforme qui portait sur soixante-neuf articles de la Constitution. La « dérive dictatoriale » d’Hugo Chávez était au cœur de la campagne de l’opposition. Chávez a balayé du revers de la main ce reproche. « Dix ans, ce n’est rien. Je ne sais pas de quoi ils se plaignent ». Pour illustrer son propos, Chávez, qui ne résiste à aucune audace, s’est comparé à Franklin Roosevelt qui avait été élu à quatre reprises à la Maison Blanche. Et Chávez avait prévenu qu’en cas de nouvel échec, rien ne l’empêcherait de mener une nouvelle tentative.
Cette fois encore, l’homme des grands meetings et des longues envolées oratoires, calqués sur le lider maximo, ironisait, avec succès, semble-t-il, ses opposants : « J’entends à l’instant un des leaders de l’opposition dire que Chávez va tout leur prendre, de leur petit vélo à leur maison. Eux, c’est mensonges, mensonges, mensonges. Nous c’est la vérité, la vérité, la vérité ». L’homme des grands meetings supporte, par contre, très mal la critique : Luis Herrero, eurodéputé espagnol du Parti populaire (PP, droite) a été expulsé vendredi soir du Venezuela après avoir publiquement traité le président Chávez de « dictateur » et mis en doute la fiabilité du processus électoral au Venezuela. Hugo Chávez « est une personne qui ne comprend pas les règles de la démocratie », a déclaré l’eurodéputé Herrero.
L’opposition a aussi tenu ses grandes manifestations. Manuel Rosales, ancien candidat de l’opposition à la présidence, constatait que derrière cette réforme, ainsi que l’a dit le président Chávez en personne, se cache l’amorce de ce qui serait un pays, un Etat doté d’un système castriste et communiste. Il s’en trouve même parmi les partisans de Chavez pour dire NON au président. Ce groupe se montrait réservé, selon Reuters, quant à l’opportunité de multiplier les mandats. Ainsi Emilio Negrin, leader de la puissante Union bolivarienne des étudiants (UBE, 25 000 affiliés) qui soutient pourtant l’action de Chávez, s’était prononcé contre la réforme constitutionnelle : « Nous sommes persuadés que tout processus révolutionnaire doit sublimer le personnalisme. En conséquence, nous appelons à voter non ».
Une heure avant la fermeture officielle des bureaux de vote, Chávez, qui ne craint pas la témérité de ses propos, déclarait que la victoire lui était acquise. « J’ai une foi renforcée concernant le résultat de dimanche. Ma confiance en la victoire est infiniment plus grande que le 1er décembre 2007 », déclarait Hugo Chávez.
Et la confiance du peuple ? Lors de sa prestation de serment, le 2 février 1999, Chávez s’était engagé, rappelle la Presse canadienne, à mettre en œuvre une révolution pacifique, à éradiquer la corruption, à libérer le Venezuela de sa dépendance envers le pétrole et à renouer avec les idéaux de Simon Bolivar, le héros de l’indépendance latino-américaine. Force est d’admettre qu’au cours des cinq dernières années, le pays, qui a tiré des bénéfices fabuleux du pétrole (90% des exportations), alimentant jusqu’à 70% du budget du Venezuela, neuvième producteur mondial, a consacré près de 85 milliards de dollars (68 milliards d’euros) aux programmes d’aide aux populations démunies. Que ce soit aux plans de l’alphabétisme, l’alimentation, l’habitat, l’ouverture de dispensaires, Hugo Chávez a voulu marquer par des gestes concrets la Révolution bolivarienne. Ces initiatives ont assis la grande popularité de Chávez auprès de larges couches de la population.
La richesse est bien éphémère.
Les élections régionales et municipales de 2008 ont été marquées par un recul du chavisme, qui a perdu trois Etats et la mairie de Caracas. Les partisans de Chávez ont cependant conservé 17 Etats sur 23, et gardé un avantage numérique (5,5 millions de voix contre 4,5 pour l’opposition).
Depuis le mois d’août dernier, le cours de l’or noir subit une chute dramatique. L’inflation a atteint 30 % en 2008 et la croissance a chuté, passant de 8,4 % en 2007 à 4,9 % un an plus tard. L’opposition évoque l’insécurité croissante dans le pays, que le président Chávez n’a pas su éradiquer, et où le taux d’homicide, 49 pour 100.000 habitants, est de plus en plus élevé, soit presque dix fois plus qu’aux Etats-Unis, selon des données de l’Observatoire de la violence au Venezuela.
(Sources : AFP, Associated Press, Courrier international, Presse canadienne, Reuters, El Pais, L’Express)
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