Droit de vote des étrangers : une promesse intenable
C’est une vieille promesse de la gauche que le candidat Hollande a dû reprendre sur la liste de ses soixante propositions de campagne. « J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans »[1]. Depuis une trentaine d’années, la promesse n’a jamais été tenue et ne risque pas davantage de l’être sous la présidence actuelle.
[1] Promesse n° 50, réf. http://www.parti-socialiste.fr/dossier/le-projet-de-francois-hollande
Nous sommes, en effet, rentrés dans le concret depuis que l’euphorie idéologique s’est volatilisée dès la fin du second tour de la présidentielle et l’entrée en fonction du nouveau Président. L’action politique est dès lors menée de façon pragmatique et, quelles que soient les promesses de campagne, il faut, par-dessus tout, regarder les choses en face.
La réalité, c’est que les socialistes sont en train de se trimballer avec un boulet qui va leur attirer trop d’ennuis inutiles, puisque le bénéfice politique de cette promesse est infiniment maigre. Les étrangers n’ont jamais fait du droit de vote une préoccupation majeure. Ils sont même peinés devant la crispation des Français qui vivent cette promesse comme une provocation idéologique alors que le pays a profondément besoin d’apaisement compte tenu du contexte économique et social.
Les préoccupations des étrangers sont d’une autre nature, et les Français les comprennent assez facilement. Ils demandent, comme les Français, des facilités au niveau des démarches administratives, que ce soit pour leur accorder des droits ou pour leur opposer un refus. Une réponse rapide et un accès facilité de l’usager à l’autorité administrative.
Ceux qui envisagent de devenir Français demandent un allègement de la procédure de naturalisation qui s’assimile actuellement à un parcours kafkaïen.
Et surtout, les étrangers en France, comme dans n’importe quel pays, tiennent à un minimum de discrétion sur leurs personnes et supportent difficilement d’être aussi souvent au cœur des polémiques politiciennes qui ne servent, au final, qu’à alimenter la stigmatisation.
Les choses sont donc parfaitement claires, et le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, n’a sûrement pas tort lorsqu’il répond aux 75 députés socialistes appelant à l’adoption de la loi que ce n’est pas une « revendication forte de la société française » et qu’elle risque de « provoquer des fractures »[1].
Eh bien oui. Ce n’est ni une priorité pour les Français, ni une priorité pour les étrangers. Cette promesse ne sera d’ailleurs jamais une priorité pour personne, sauf pour ceux qui essaient de se faire de la publicité en soulevant des sujets qui fâchent.
Dans ces conditions, le plus probable est que le gouvernement joue la montre. D’ici une semaine, on ne parlera plus du droit de vote des étrangers. Lorsque le sujet reviendra, l’agenda parlementaire aura été trop chargé pour engager un débat aussi difficile mais sans aucune retombée sur la situation économique et sociale des Français.
Si la question revient plus tard, avec insistance, ce qui est peu probable, la majorité de gauche pourra se contenter de « montrer » qu’elle tient à exécuter les promesses du candidat Hollande. Il faudra donc voter. Et c’est là que ça devient intéressant.
En effet, pour que les étrangers puissent avoir le droit de voter en France, il faut modifier l’article 3 de la constitution. C’est une procédure assez lourde qui exige tout d’abord le vote, dans les mêmes termes, d’un projet ou d’une proposition de loi constitutionnelle à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Il faudra ensuite recourir au référendum, ce qui n’est pas gagné compte tenu du caractère inflammatoire du débat référendaire.
Le Président peut aussi convoquer les deux chambres parlementaires au Congrès de Versailles. Le texte devra alors recueillir une majorité qualifiée de 3/5ème des suffrages exprimés (article 89), soit 555 parlementaires sur 925. Or, la gauche ne dispose, sur un tel sujet, que de 521 voix assurées. Elle devra alors solliciter les voix du Centre, en plus, ce qui n’est pas gagné d’avance. Le contexte politique aura évolué et la droite aura fini sa convalescence. Elle sera naturellement en alliance avec le Centre pour mener l’opposition à la majorité socialiste. Les chances d’attirer le Centre seront donc minces.
Face à la difficulté d’ordre purement juridique, la fin de l’histoire se lit comme dans un livre ouvert.
« Nous avons fait ce que nous avons pu, mais nous ne disposions pas d’une majorité suffisante pour faire adopter la loi ».
Bien sûr…
Boniface MUSAVULI
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