Il n’y a pas de démocratie sans justice
Près de 75% des salariés n’ont pas voté pour les élections prud’homales. Les salariés ont ainsi pris le risque de voir disparaître les "tribunaux des conflits du travail" que constituent les "Conseils de prud’hommes".
C’est aussi l’exception française que constitue cette juridiction qui risque de faire les frais de cette abstention massive rendant par ailleurs particulièrement inutile le tapage médiatique qui a accompagné au cours de l’année la suppression de certains Conseils.
L’organisation de la justice du travail en France n’a pas d’équivalent en Europe :
- Gratuite, elle permet à chacun de présenter l’objet de son litige sans le concours onéreux d’un avocat puisque le plaignant est assuré d’avoir dans la composition du bureau de jugement deux "défenseurs" de fait de son dossier ;
- C’est également une justice répartie sur le territoire dans un souci de proximité ;
- C’est une justice de conciliation qui permet de clore un litige en quinze jours si les parties trouvent un terrain d’entente
Les salariés sont sans doute restés sur l’idée qu’un conflit du travail n’arrive "qu’aux autres" : il est vrai que jusqu’à 2006, date des dernières statistiques disponibles, si chacun a quelques griefs à faire à son employeur, par contre, moins de 1% des salariés entamaient une procédure devant les prud’hommes.
Les familles ont donc rarement en leur sein des personnes qui ont eu recours à ce tribunal qui donne pourtant raison aux salariés dans plus de 70% des cas et c’est ,
comme on le voit dans le document en lien, ce qui occasionne de nombreuses attaques infondées contre l’institution.
Par ailleurs le terme même de "Conseil des prud’hommes" ne définit pas son objet qui est d’être un véritable "tribunal des conflits du travail" dont chaque jugement commence en ces termes : "au nom du peuple français" ...
La visibilité de la justice du travail est donc particulièrement limitée dans le corps social.
Reste que 25% des salariés ont dit leur attachement à l’institution. Ce constat pose clairement la question de la capacité de mobilisation des salariés en cette période d’adversité.
Ceux qui ont voté ont clairement radicalisé leur position en réduisant l’audience des syndicats à prééminence réformiste. Il n’est pas certain pour autant qu’ils aient la possibilité de devenir l’avant-garde d’une déferlante sociale.
Une audience de 25% ne fait pas un "grand soir" d’autant que la jeune génération demeure préservée des difficultés par la contribution des familles à leurs besoins.
Dans ces conditions le gouvernement peut être tenté de tachtériser les syndicats comme au Royaume Uni sans que cela n’occasionne le moindre mouvement de la société civile.
A minima, la stratégie d’évitement de tout dialogue social avec le monde du travail risque de perdurer : ainsi en a-t-il été de la décision administrative prise cet été de réduire les pensions des salariés bénéficiant d’un départ anticipé en retraite pour carrières longues ou, plus récemment, de la question du travail banalisé du dimanche.
Quand une génération au travail comporte 90% de salariés, aujourd’hui à 75% manifestement apathiques , il faut se demander comment une telle force peut se laisser ligoter.
Les contingences matérielles : consumérisme, poids des crédits avec son cortège de faillites personnelles participent sans doute au phénomène.
La question à se poser serait donc : quel modèle de société voulons-nous ? La réponse n’est pas claire puisque l’abstention record de ce scrutin compense largement la radicalisation de celles et ceux qui ont voté .
Des choix déterminants pour l’avenir sont faits en ce moment jour après jour. Si nous ne signifions pas à chaque étape nos priorités, nous risquons de voir émerger une société que nous n’aurons pas souhaitée.
Il n’y a pas de démocratie si l’on peut être privé de son emploi et donc de ses moyens de subsistance sans contestation possible.
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