Tandis que les socialistes nous l’ont joué démocratique, respectueux et presque transparent, sous la magistrale autorité de Monsieur H., magicien de stature internationale, tout semble réuni à droite pour que s’illustre une nouvelle fois la théorie du chaos. Ou du KO, comme on voudra. Car il n’y a plus de doute, les chiraquiens ont bien décidé de vendre très chèrement leur peau désormais. L’offensive est donc lancée. Ils n’ont plus le choix. Ils savent bien en effet que Sarkozy, s’il devait être élu, les passerait dans la pire des moulinettes, le plus affûté des hachoirs, la plus véloce des centrifugeuses et qu’il en sera fini de leur avenir politique. L’élection, que dis-je, le plébiscite de Marie-Ségolène a probablement servi de déclencheur. Pour plusieurs raisons. La première est qu’elle sera désormais à prendre avec le plus grand sérieux, comme la seule capable en effet de faire tomber Sarkozy. Car, comme elle l’a montré jusqu’à présent, plus elle improvise et révèle son incompétence et plus les Français, tout pleins d’une affectueuse sollicitude pour les grâces de la madone, tendent à la sanctifier. La seconde est qu’une fois au pouvoir, la révélation brutale des contours réels du personnage devrait produire un choc en retour susceptible de faciliter grandement les choses à un de Villepin qui s’établirait, après la chute éventuelle de Sarkozy, comme le seul candidat crédible à droite. D’autant que l’UMP, privée de son leader déchu, lui donnerait l’ opportunité d’un très confortable abri pour attendre cinq ans. Nous n’avons pas pleinement mesuré, encore, les effets du raccourcissement du mandat présidentiel. Sept ans, c’était très long s’il fallait attendre un tour de plus. Cinq ans, ça l’est beaucoup moins, d’autant qu’il s’agit plutôt de trois ans, s’ il convient d’organiser sérieusement une candidature.
Sarkozy élu, outre le hachage menu, ce sont cinq années sans aucun recours, aucune organisation, aucun abri où s’enterrer. Avec toutes les chances d’un deuxième mandat pour l’intéressé ou une alternance logique. Dix ans d’exclusion. Mettez-vous à la place des chiraquiens cinquantenaires qui d’ici six mois risquent d’en prendre pour dix ans... Ils feront tout pour échapper à l’édouardisation qui les menace et ont déjà préparé leur plan. Craignons le pire. Ils sont devenus ségoliens.
Le premier à monter au combat, ce fut probablement Debré. Debré a de la
mémoire. Il serait un mammouth s’il était socialiste. Ou un mameluk si
Chirac était Napoléon. Ce que même de Villepin, en connaisseur, ne
pense pas qu’il soit. Debré, quand Sarkozy ouvre la bouche, tire à vue
avant qu’il n’ait fini sa phrase. Quoi qu’il lui en coûte un jour,
Debré est l’indéfectible ennemi de l’ambitieux Nicolas. Mais depuis
son perchoir, il a beau tempêter et s’indigner, il n’y a rien qui
puisse sérieusement gêner la marche conquérente de l’intrus. Oui,
l’intrus, le faux-ami, l’illégitime, enfin, le balladurien.
De Villepin, lui, depuis le coup du CPE, s’est mis en plongée périscopique. Il sait bien que sauf miracle, il lui faudra passer son tour, cette fois. Quoique... sait-on jamais, l’histoire est pleine de rebondissements et d’imprévus que les plus clairvoyants ont su même parfois organiser... Pourquoi ne pas convaincre le Prince que lui seul peut renverser le cours des choses et empêcher l’imprécateur libéral de sonner l’heure de la rupture. Paris-Match a fourni l’opportunité d’un premier coup de trompe. La rédaction de Paris-Match a des comptes à régler avec Sarkozy. L’histoire de la page de couverture avec Cécilia et son fiancé jouant "Brève rencontre", Nicolas ne l’avait pas digérée du tout. Grosse migraine, brûlures d’estomac et d’amour propre. D’autant qu’il pensait savoir d’où venait le coup... Il exigea donc une intervention et l’obtint de son ami Arnaud Lagardère, la tête d’Alain Genestar, le patron de Paris-Match, qui ne se prive pas aujourd ’hui de faire savoir qu’il a négocié ses indemnités et de le dire à qui veut l’entendre, couvrant largement les dénégations innocentes de Sarkozy. Personne ne s’étonnera donc de voir ce bel hommage consacré à l’hôte de l’Elysée s’étaler dans les pages du journal pour son numéro 3000. Une semaine à l’ Elysée, par Laurence Masurel. Une manière pour la rédaction de Paris-Match de renvoyer l’ascenceur, en nous montrant un Chirac pétant de forme, premier dans son bureau le matin, dernier le soir à éteindre la lumière. Le président travaille, lui. Et Bernadette nous le confirme, innocente, "son mari est en pleine forme". Le Conseil constitutionnel ce sera pour "dans cinq ans". Tiens, tiens..
Le même Match nous montre également une Michèle Alliot-Marie au milieu de sa constellation de généraux étoilés , le regard altier : "Quand Michèle Alliot-Marie lève les yeux vers les sommets du pouvoir, ce n’est pas pour envisager une ascension par le versant famille et réalités quotidiennes... Elle regarde la paroi la plus abrupte : la voie de l’orgueil et de l’ambition. "
Tout cela nous fait du monde au pied de la montagne de Ségolène qui, vaillante en bonne chef de patrouille de jeannettes, a décidé qu’elle se mettait à l’écoute des Français jusqu’en janvier. Elle a raison, plus elle écoute et moins elle parle, et plus les sondages la propulsent vers les sommets.