Le consensus médiatique du non à la loi sur le génocide arménien
Nous sommes
fin septembre, l’année de l’Arménie
(« Arménie, mon amie ») est
lancée par le
déplacement de Jacques
Chirac à Erevan. Il affirme
que
Mi-octobre, les médias
se déchaînent contre la proposition
de loi permettant
de condamner pénalement les négationnistes sur le
territoire français.
Il est intéressant de se pencher sur cette schizophrénie médiatique. Quels sont
les arguments et quelle est leur
valeur ? Pourquoi un tel
revirement des médias
français ? Y a-t-il des contre-exemples ? Une tentative
de réponse -en décalage avec la majorité des
médias- pour décortiquer le phénomène.
Les
arguments sont nombreux, voici les principaux que l’on peut lire ou entendre
dans les médias.
Le premier d’entre eux est l’argument historique : on
parle de lois
mémorielles depuis la
loi sur la
colonisation et sur son
« rôle positif ». Depuis, on nous
répète à l’envi que
le Parlement ne doit pas légiférer sur
l’histoire, qu’il ne doit pas écrire l’histoire.
Le problème est ici un amalgame entre des faits très subjectifs (point de
vue métropolitain contre ex-colonies) et un fait génocidaire reconnu depuis longtemps,
grâce à des témoignages extérieurs, par
l’ONU, le Parlement européen, même par
Mais il y a là un chassé-croisé de l’actualité récente avec une
lutte corporative qui prend en otage une loi déjà partiellement adoptée.
Le second argument est l’argument de l’inutilité de cette
loi, puisqu’il y a déjà une loi
reconnaissant le génocide, de 2001. Or, cette loi est partielle.
Régulièrement,
en France, ont lieu profanations et provocations contre les Arméniens par des négationnistes,
brandissant des pancartes négationnistes et racistes.
A Valence : agression
autour d’un stand
A Lyon : les Loups gris
Il existe également de nombreux sites Internet
négationnistes.
Jacques Chirac a prétendu que la loi actuelle, qu’il
approuvait, et les textes du droit positif suffisaient à condamner les
négationnistes. C’est inexact. Il y a eu des procès contre des négationnistes du
génocide arménien (le consul de Turquie à Paris, Bernard Lewis,
Gilles Weinstein). Les tribunaux n’ont jamais
pu les punir. Et ceci en se fondant sur le fait qu’il y a un vide
juridique. On ne peut pas punir les négationnistes aujourd’hui, les textes reconnaissant
le génocide n’ont pas de volet pénal.
>> L’Affaire Bernard
Lewis
>> Procès
en appel contre le consul général de Turquie à Paris
Un autre argument avancé est que
Premièrement,
Deuxièmement, la loi française ne s’applique qu’en France. Elle complète une loi qui
est pour l’instant sans effet.
Par cette loi,
Les Français ne connaissent pas leur propre histoire, surtout quand elle
n’est pas enseignée :
L’argument de la
liberté d’expression est souvent répandu. Mais celle-ci a ses limites
: les propos racistes, antisémites, homophobes sont punis. Les négationnistes
de
On peut se demander s’il n’y a pas une concurrence des génocides, avec un argument comme "La Shoah,
ce n’est pas pareil", on en arrive aux extrêmes : le racisme pur et simple,
en se basant
sur une hiérarchie
non seulement entre génocides
et souffrances,
mais également entre êtres
humains.
L’argument diplomatique est fortement relayé : « Le but est de faire barrage à
La loi française, comme dit précédemment, ne touche que le territoire français.
On
affirme que cette loi va créer des tensions non seulement entre
Par cette loi, on veut seulement condamner les négationnistes sur le territoire français, pas les Turcs ni la Turquie.
De plus, les tensions, malheureusement, existent déjà :
La
Turquie a adopté une loi qui criminalise l’affirmation de génocide (article 301). Qu’elle soit sur
le chemin de la
réconciliation, c’est assez difficile à croire.
Il n’y a eu aucune levée de bouclier lors de l’adoption de cette loi, ni dans
l’UE, ni en
Le seul risque, ce sont les appels d’offre. La France est le
5e partenaire de la Turquie, emploie des Turcs, quand la Turquie ne représente
que 1% des exportations françaises. Si celle-ci boycotte les produits français
ou applique des sanctions, c’est plutôt elle qui en pâtira.
En Turquie, il est interdit de parler ou d’affirmer la
réalité du
génocide arménien, sous peine de poursuite pénale. Les Arméniens de Turquie et les Arméniens de la
diaspora ne sont pas les mêmes, ne peuvent pas être les mêmes,
car ils sont dans une société où il y un tabou arménien, jusque dans les manuels
scolaires. Il est même interdit de parler arménien. Ce texte vise avant tout
les Arméniens de la diaspora, vivant en France, et ne souhaitant pas la
transposition de la haine dans le pays des droits de l’homme.
Enfin, l’argument
électoraliste : les députés ont voté cette loi pour se garantir des voix de
Le lobby arménien est surtout un rêve, même si des associations existent. Et c’est
aussi oublier le lobby turc (cf. argument économique).
De plus, il y
a pourtant autant
d’Arméniens que
de Turcs (potentiellement mécontents de cette
loi) en France.
Tous les partis ont voté favorablement, que ce soit l’UMP, le PS, l’UDF,
même des Verts. Alors pour qui les Arméniens voteraient-ils ? De plus, la loi
qui a été adoptée était d’initiative PS mais l’UDF et l’UMP avaient déjà proposé
une loi allant dans le même sens.
Pour conclure, il est
admis que le génocide arménien a eu
lieu, et pourtant, certaines personnes se permettent de vandaliser des
monuments arméniens et d’inciter à la haine, en toute impunité, sur notre
territoire. Malgré tout, les journalistes véhiculent beaucoup d’arguments faciles à adopter, et largement repris. Tout le monde souhaitant pouvoir
paraître expert de la situation en donnant son avis les reprend, sans
forcément chercher à les sonder.
Le plus décevant, c’est que chacun de ces arguments défend un intérêt
particulier (Turquie, historiens, défenseurs purs et durs de la Shoah, journalistes,
économistes), sans relation avec les autres, mais renforçant chacun le rejet de
cette loi. Cela me rappelle un peu le référendum sur
Il me semble pourtant que cette loi vise à maintenir une cohésion sur notre
territoire. Cela ne vise pas la Turquie, ni même la communauté turque de
France, mais une minorité de gens, négationnistes et violents, qui violent le
pacte républicain.
Qu’on puisse critiquer cette loi est normal, mais un tel
consensus me paraît dangereux, pour la liberté d’expression justement.
En conclusion, un article
de Libération, un des
seuls allant dans le
sens positif envers cette loi :
Le négationnisme est un crime. Pour le punir il faut une loi.
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