Pour une autre histoire, pour notre histoire. Un pied-noir s’exprime sur la guerre d’Algérie
Réponse à un journaliste algérien
Monsieur,
Parce qu’aujourd’hui votre Nation a une position suffisamment forte sur la scène internationale pour qu’elle ait à entendre les reproches des autres pays, au nom de l’égalité, au nom de la légalité. Y renoncer serait outrageant, et pour vous et pour nous.
Suite à la lecture de votre plaidoyer contre la partialité des médias en France, ou plus précisément contre ladite émission présentée par France 2, l’envie me prend de vous répondre. C’est à la manière de Derrida qu’il faudrait procéder, décortiquer votre texte et chacun de vos arguments pas à pas, tant les décalages, les confusions de sens sont nombreuses et les contradictions volontaires et involontaires afin de servir votre cause. Considérant leur rôle à jouer, l’objectivité que vous souhaitez pour nos médias est tout à fait louable .Il est toutefois regrettable que vous ayez utilisé ce procédé fallacieux consistant à invoquer à tour de bras les manipulations télévisuelles alors que votre seule préoccupation assis sur votre cheval de bataille appelé FLN est votre croisade contre la mémoire des pieds noirs et des harkis et contre la Mémoire tout court. Vos interrogations sur le rôle des médias français est votre cheval de Troie. Un plaidoyer qui arbore plus ouvertement les couleurs de la revanche que n’a pu le faire un Benjamin Stora (à titre d’exemple) dans n’importe lequel de ses récits. L’objectivité n’est pas seulement affaire de photographies, de documents, de témoignages mais elle est aussi une affaire de regroupements des données, de leurs croisements et du « véhicule » utilisé afin d’atteindre une juste communication auprès du grand public. Au lieu de penser cette complexité, vous préférez rentrer droit dans le mur et contredire bec et ongles tous les arguments ou les procédés que vous avez pris pour une provocation ou de l’ignorance. En matière d’histoire, c’est le plus souvent de la mauvaise foi qu’il s’agit qu’un problème d’ignorance. Vous en êtes le parangon. Il aurait été préférable d’embrasser la démarche de la chaîne publique et dans le même temps souligner les erreurs commises par elle, ses omissions ou sa cupidité si vous le souhaitez. Le droit des autres est une concession faite par notre sentiment de puissance au sentiment de puissance de ces autres disait très justement Friedrich Nietzsche. Ces concessions faites ont dans tous les cas le mérite de nous faire entendre. Si dans le débat cette vertu est capitale elle est encore plus en affaires de diplomatie, et c’est d’ailleurs de cela qu’il a manqué durant cette affreuse guerre d’Algérie. Aujourd’hui encore, incapables de trouver un consensus, des explosions de bombes raisonnent toujours dans les crânes de nos intellectuels. C’est le Chaos.
Votre démarche doit être accueillie positivement si l’on considère qu’il n’y a point de liberté sans la liberté de blâmer, droit dont visiblement vous ne vous privez pas. Mais étrangement votre manière de faire m’a enlevé toute envie de critiquer, le temps de ma réponse, l’appareil d’Etat français .Vous m’avez privé de ce droit de critique à l’adresse de nos médias. Malgré leur « politically correct » désespérant, je me sens pousser une responsabilité mystérieuse de prendre leur défense le temps de ce courrier. Le sujet de la guerre d’Algérie est un sujet délicat certes, mais pas plus que les autres. Ici tous les belligérants sont clairement identifiés, leur responsabilité clairement définie et les documents à l’appui de la Vérité ne manquent pas. Bien qu’il faille continuer d’en parler pour ne pas oublier nos aïeux, tourner la page devient nécessaire. Il n’y a que la mauvaise foi des représentants (d’hier et d’aujourd’hui) des parties au conflit pour rendre floue la réalité des faits. Brouiller les pistes serait-il le seul moyen pour déchaîner les passions et donner à cette guerre une importance particulière qu’elle n’a pas ? Ma position jusqu’à aujourd’hui a été une position médiane. Le seul effort intellectuel auquel je m’oblige est de reconnaître la part de responsabilité de chacun dans ce conflit. Comment pourrait-on encore nier le rôle de libérateur du peuple que le FLN a su impulser ? Refuser une telle posture serait un déni complet du droit de TOUS les peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais comment est-il possible de fermer les yeux sur certains des crimes gratuits de ce même groupe armé dont votre peuple a également souffert ? Ce ne serait pas non plus très honnête. Garder le silence sur une réalité au profit de l’autre aurait pour conséquence douloureuse de décrédibiliser la thèse que vous défendez. Une analyse en deux colonnes est donc plus que nécessaire car d’abord il est impossible de faire une moyenne arithmétique entre le Bien et le Mal et de décider de la valeur moyenne de celui que l’on juge. Ensuite parce que qu’une vision Manichéenne et choisir entre le Bien et le Mal me paraît tout aussi dangereux sous peine de devenir borgne. Une analyse en deux colonnes est donc primordiale et utiliser nos deux hémisphères (droite et gauche et/ou Nord et Sud) pour présenter au public et de la manière la plus objective possible qu’il nous soit offerte, les évènements. Vous en conviendrez, cela changerait beaucoup la face des manuels scolaires des Aurès et de nos campagnes. Sachez que je suis prêt au même raisonnement avec l’OAS, tout en acceptant déjà l’idée que cette organisation a fait plus de Mal que de Bien. Cette position d’inspiration camusienne sous ses couleurs de neutralité est paradoxalement la plus engagée car clairvoyante et pacifiste. N’est-il pas d’ailleurs surprenant qu’un homme tel qu’Albert Camus, pour lequel le seul moyen d’exister est la révolte, choisisse une telle position de pacification ? Ne pas souhaiter voir se séparer Algériens et Français mais voir la haine disparaître entre les deux communautés fut la meilleure position de paix de la part d’un intellectuel. Et cette position ne vous convient pas au point de mettre un doigt sur le titre même de l’émission « la déchirure », car il vous rappelle les lamentations de Camus sur cette « Algérie déchirée ». La position qui est la vôtre est celle qui oblige encore Amnesty International à répertorier dans leurs rapports annuels tous les réfugiés politiques et autres exilés de ce monde.
Comme je vous le disais, la guerre d’Algérie n’a pas et ne doit pas avoir cette importance particulière que vous souhaitez de vos vœux pour la France. L’histoire de la France a « 2000 ans » et comme vous le savez l’Algérie n’a pas été son seul interlocuteur. La responsabilité, les échecs, les victoires, les échanges de notre pays concernent une majeure partie de notre monde et ceci au moins depuis l’Esprit des Lumières. Mais bien avant si l’on considère les croisades et le rôle majeur joué par nos navigateurs. Et puisque vous parlez des Gaulles, nos frontières remontent au début du premier millénaire. A ce titre, j’espère que vous pardonnerez aux français leurs quelques lacunes sur la guerre d’Algérie étant donné le nombre de dates et de personnages de l’histoire de France que nos chères petites têtes blondes ont a apprendre dès le plus jeune âge. Montrez à votre tour que l’Algérie n’est pas touchée par une sorte de fixisme historico-pathologique et que vous savez oublier 1954 ou 1962 au profit d’autres dates qui participent aussi de l’histoire de votre grand pays ! Pourquoi devrions-nous toujours nous exprimer sur la guerre d’Algérie devant un interlocuteur algérien et ne rien apprendre de lui sur les Ottomans d’Alger ou sur la dynastie de Fatimides ? A vous entendre, 1962 correspond à l’âge d’or de l’Algérie… Il n’a jamais été question dans cette émission de déclarer l’Algérie de Terre nulle ou de Terra Incognita comme vous le prétendez, ce pacte colonial n’aurait d’ailleurs pas été possible. Dire que votre peuple est passé d’une domination ottomane à une domination française n’est pas une insulte mais un seul rappel à la réalité historique. Néanmoins je comprends que vous attachiez autant d’importance à cette guerre qui aujourd’hui participe de manière substantielle de votre identité (à vous comprendre). Vous avez fait d’ailleurs du jour de l’indépendance votre « deuxième » fête nationale. « Une seule image a fait monter les larmes aux yeux de beaucoup d’Algériens (et cette capacité incroyable de l’omniprésence de votre regard !) : la levée de l’emblème national sur le fronton de Manhattan ». Ce sont vos mots. Comment aurait-elle pu aussi fièrement hisser son drapeau parmi ceux des autres membres de l’ONU si la France ne lui avait pas donné ce goût d’être une Nation, il serait tout simplement malhonnête de ne pas admettre que vous avez su avec brio retourner contre la France ses propres armes idéologiques et intellectuelles. Mais il n’y a aucun problème puisque ces armes ont été faites pour ça ! Si je disais le contraire, des hommes comme vous en France me reprocheraient mon politiquement correct. A qui devons-nous plaire ?
Par une certaine frustration non dissimulée vous prétendez que la presse et les médias français ne sont pas libres et vous évoquez : un documentaire plein de « déjà vu », un débat qui tourna au procès, une chaîne qui légitime des crimes, un plateau trié sur le volet … et j’en passe. C’est oublier l’état pitoyable de la liberté de la presse dans votre pays et une journée mondiale de cette même liberté encore marquée par le sit-it d’une centaine de journalistes à Alger devant la Maison de la Presse l’année dernière pour leur droit d’écrire et d’exister en tant que professionnels… Bref, de penser librement. Voici un témoignage du journaliste Faycal Metaoui de votre principal quotidien El Watan : « D’abord, il faut se débarrasser de l’autocensure et militer pour les droits socioprofessionnels des journalistes et pour le droit à l’expression libre non seulement en presse écrite mais aussi à la télé et à la radio qui demeurent contrôlées par le gouvernement ». Tout est dit. Vous ne serez donc pas étonné que l’Algérie est à la 122ième place selon un classement de reporters sans frontières 2011-2012, une place peu envieuse entre le Zimbabwe et le Tadjikistan. A ce titre, il est bien légitime de se demander si tous les spectateurs algériens espèrent un peu plus de partialité sur les programmes des chaînes françaises. Tout comme nous, les Algériens savent que Charité bien ordonnée… Alors de grâce ! Cessez de parler au nom du peuple que vous prétendez si bien connaître ! Je reprends à mon compte une formule un peu populiste mais qui a cette vertu d’être logique : Si vous n’aimez pas les programmes français, ne vous gênez pas pour éteindre la câble satellite ! »
Vous en appelez au procès de la colonisation mais l’histoire n’est pas un tribunal. De la colonisation il en a été maintes fois débattu au sein de nos institutions populaires. Selon notre Constitution lorsque le Parlement décide c’est le peuple qui a décidé. Ne voyez pas à l’endroit des français un peuple qui se laisse aussi facilement berné par les manipulations de nos médias, ce serait oublié trop vite 1789 et 1968. Ce n’est pas seulement contre des conquérants qu’il a fallu nous battre, mais aussi contre la logique contra-émancipatrice « Du pain et des jeux » de nos propres gouvernements. Il faut admettre que vos voisins tunisiens et égyptiens l’ont bien compris. A la lecture de votre lettre, on a le sentiment amer que pour vous la France n’a pas fait le deuil de son passé colonial. Mais cela est faux car notre pays a su grandir de ses propres erreurs et a su se remettre en question. C’est ainsi que les Nations s’arment contre les critiques des autres et qu’une civilisation peut devenir un exemple. Avez-vous eu sur votre territoire à vous prononcer sur une loi Gayssot, ou une loi Taubira ou une loi universelle sur un génocide commis hors de vos frontières ? Ou ne serait-ce alors que de l’hypocrisie la canonisation d’un Aymé Césaire au Panthéon. Ce sont les valeurs de la France. Quel est ce rapport malsain que vous faites avec la Libération de 1945 et le temps d’antenne que nos chaînes lui consacrent ? Cela est une autre histoire, certains survivants à cette Grande Guerre sont susceptibles de vous lire et d’être choqués par la brutale légèreté que vous acceptez de lui accorder. Pour reprendre votre champs lexical : ce n’est pas très fair-play ! Ce champ lexical de la boxe qui par ailleurs est déplacé dans la mesure où le combat est bel et bien fini depuis 50 ans maintenant et qu’il est temps pour certains de jeter l’éponge et accepter de commenter ce match avec plus de recul et moins de passion. Vous êtes en train de vous battre seul, plus aucun spectateur sous les lueurs de la guerre.
Il y avait beaucoup à conquérir et tout à construire en Algérie en 1830, vous qui lisez cette lettre dans vos locaux d’immeubles Haussmanniens. A la défense de l’aphorisme d’Aristote la nature a effectivement horreur du vide, mais une horreur bien partagée il me semble. Peut-être face à une telle détestation de cette présence française devriez-vous Monsieur commencer à détruire toutes les traces laissées par le conquérant, pour mieux reconstruire. Avec une telle position je ne me gênerai pas pour le faire.
Je souhaite rappeler à vos compatriotes algériens l’importance capitale de Messali Hadj et le rôle émancipateur pour votre Nation de cet homme au physique de prophète (désolé pour cette figuration mais le monde évolue) .Combien de Nations rêveraient d’avoir un Messali Hadj à honorer, à aimer ? Il y aurait beaucoup à dire : être prêt à frapper sur être humain aussi symbolique que lui pour mieux défendre une personne morale (au sens juridique du dernier terme) comme le FLN ce n’est pas vraiment une preuve de progrès et de reconnaissance. Il a eu le mérite de vouloir s’affranchir les premiers du joug français en déclarant : le peuple algérien qui est sous la domination française depuis un siècle n'a plus rien à attendre de la bonne volonté de l'impérialisme français pour améliorer notre sort mais certains apparatchiks ont préféré jouer la part belle des français « élite ». Car l’histoire de ce pays reste celle des algériens et des français journaliers souvent d’origine italienne, espagnole ou portugaise qui ont su faire pousser de leur propres mains le mil et le blé que mangeaient, et les intellectuels et les politiques et les colons (ceux que vous appelez les pieds-noirs élites) autour de la même table pendant des décennies. N’est pas Charles Peguy ou Jean-Paul Sartre qui veut …
En ce qui concerne les personnes meurtries par cette guerre que vous auriez souhaité voir participer autour de cette table, je vous donne raison et puisque le petit enfant estropié se serait senti un peu seul pour fêter cette Bar Mitzvah nous aurions pu inviter les ombres de ces 303 habitants musulmans du village de Melouza que le FLN a massacré sous prétexte qu’ils soutenaient un mouvement indépendantiste rival mais défendant la même cause ou alors ces notables musulmans qui avaient participé à l’administration de votre pays , enlevés et enfermés dans des camps tenus par des responsables du FLN, et les survivants sont peu nombreux, la plupart ayant été assassinés.( je vous épargne bien sûr le passage sur les harkis car vous me le reprocheriez)…Voilà la part la plus logique et philanthrope du FLN , comment pouvez-vous parler sereinement de déontologie et d’éthique et continuer à défendre un groupe de quarteron prêt à tout pour le pouvoir. Mais à vous entendre c’est le FLN que vous introniseriez au Panthéon, et Messali Hadj… sur le perron. Et comme je vous entends déjà vitupérer, je convierais aussi à ce festin les morts commis pour l’OAS qui est un groupe tout aussi voir plus inacceptable que le FLN et j’insisterai encore sur ce point.
Mais tout le monde en prend pour son grade. Ainsi que le capitalisme mondial dont visiblement les pays du Maghreb savent aujourd’hui et à raison en tirer profit pour le bien de tous. Votre article semble d’ailleurs avoir beaucoup plus d’impact sur Facebook (qui se prépare à rentrer en bourse au mois de Mai) que sur n’importe quel autre quotidien.
Dans ce reportage il n’était pas question de débattre sur le bien-fondé du colonialisme qui a été déjà mille fois débattu au sein des hémicycles de notre Parlement et autour de tables réunissant les meilleurs philosophes. Encore une fois l’historien n’est pas obligé et ne doit pas revêtir la zibeline du juge d’instruction pour parler de l’histoire de nos deux peuples. J’ajoute que le simple fait de devoir mettre autant de rage à défendre ses positions comme vous le faites prouve que les choses ne sont pas aussi évidentes que vous le prétendez. Si la vérité est aussi difficile à établir c’est qu’il y en a qu’une. Une seule entité peut prétendre la détenir : Dieu. Et dommage que vous citiez Louis Bertrand pour sa désinvolture alors qu’il faisait partie de ces écrivains qui chérissaient l’Algérie et son peuple, relisez : Ce que j'aperçus d'abord en Algérie", dira-t -il, "ce fut le labeur silencieux de la terre, les hommes qui la défrichaient, qui asséchaient les plaines marécageuses, qui semaient le blé, qui plantaient la vigne, qui bâtissaient des fermes, des villas, des villes entières, et qui s'acharnaient à ce labeur souvent ingrat, en dépit des hiboux qui en prédisaient l'inutilité, malgré l'insouciance ou la malveillance de la métropole, malgré les années de sécheresse et de mévente, où l'on était obligé de lâcher dans le ruisseau des flots de ce vin invendu qui avait tant coûté ». Doit-on reprocher à ces écrivains voyageurs d’avoir promu en ce début de siècle la Latinité de l’Afrique du Nord dans un tel contexte de nationalisme. Il serait plus courageux de s’en prendre aux véritables promoteurs de la colonisation, Jules Ferry par exemple et son discours civilisateur de 1885. Mais vous n’ignorez pas que vos reproches feraient également « Pschitt » si vous jetiez l’opprobre sur un homme aussi populaire que lui en France. Alors vous préférez vous réfugier derrière l’anonymat d’un écrivain tombé dans l’oubli sans prendre le risque de toucher à un point sensible.
En réponse à un de vos étonnements : Oui les pieds-noirs étaient de modestes et honnêtes travailleurs, ne vous en déplaise Monsieur et sous les pavés point de plage ! …Ces plages n’étaient accessibles qu’à ceux vivant à proximité du littoral, point de sable doré pour celles et ceux vivant à l’intérieur des terres qu’il fallait faire prospérer et qui n’avaient pas les moyens techniques ni financiers de se faire « un week-end » au bord de mer. Vous ignorez cette masse d’Européens qui ne savait rien des enjeux politiques, plus préoccupée par la fertilité des terres Algériennes que par la versatilité de l’Opinion (avec un grand O et interprétez ce signe comme vous le voulez), ces classes populaires qui n'avaient jamais lu Messali Hadj, ni Ferhat Abass, ni entendu Lyautey au Maroc en 1925, ni De Gaulle à Brazzaville en 1944. Ils avaient à peine le niveau du certificat d'études, parfois moins, aucune maturité politique. Leurs ancêtres étaient arrivés d'Europe, parce qu'ils crevaient de faim. L'état Français était heureux de pouvoir peupler l'Algérie à peu de frais avec ces " va nu-savates". Et vous, vous prétendez avoir été un « va nu-babouches » ? La masse de ces gens n'a jamais reçu de l'Etat Français une terre. C'était pour la plupart des ouvriers agricoles. En 1889 les enfants d'Européens nés en Algérie ont été naturalisés Français. L'état Français a pu utiliser ces hommes, avec les Algériens dans les deux conflits mondiaux à discrétion. La France n'avait jamais dit aux Européens qu'ils étaient de passage sur la terre Algérienne.
Les pieds-noirs pensaient qu’ils étaient là pour l'éternité, puisque nés là et partie prenante de l'activité du pays. Monsieur, cette guerre n’a jamais été une guerre ethnique, ni religieuse, ni civilisationnelle, ni phrénologique à la manière d’un Frechner ou d’un Gobineau. Cette guerre est une guerre de statut social, de classe sociale favorisée par un panurgisme populaire et révolutionnaire distillé et encouragé par des guerriers de chambre, comme vous. Le peuple dont vous ne semblez pas faire partie suit toujours la tendance du stylo. Et il finit par prendre le fusil. Je ne pense pas en ce qui vous concerne que vous ayez attendu 1962 pour commencer à maîtriser aussi bien la langue de Molière.
La chose la plus horrible consiste à nier la souffrance de l’un pour excuser ou évoquer la souffrance de l’autre. C’est ce que je j’appelle le paroxysme de la victimisation ou victimisation active, succès populaire dont vous savez en tirer partie, et vous le faites constamment en minorant le cas des Harkis et leurs blessures (ou Leur Blessure). Il n’y a pas de choix à faire Monsieur comme sur un marché entre des pommes et des figues de Barbarie. Mais il faut savoir embrasser ce Mal commun qui a traversé des hommes et des femmes dans leur chair : les Algériens en premier lieu, les Pieds-Noirs, les Harkis, et dans une certaine mesure celles et ceux du FLN qui ont combattu au dépens de leur propre vie et dans la réelle croyance de rendre à son peuple cette liberté sacrée.
Peut-être que si France 2 a préféré ne pas parler de ces enfumades, des défenestrations ou des fours à chaux c’est pour garder une certaine pudeur et de ne pas avoir à évoquer, par souci de parité, la méthode des castrations (méthode purement FLNique). Dommage que vous ayez la mémoire courte et que vous ayez déjà oublié cette émission diffusée pour la première fois sur France 2 en 2007, à votre avantage (Infrarouge : La bataille d’Alger) qui a donné la parole à ces fameuse poseuses de bombes du FLN. Imaginez, parmi les pieds-noirs et les français combien cette position d’une chaîne publique française a pu faire couler d’encre… Pour eux leur donner la parole se résumait à l’apologie du crime et à l’amnistie de ces femmes. Pour ma part ce reportage me semblait de bon aloi car il avait la couleur du Juste. Si l’histoire n’est pas un tribunal, elle doit quand même préférer le contradictoire à l’inquisitoire. Vos chaînes de télévision sont-elles prêtes à autant d’ouverture, de remise en question ? J’en doute étant donné le régime politique que vous subissez loin de la France aujourd’hui. (Mais peut-être en êtes-vous partie prenante) Je vous invite à lire cet article du Monde du 23 février 2012 Par Pierre-Henri Tavoillot, président du Collège de philosophie que je cite sur ce point : « L'Occident n'a jamais laissé aux autres le soin de le dénoncer. Et ce parcours fut balisé par la haine de soi, le sanglot de l'homme blanc, le débat sur la comparaison des civilisations, voire la culpabilité. Tels sont les traits caractéristiques de notre univers spirituel. Ils fonctionnent pour le meilleur comme pour le pire ! Le meilleur, c'est l'autoréflexion, la distance critique, le doute, l'intérêt aussi pour les autres civilisations qu'il s'agit de connaître, comprendre, préserver ; le pire, c'est quand la critique n'accepte plus la critique ; c'est quand le doute refuse d'être mis en doute... » On n’est pas obligé d’accepter l’intégralité de sa position sur les Civilisations mais on peut admettre ou discuter cette idée qui n’est pas si mauvaise. Je crois que s’offrir la possibilité du doute (B-A BA de nos philosophie depuis l’Antiquité) c’est s’offrir la crédibilité et le droit de voir. Se débarrasser de ses propres « structures mentales », préalable indispensable à toute posture existentialiste puisque vous évoquez si souvent Jean-Paul Sartre.
Vous jetez pêle-mêle à la figure de la France des camps de concentration de Larzac, des Verdun et des Monté Cassino en les sortant de leur contexte historique que ça fait froid dans le dos par l’illogisme de ce procédé « intellectuel ». Mais combien nécessaire à confirmer la thèse de la « banalité du mal » que vous porter fièrement comme un étendard, et dans l’irrespect de ces millions d’âmes mortes sur les champs de bataille pour la liberté de notre jeunesse mais aussi de la vôtre qui choisit aujourd’hui la France comme terre d’accueil pour la liberté qu’elle a su préserver. Ma position face à la vôtre ne m’aveugle pas et je garde pour Ahmed Zabana, Hassiba Ben Bouali, Didouche Mourad (Si Abdelkader !), l’Emir AbdelKader et Messali Hadj un profond respect à ces héros nationaux et universels. Mais pour vous les soldats de nos deux Guerres qui se sont battus aussi pour la Liberté ne sont que de « la chair à canons » car ils ne sont pas les soldats de votre guerre.
Quant à l’évocation d’une économie de traite, c’est un amalgame qui n’est plus permis et se passe de commentaire. Je vous renvoie à vos propre cours et principalement le passage relatant la responsabilité des pays d’Afrique du Nord dans l’esclavage.
Votre logique de « qui a fait le premier quoi » n’est pas prêt de faire avancer le schmilblick et c’est oublier que l’évènement n’est pas seulement celui capté par l’œil humain ou par la caméra mais qu’il a aussi des causes plus profondes souvent inscrites dans les cœurs humains. Il semble que vous voyez ce que vous voulez voir, et c’est là tout le problème. Rien de macabre ni de stratégique et je suis pourtant un observateur attentif et impartial. Vous continuez à voir en l’histoire un champ de bataille ou un ring sur lequel le sang doit encore couler.
Quant à l’évocation de l’école israélienne (le Maître) comme d’un fer de lance contre les pays du Nord – un poncif qui commence à s’user- souvenez vous des leçons de vie de votre président Abdelaziz Bouteflika « Si j'ai un malade qui agonise à la maison, que j'ai besoin d'un médicament, que tous les pharmaciens sont fermés, sauf l'Israélien, je ne sais pas ce que vous faites, mais moi, j'achète » En effet , L’Algérie a aujourd’hui pour principal fournisseur Israël en produits pharmaceutiques , c’est dire combien il faut garder une santé de fer pour venir reprocher aux français leur politique pro-israélienne. Etant donné votre contexte économique actuel j’espère que vous n’aurez rien à redire des contrats commerciaux passés entre la France et la Chine. Vous avez un adage qui me plaît : Le clan d'Oujda vole avec les voleurs, pleurnichent avec les volés. La culture du clan d’Oujda que pratique Bouteflika n’est plus à faire. Un Bouteflika qui invite Enrico Macias en Algérie pour favoriser l’ouverture à l’égard des juifs, un Bouteflika qui rend visite secrètement à Danny Yatom conseillé aux affaires de sécurité d'Houd Barak premier ministre israélien etc. En France, on a aussi un dicton : chacun voit midi à sa porte. En tout les cas, ce qui est sûr, c’est que nous avons quelque chose en commun : le Maître !
C’est effectivement les yeux bandés qu’il faut aborder cette guerre comme toutes les autres, apprenez de Thémis qui incarne dans un but de justice la force morale et l’impartialité. Je m’interroge alors vivement sur le parterre de personnalités que vous auriez jugé bon d’inviter pour discuter de tout cela. Redha Malek ? N’est-il pas celui que nombreux d’entre vous intellectuels avez accusé d’avoir traîné l’Algérie dans cette guerre civile sanglante des années 90’s ? Le simple fait d’avoir été militant du FLN suffirait-il à oublier ses frasques meurtrières ? C’est sûr qu’avec un tel raisonnement en France, on risquerait un jour de voir notre Sauveur Pétain intronisé au Quartier Latin et au frontispice de sa nouvelle demeure : « Aux grands hommes ». Jacques Verges ? J’espère alors qu’il ne serait pas venu sans sa « Lettre ouverte à des amis algériens devenus tortionnaires ». Djamila Bouhired ? Cette ancienne militante du FLN que votre gouvernement a laissé végéter avec sa petite pension de guerre et sa maladie ? Elle a été obligée de supplier votre président dans une lettre ouverte pour que l’Algérie vienne en aide à une ancienne combattante pour la Liberté. « Avec mes sentiments patriotiques »… termine-t-elle sa lettre… Commencer par demander des comptes à votre gouvernement au lieu de vous acharnez ainsi sur les medias français. Roland Dumas ? Voulez-vous plaisanter ? Pourquoi ne pas faire intervenir Dieudonné pour le côté comique de la situation et d’autres personnages avec qui il aime tant à se faire prendre en photo : Bruno Golnish, Alain Soral , les le Pen ou Louis Aliot ? Je suis étonné qu’un défenseur du peuple comme vous puisse espérer la participation à une telle émission d’un homme qui conteste la victoire d’Alassane Ouattara au profit d’un président sortant qui a dépouillé son peuple. D’un homme à l’esprit capitaliste ravageur.
Pour vous en prendre finalement à l’émission Bibliothèque Médicis, magnifique concept et qui est plébiscité par un grand nombre de français. Mais quelles sont vos références ? Se trouvent-elles parmi vos propres émissions algériennes ? Lorsque vous remettez en cause la crédibilité de nos médias c’est à l’intelligence du peuple français que vous parlez.
Et le 27 Mars dernier un film de Malek Bensmail intitulée très maladroitement : « Les guerre secrètes du FLN en France ». Et au nombre de ces invités, 80 pour cent anciens du FLN. Je vous l’accorde, et n’y voyez que du cynisme, il n’aurait pas fallu inviter la fille de Messali Hadj qui bien entendu n’a pas son mot à dire dans un tel programme. Mais qu’entend-on de la bouche de ceux qui ont combattu pour le FLN ? Que finalement la guerre fratricide entre le MNA (héritier direct du MTLD) et le FLN n’est qu’une guerre de position et de sens que chacun a envie de donner à l’histoire. Des préoccupations purement indépendantistes, point… Peut-être faudrait-il relire la leçon d’Ernest Renan « Qu’est qu’une Nation » ? Une nation est une âme, un principe spirituel, la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; un consentement actuel et le désir de vivre ensemble. Mais rien de tout ça n’est apparu à travers les chamailleries sanglantes des deux groupes plutôt préoccupés par les traces qu’ils laisseront dans l’histoire. Les uns n’étaient plus messalistes depuis longtemps et les autres rêvaient de le devenir… Le goût du pouvoir imposait déjà son diktat. A cela s’ajoute l’ordre du Comité de Coordination et d’Exécution du FLN : « décapiter le MNA et tuer les responsables » … le contraire aurait été plus juste. Et toutes les prises d’otages physiques et morales que le FLN a imposées à sa population pour cette fameuse « contribution » : une cotisation-racket qui devaient être versée au risque d’être abattu au titre de collaboration avec l’ennemi. Affligeant témoignage de Mohamed Harbi qui parle de mœurs policières installées dans cette organisation (doux euphémisme mais c’est à pour cette raison qu’il est parti) et de cette fameuse adhésion volontaire qui était loin d’être la principale préoccupation du FLN. Enfin ce moment de lucidité extraordinaire de Salima Bouaziz , ancien agent de liaison du FLN, qui savait très bien à l’époque, ainsi que ses compagnons de route, que le FLN ne pouvait pas gagner la guerre contre une grande puissance mondiale telle que la France avec les armes… Pas facile de nos jours de trouver de bons avocats du FLN.
L’Algérie est devenue indépendante par la bonne volonté de certains, du côté algérien et du côté français. Et désolé de vous décevoir mais la France ne voit pas en l’Algérie une colonie éternelle. La France et l’Algérie sont devenues amies, tout simplement. Depuis de nombreuses années maintenant nos deux peuples se tiennent la main pour marcher vers un peu plus de fraternité. Si vous ne le remarquez pas maintenant vous risquerez pour toujours de passer à côté de l’une de nos plus belles pages de notre histoire commune. Comme vous avez manqué dans le passé l’essentiel de cette aventure humaine, cette sueur sous les burnous que les européens ont partagé avec les algériens, ces poignées de mains, ces embrassades, ces petits trocs de tous les jours, ces amitiés indéfectibles entre les deux peuples mais surtout ces pleurs échangés au jour de « la déchirure »…. Et si certains doutent de cela, qu’ils se taisent à jamais. Enfin ne croyez jamais qu’il est plus facile aujourd’hui qu’hier de frapper sur les français. Le contexte actuel pourrait vous le faire penser mais c’est un leurre.
Heureusement que votre « Guerre-des-Gaulles-Histoire écrite par les vainqueurs » reste une exception et que votre conception étriquée de l’histoire écrite à une seule main ne fasse pas Ecole, car celle-ci resterait à coup sûr dans les Annales ! Si vous n’avez lu que des récits écrits par des vainqueurs alors je comprends votre vision monochrome de ce monde. L’histoire n’est pas écrite Monsieur mais elle est faite par des vainqueurs et des vaincus. C’est pour cette raison d’ailleurs que le dialogue est possible entre les deux parties. Ou préféreriez-vous peut-être un monologue à votre avantage et tout le monde vous écouterait sans objecter, Algériens et Français, ainsi que ceux dont vous bafouez la mémoire. Mais cela n’est pas possible Monsieur. La Vérité sur cette guerre n’existe pas parce que vous avez décidé d’en parler à votre convenance selon vos propres lois-habitus. Mais elle existe parce qu’elle fut. Les seuls qui pourraient prétendre en parler sont morts car à entendre des témoignages des vivants, seuls les morts sont honnêtes. Vous précisez être écrivain et journaliste, laissez alors aux historiens le soin de conter l’histoire et aux juges celui de la juger. Et donc à ce titre, puisque vous parliez du Bon Dieu en début de votre lettre et de César en toute fin, vous devriez comprendre aisément qu’il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.
NB 1 Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts , Isaac Newton
NB 2 Vous saluerez en ce droit de réponse la liberté de penser qui semble si chère à vos yeux. Mais ma liberté je l’ai acquise en acceptant de lire d’une main « Les thèses d’Avril » et de l’autre le « Livre Noir du communisme », d’un œil Malek Bennabi et de l’autre Mohammed Harbi.
NB 3 : Je me refuse à toute vision manichéenne pour ne pas avoir à faire de choix entre le Bien et le Mal. Valeurs par trop subjectives.
NB 4 : Je refuse de parler de l’OAS car elle fut la chose la plus abjecte de cette guerre. Le FLN (et seulement dans l’esprit de certains) a eu le mérite de se battre pour un idéal.
NB 5 : Et si demain un français attaquait vos médias algériens pour les mêmes motifs, alors je reprendrai ma plume.
A bon entendeur.
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