L’identité réelle de Jésus (partie I)
Dans cette première partie, nous allons brièvement décrire les tendance du Judaïsme au début de l'ère chrétienne, et résumer les impossibilités chronologiques des évangiles
Dans la seconde partie, nous montrerons les strates rédactionnelles des évangiles, et montrerons que les textes qui servirent à les composer sont une Vie de Bannous composée par Flavius Josèphe, une doxographie essénienne (le paroles de Jésus), et des paraboles, peut-être composées par Hermas.
LES ÉVANGILES SONT DES FAUX
Cette affirmation peut apparaître choquante pour de nombreuses personnes, pourtant elle résume parfaitement notre pensée. Nous allons vous proposer une série d’articles en présentation de notre livre Jésus Un mythe aux sources multiples (http://www.amazon.fr/Jésus-mythe-aux-sources-multiples/dp/2805300203/ref), des lesquels nous proposerons de solution aux innombrables problèmes textuels du Nouveau Testament.
Jésus n’a pas existé, mais est-ce que pour autant tout le christianisme serait faux… Non.
Il faut distinguer trois éléments du problème :
- Le Jésus que prie les chrétiens ;
- Le Jésus dont la vie est racontée dans les évangiles ;
- La personnalité réelle derrière la narration évangélique.
Le « Jésus » auxquels les chrétiens croient et qu’ils prient est le LOGOS de Dieu ! Le mot grec logos que les catholiques traduisent par « Verbe » et les protestants par « paroles » ne rendent pas le sens du mot. Le mot provient de la philosophie stoïcienne et désigne chez ces derniers Dieu. Philon d’Alexandrie (né vers –15, mort vers 50) a repris leur terminologie mais en la modifiant en profondeur. Le Logos de Philon fut ce qui permit au judaïsme d’entrer en concurrence avec la philosophie grecque. Les stoïciens accusèrent le Judaïsme d’être une fausse religion, parce que Dieu intervenait directement dans l’histoire du monde. Il faut savoir que le Dieu du stoïcisme ne fait rien ; sa transcendance radicale le rend inapte à une activité dans notre monde, son activité est donc abandonnée au logoï (pluriel de logos) qui sont chargés d’organiser l’univers. Ces logoï, qui correspondent aux dieux du paganisme, représentent l’activité immanente du Dieu transcendant. Philon retournera leur philosophie contre eux en affirmant que le Dieu de la Bible est véritable et en montrant que le Dieu de la Bible est transcendant mais que son principe d’activité dans le cosmos est régi par le logos unique, qu’il appelle « Fils de Dieu », « archange de Dieu » et même une fois « deutéro-Dieu », c’est-à-dire « le deuxième dieu ». Philon réussira, à travers son œuvre immense, à convertir des centaines de milliers de païens au Judaïsme, probablement entre un et deux millions.
Ces judaïsants (convertis à des degrés divers au Judaïsme, avec ou sans circoncision pour les hommes) finirent par entrer en conflit avec le Judaïsme pour des raisons que nous allons résumer ci-dessous.
- ces judaïsants se considérèrent plus souvent comme grecs, égyptiens, romains, etc que comme Juifs, or la conversion normale au Judaïsme implique de s’agréger avec le peuple Juif.
- ces judaïsants se convertirent au judaïsme de Philon d’Alexandrie, c’est-à-dire à un judaïsme de langue grecque, bithéiste (Dieu et le deuxième dieu qui est le Logos) et sadducéen. Or, par un hasard de l’histoire, il se fait qu’après la première guerre Judéo-romaine de 66–70, le judaïsme sadducéen de Judée fut décimé (il était déjà minoritaire en Judée), et le judaïsme judéen devint exclusivement pharisien. Dans le reste de l’Empire Romain, c’était le contraire, le judaïsme pharisien était quasi totalement absent.
Il faut savoir que sadducéens et pharisiens se disputaient sur tout, par exemple si un non juif épouse une juive, pour les sadducéens les enfants sont non-Juifs, mais pour les pharisiens ils sont Juifs, alors que si un Juif épouse une non-juive, pour les sadducéens leurs enfants sont Juifs et pour les pharisiens ils sont non-juifs. Pour le sadducéisme, la transmission de la judéité se fait par le père et pour les pharisiens, la transmission se fait par la mère.
Comme on sait rarement ce que Judaïsme pharisien et judaïsme sadducéen veut dire, nous allons sommairement expliquer leurs différences.
Le Judaïsme sadducéen affirme la primauté de l’écriture, les pharisiens la primauté de la tradition orale.
Les sadducéens sont liés au Temple et sont dirigés par des prêtres descendants d’Aaron, alors que les pharisiens sont laïcs et sont dirigés par des rabbins dont un grand nombre de descendants du roi David…
Les sadducéens estiment que certains commandements ne sont pas applicables à tous les Juifs mais seulement aux Prêtres et aux Lévites ; les pharisiens estiment que tous les commandements doivent être appliqués par n’importe quel Juif. De ceci, les sadducéens estiment que les manquements aux commandements par les Juifs doivent être réprimés durement, puisqu’il y en a peu ; alors que les pharisiens estiment qu’il convient d’avoir de la bienveillance en ce qui concerne le non-accomplissement par les Juifs de certains commandements parce qu’il y en a beaucoup.
Les sadducéens estiment que la croyance en la résurrection est dangereuse (résurrection qu’ils ne nient pas quoiqu’en disent les évangiles et le Talmud), parce qu’elle peut conduire un Juif à croire en Dieu de manière intéressée, ce dernier pouvant croire en Dieu dans l’espoir d’obtenir une bonne place après la résurrection.
La meilleure source pour connaître les opinions exotériques des sadducéens est le Siracide ou l’Ecclésiastique (texte qui ne subsiste complet que dans sa traduction grecque, disponible dans toutes les Bibles catholiques) ; les opinions ésotériques des sadducéens se trouvent dans des textes comme le Livre d’Henoch ou Le Livre des Jubilés.
Les sadducéens se considèrent comme les héritiers des prophètes et estiment que le monde entier doit se convertir au Judaïsme alors que les pharisiens sont nettement plus sceptiques sur les conversions en masse. Les sadducéens autorisent les conversions forcées (par exemple les iduméens sous le grand-sacerdoce de Jean Hyrcan (grand-prêtre de –134 à –105) et les ituréens sous les grands-sacerdoces d’Aristobule (–104) et d’Alexandre Jannée (entre –104 et –78), alors que les pharisiens les interdisent. La vision différente des conversions permet aussi de comprendre les différences géographiques entre sadducéens et pharisiens (les sadducéens sont omniprésents en monde hellénistiques), alors que les pharisiens en sont absents et ne commenceront à se répandre dans le monde Romain qu’après la première guerre judéo-romaine (de 66 à 70, jusqu’en 74 avec la chute de la forteresse de Massada)
Les sadducéens réduisent les prières au strict minimum, l’ensemble du culte Juif étant le culte sacrificiel ; alors que les pharisiens ont de très nombreuses prières obligatoires, et se distancient du culte du Temple.
Disons rapidement un mot sur les essénien. Les essénien sont des sadducéens intransigeants. Au sein des sadducéens, ils furent le fer de lance de l’indépendance de la Judée au côtés de Mathathias, et ensuite de son fils Judas Macchabée. Les esséniens sont les hassidéens des Livres des Macchabées. Après l’accession au grand sacerdoce de Jonathan Macchabée (grand-prêtre entre –152 et –143), les hassidéens/esséniens rentrèrent remplir leurs obligations au Temple libéré, et devinrent la tendance ésotérique des sadducéens. Lorsque Salomé Alexandra devint reine de Judée en –78 et qu’Hyrcan II devint grand-prêtre (son fils et fils d’Alexandre Jannée), il se rallia aux vues pharisiennes et imposa leurs décisions en matière des sacrifices. C’est pourquoi, ceux qui passeront dans l’histoire sous le nom d’esséniens (il s’agit essentiellement de prêtre ou de lévites, ou de naziréens) quittèrent le service du Temple, car ils estimaient que les décisions pharisiennes en matière de sacrifice rendait les sacrifices impurs. Par exemple, les sadducéens et les esséniens refusaient les sacrifices d’animaux gravides alors que les pharisiens les admettaient.
Sadducéens et esséniens voulaient réformer le calendrier hébraïque, c’est probablement cette réforme qui entraîna la guerre civile des pharisiens et des esséniens (les premières tensions commencèrent sous Jean Hyrcan et durèrent jusqu’à la destruction du IIe Temple par Titus).
Les sadducéens en monde hellénistique sont proches des sadducéens de Judée, mais diffèrent d’eux sur certains points : ils ont adopté l’usage du grec et en philosophie le bithéisme issu des réflexions de Philon d’Alexandrie. De plus le judaïsme hellénistique est probablement majoritairement non juif.
La Première Guerre Judéo-romaine fut un drame pour tout le monde : le IIe Temple fut détruit, les Juifs moururent par centaines de milliers, les persécutions anti-juive font des dizaines de milliers de mort. Les judaïsants furent coincés entre deux idéaux : la civilisation romaine d’un côté, leur religion d’adoption de l’autre.
Pourtant, les reproches se firent des deux côtés : les judaïsants furent accusés d’avoir abandonné les Juifs et les responsables Juifs de ne pas avoir su empêcher la révolte contre Rome, chaque camp se renvoyait la balle.
Une guerre moins connue, mais pas moins importante pour comprendre l’émergence du christianisme, fut la guerre du Kitos (115–118). Les Romains tentèrent de conquérir l’Empire parthe, mais leurs premières victoires se transformèrent en défaite et les légions durent refluer. Dans leur retraite, elles massacrèrent le roi d’Abiabène (Erbil en Irak) qui était un converti au Judaïsme. Ce massacre entraînera une révolte massive des communautés juives, d’abord l’Asie Mineure, ensuite Chypre, Alexandrie et la Cyrénaïque s’embrasèrent (pour la Grèce et Rome, on ne sait pas), la situation fut jugée suffisamment grave pour que Trajan doive nommer un légat consulaire (Lusius Quietus) avec les pleins pouvoirs pour mater la révolte. Les résultats ne se feront pas attendre, massacre après massacre, Lusius Quietus réduira les communautés juives à néant : meurtre de masse, esclavage et déportation des survivants en Judée : le Judaïsme hellénistique avait vécu.
Vers 120, les judaïsants d’Asie Mineure et d’Égypte durent reprendre contact avec le Sanhédrin de Yavneh, et c’est là que les choses se compliquèrent. Les Judaïsants étaient sadducéens, le sanhédrin de Yavneh était pharisien : même si on ne sait pas tout on peut au moins supposer les différentes raisons de leurs tensions. Une partie des conversions faite par le Judaïsme hellénisé n’étaient pas valides, la circoncision sadducéenne et la circoncision pharisienne diffèrent ; en outre les convertis du Judaïsme hellénistique se sentaient rarement Juifs, ils se définissaient plutôt comme des Grecs de religion juive ; les judaïsants hellénisés souhaitaient un assouplissement des lois juives (cacheroute, circoncision, sabbat), alors que le Sanhédrin ne comptait pas transiger là-dessus ; le sanhédrin de Yavneh avait invalidé la traduction des LXX et exigeaient son remplacement par la traduction d’Aquila ; les Judaïsants voulaient que le Sanhédrin de Yavneh adopte le bithéisme (Dieu et le Logos), pour le Sanhédrin de Yavneh, c’était hors de question. Mais surtout les uns et les autres s’accusaient mutuellement d’être responsable de la destruction du Temple. Les tensions durèrent des années et finalement, elles se soldèrent par une rupture quasi complète. Les Judaïsants ne pardonnant pas au Sanhédrin de Yavneh de ne pas avoir su empêcher la révolte de Bar Kokheba (132–135) et pire d’y avoir participé (rabbi Akiba par exemple).
Un texte qu’on date de 125 et intitulé l’Apologie d’Aristide (mais que certains datent de 135–138 et pensent qu’il fut composé par Marcion), est une défense d’un groupe religieux qui se fait appeler « chrétien », et qui s’adresse à l’empereur Hadrien, pour affirmer que les chrétiens n’ont rien à voir avec les Juifs et qu’ils ont leurs textes (on peut supposer qu’il s’agit des évangiles) dans lesquels ils montreront qu’ils se sont séparés des Juifs et qu’ils sont fidèles à l’empereur de Rome. Notons que dans ce texte, l’auteur ne dit mot de Jésus, mais parle seulement du Christ (dans la version grecque qui est conservée dans un roman et dans la version arméniennes qui est un abrégé, le texte mentionne Jésus, mais on a toutes les raisons de penser que ce sont des réécritures, nous pensons, à titre personnel, que le texte grec original aurait pu avoir Logos au lieu de Christos, mais l’original est perdu) et de la haute moralité des chrétiens.
On retrouve de nombreuses descriptions du Logos dans l’œuvre de Philon, il est le médiateur entre Dieu et toutes choses et entre toutes choses et Dieu ; il participe de la nature incréée de Dieu et de la nature créée des choses, il a deux natures. Le Logos intervient directement dans l’histoire humaine, il correspond à la providence de Dieu.
Ce qui différencie le Logos de Philon du Logos des Judaïsants, c’est que les seconds finirent par l’identifier à Dieu et aussi à le représenter sous une « Forme d’Homme », identifiant le « comme un fils d’homme » décrit dans le Livre de Daniel au Logos de Dieu. Ils lui donneront un nom symbolique et clair JÉSUS, c’est-à-dire YHWH SAUVE.
On nous dira que Jésus a vécu dans les années 30 de l’ère chrétienne. Hélas pour eux, les évangiles datent des années 130–140.
Les évangiles sont totalement faux historiquement.
Les éléments datables des évangiles sont les suivants : la naissance de Jésus et la mort de Jésus.
La naissance de Jésus est rapportée par les évangiles de Matthieu et de Luc uniquement.
Matthieu estime que Jésus est né avant la mort d’Hérode survenue en –4, il dit aussi que les enfants de Bethléem furent massacrés par les troupes d’Hérode, mais l’histoire n’a pas gardé trace de ce massacre. En outre, la description des mages s’inspire de la description qu’en a fait Philon d’Alexandrie (De Probus), quant à l’étoile qu’ils suivent cette histoire existe en rapport avec la naissance de l’empereur Auguste. Notons encore que l’étoile peut faire allusion à Simeon bar Kokheba, qui fut le chef des Juifs pendant la IIe guerre judéo romaine (132 à 135).
Luc estime que Jésus est né pendant le grand recensement. Luc raconte n’importe quoi. En effet, à la mort d’Hérode, son royaume fut divisé en quatre tétrarchies, celle de Judée (incluant la Samarie et l’Idumée) qui revint à son fils Archelaos, celle de Galilée à son fils Hérode Antipas et celle d’Iturée-Gaulanitide à son fils Philippe, la dernière Ascalon revint à sa sœur Salomé. Pour des raisons mal déterminées, Archelaos fut rappelé à Rome en 5 et sa tétrarchie transformée en « province romaine de Judée » et administrée par un préfet. Lorsque les Romains devinrent directement maître de Judée, ils durent fixer les taxes auxquelles les habitants seraient assujettis, et c’est pour cela qu’ils firent le recensement de cette province et seulement de cette province. Notons l’absurdité, Joseph est un galiléen chez Luc qui habite Nazareth il n’a donc aucune raison de se rendre à Bethléem, à moins qu’il ne veuille payer ses impôts à la fois à Hérode Antipas, tétrarque de Galilée et à Rome, maîtresse de la province de Judée…
Donc impossible.
D’après les évangiles, Jésus a été condamné à mort par le grand prêtre Qaïphe (en fonction de 18 à 35, nommé par Valerius Gratus, démis par Lucius Vitellius, légat consulaire de Syrie) et par Ponce Pilate (préfet de Judée de 26 à 36, renvoyé à Rome par Lucius Vitellius pour ne pas avoir soutenu Hérode Antipas dans sa guerre contre Aretas IV de Petra, roi de Nabatée)
Or justement, c’est là le problème, on sait que d’après les évangiles, Jésus a été condamné un an (selon les synoptiques, pour Jean trois ans) après la mort de Jean le Baptiste, or Jean le Baptiste a été exécuté en 36, probablement au printemps, par Hérode Antipas, à la forteresse de Macheronte.
Si Jésus a été exécuté un an après Jean le Baptiste, il a alors été exécuté à la Pâque 37, mais à cette date, Qaïphe n’était plus grand-prêtre (c’était Theophilos ben Hanan) et Ponce PIlate n’était plus préfet de Judée. Donc histoire impossible.
Dans la seconde partie nous tenterons de dater les différentes strates des évangiles et de découvrir sa véritable identité.
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