Pourquoi on meurt
Depuis toujours, je me suis demandé ce qu’était la mort. A quoi elle servait, si même elle avait une utilité, ce qu’il y avait après. En grandissant, puis en vieillissant, en fouillant, en cherchant, en apprenant, je me suis aperçu que l’humanité entière se posait, depuis la nuit des temps, cette question.
le paradoxe des religions
J’ai regardé les différentes réponses qu’elle me proposait et très vite, j’ai écarté la plupart des croyances, tout simplement parce qu’on ne peut avoir confiance dans une croyance même si elle est communautaire et partagée.
C’est le paradoxe des religions : Elles sont diverses et variées, certaines proposent la persistance de l’âme après la décomposition du corps, d’autres la soumettent au baptême, d’autres à l’absence de péché, d’autres proposent la réincarnation du vivant en vivant, d’autres un paradis et un enfer, ou encore un paradis contre un combat des infidèles…
Ce qui est intéressant, c’est que toutes ces vérités révélées, dogmatiques, ne sont pas compatibles entres elles. Il est impossible qu’elles soient toutes vraies en même temps.
Et c’est là que se trouve le paradoxe des religions, la croyance n’est en aucun cas un gage de vérité, au contraire, comme aucune religion n'est majoritaire absolue, si une a raison, la majorité de l'humanité se trompe en croyant. Il est donc évident en étant logique que l’on peut croire et se tromper ! Et la ferveur n’y change rien !
Je n’ai donc jamais eu confiance dans les vérités révélées que les hommes promènent avec eux depuis des millénaires.
"il faut sauter de sommet en sommet"
J’ai choisi une autre voie, je me suis intéressé aux réponses qu’avait trouvées la science, plus exactement les sciences. Il faut dire que depuis quelques siècles, notre humanité bondit de découverte en découverte, et depuis un siècle notre savoir devient tellement important qu’il n’est plus de taille individuelle.
Tant pis ! Nietzche a dit « il ne faut pas gravir les montagnes, il faut sauter de sommet en sommet ». C’est ce que j’ai fait avec les risques que cela comporte et je vous livre donc ci-après mes feuilles de voyage.
Le premier sommet que j’ai utilisé comme tremplin a été la logique Darwinienne :
Quand Darwin a expliqué que le vivant se reproduisait en insérant des variations qui, si elles étaient utiles, étaient conservées, il a modifié complètement et en profondeur la logique du monde vu par l’intelligence humaine.
Nous, humains, sommes finalistes. C’est notre nature, nous échafaudons sans cesse des projets, des buts finaux et mettons en place des stratégies pour les atteindre. Et tout naturellement, ils nous étaient impossibles de concevoir un monde sans aucun but sans finalité, et pourtant Darwin inclut dans ses règles d’évolution qu’il en va ainsi.
La logique d’évolution par l’erreur involontaire a été maintenant largement étayée par les sciences naturelles et plus récemment, la génétique, qui permet de retrouver des ancêtres communs à l’ensemble du vivant, jusqu’à avoir un arbre généalogique des spéciations. Ce fonctionnement logique atteste ainsi que les mutations qui étaient adaptées à des situations, ont bien été sélectionnées par le milieu.
Et ainsi, le but ne précède plus la cause, comme dans notre pensée, mais s’il y a spéciation c’est bien, au départ, parce qu’il y a une cause non finaliste et que, celle-ci étant adaptée ou non, le futur change de ce qu’il aurait été !
La continuité de cette idée est de comprendre la complexité de ce qu’est devenu le vivant, les mutations entrainent des modifications du milieu qui lui-même sélectionne les mutations : c’est l’interéactivité et la rétroactivité propres d’un système chaotique.
Et pourtant, malgré que cette logique soit, finalement évidente, l’Humain prouve chaque jour, que l’intelligence supplante le destin. La finalité des actes permet de faire les plus grands projets, d’aller sur la lune ou de construire une fourmilière et dans ce cas pourquoi le monde ne serait pas finaliste lui aussi ?
une genèse
J’ai eu beaucoup de mal à vaincre cette question. J’opposais une graine d’avoine qui se lève, plante ses deux longs poils à 180° dans le sol et se vrille en tire-bouchon pour s’enfoncer dans la terre et la logique finaliste d’un carnivore, et je trouvais de la volonté, de la stratégie, oui, je répète mon mot favori, du finalisme, dans les deux actions.
Et puis je me suis rendu compte que la réponse, ou plutôt la compréhension de ce problème, ne se trouvait pas dans le présent, dans le monde complexe actuel, mais dans l’histoire de notre planète, dans la géologie, la tectonique, la météorologie, et surtout dans l’histoire de milliards d’années d’évolution et de sa logique, de ses règles répétitives.
J’ai voulu écrire une genèse qui respecte ce qu’on a appris de nos scientifiques. J’ai commencé une nouvelle où une pierre arrachée de la ceinture de Kepler, tombait sur terre et racontait ses 4,5 milliards d’année. Très vite je me suis rendu compte de l’impossibilité de la tâche : le nombre d’information à traiter sur une telle durée, interdit de résumer suffisamment en gardant une approche scientifiquement exacte. En revanche le roman est un mode qui permet d’aborder de manière assez réaliste ce qui est la logique de notre planète tellurique.
Une planète tellurique
Je m’aperçois que je digresse de mon sujet principal qui est, et reste « Pourquoi on meurt », mais je dois vous prévenir, dès maintenant, que la mort est liée à la vie, plus exactement à l’ensemble du vivant, et la compréhension de ce qu’elle est ne peut se faire qu’après avoir compris ce qu’est le vivant, je vais donc essayer de continuer à vous dire ce que j’en sais.
De manière un peu pêle-mêle, on peut rappeler que le vivant a considérablement modifié la planète, son atmosphère, et a aussi créé des milliards de tonnes de résidus inertes (non vivants), les calcites : la craie, les marbres, les coraux… et tous les carbones comme le charbon, le pétrole, et les gaz. Il est amusant de se rappeler qu’au temps de Jules Vernes qui n’est pas si vieux, les scientifiques bataillaient pour trancher entre l’origine Neptunienne ou Vulcanienne des roches. Des disputes animaient l’académie entre ceux qui assuraient que les roches venaient de la mer, à cause des fossiles marins qu’on y trouvait et ceux qui étaient persuadés qu’elles venaient des volcans, d'où ils les avaient vues jaillir..
Ils avaient finalement juste tous raison en même temps, les minéraux viennent bien du volcanisme, de la sédimentation et du vivant. ET le vivant est à l'origine d'une part importante de l'inerte de notre planète
La planète, en tant que « planète tellurique » n’est pas en reste de mouvement et de transformation, on sait maintenant qu’il y a eu la Pangée, la réunion de tous les continents en un seul, mais on sait même qu’il y a eu plusieurs fois (sans doute 6 fois) une telle réunion de tous les continents ensembles. Cela pour la seule raison que l’écartement des plaques sur une sphère qui est une surface finie sans coté conduit forcément à la réunion des blocs les plus rapides vers les mastodontes plus lents. Inversement quand tous sont réunis, l’accumulation de la chaleur du noyau vers le manteau sous ce couvercle isolant, conduit à un nouveau morcellement et une nouvelle dérive des plaques redécoupées.
Si on voulait voir le temps géologique avec un film à raison d’une image tous les 10 000 ans, soit 4 heures de film, on y verrait les océans s’ouvrir et se fermer, les mers asséchées se soulever, la glace venir des pôles vers l’équateur et y retourner et des catastrophes d’ampleurs inimaginables…
Depuis que l’on a découvert les dinosaures, on sait qu’une catastrophe sans doute de genre météoritique a entrainé une extinction massive de la quasi-totalité des espèces de la planète Il y a 65 millions d’années. C’est cette dernière extinction qui a fait place nette des géants et a permis l’émergence et la spéciation de notre branche animale, les mammifères, en centaines d’espèces, dont l’humain.
le vivant reconquiert la planète à chaque fois
Les connaissances acquises autour de cette mini fin du monde, ont fait comprendre que notre planète avait aussi des rencontres avec des astéroïdes dont la violence et la fréquence pouvait s’évaluer de manière probabiliste : Une quasi stérilisation totale tous les 200 millions d’années, des catastrophes majeurs tous les 70 millions d’années. Il y a aussi des catastrophes plus régionales, telles que le volcanisme ou l’ouverture de mer telle que la méditerranée par la rupture brusque de Gibraltar et bien sûr les glaciations qui sont l’état le plus habituel de notre planète.
Mais, en dehors d'un peu de peur et de fatalisme qu'il faut savoir conserver, il y a un merveilleux dans cette connaissance des catastrophes régulières, il réside dans la rapidité avec laquelle le vivant reconquiert la planète à chaque fois.
On a longtemps cherché depuis qu’on connait la violence dantesque des extinctions, d’où il pouvait revenir, à quel endroit il pouvait bien trouver refuge. Pour les mammifères, c’est impossible encore à dire, le plus probable est une grotte ou un endroit isolé de la catastrophe puisqu’ils ont été contemporains des grands reptiles et ont traversé l’extinction cataclysmique.
Pour les catastrophes majeures, c’est à la fin du XXeme siècle qu’on a découvert que les fosses marines que l’on croyait stériles et sans aucune vie foisonnaient en réalité de milliers d’organismes, extrêmophiles pour certains et proches de nos conditions extérieures pour d’autres. De fait, ces fosses marines à température constante sont protégées par des kilomètres d’épaisseur d’eau de toutes influences lumineuses (les fins du monde, sont souvent dues à des chocs mais surtout au nuage de poussière qui suit et obscurcit le ciel pendant des dizaines de milliers d’années et provoquent des froids polaires généralisés), de tout choc thermique ou mécanique. Elles sont devenues les meilleures candidates des scientifiques en tant que refuge de prédilection de la vie terrestre.
un univers de rêve infini
Plus récemment, sur des travaux qui ne sont pas encore aboutis, on y a découvert des mécanismes chimiques entre matières carbonée hydrogène oxygène, azote et métaux qui non-seulement conduisent à de la production d’acides aminés, mais, étape supplémentaire, infranchissable jusqu’alors sur terre entre « la brique » acide aminé et « l’immeuble avec plan et réseaux » de la cellule, qu'elles pourraient-être génératrices de proto-cellules qui ensemenceraient le vivant.
Je suis pour ma part assez prudent sur ces travaux car un ensemencement continu contredit l’arbre de filiation généalogique que l’on connait du vivant. En revanche, imaginer qu’une telle structure à fonctionnement aléatoire ait un jour produit un LUCA (last universal common ancestor) reproductif, ouvre un univers de rêve infini !
Et inversement s’il leur étude démontre plusieurs LUCA à différentes époques, suivant des fins du monde, ce sera un autre rêve !
Et nous voilà arrivés au moment où il faut définir la vie, le vivant. Le moment de toutes les polémiques avec l’ensemble des idéologies.
Personnellement, je ne débattrai pas de savoir si le virus est vivant ou non. Je définirai le vivant par rapport à ce qu’est l’inerte, en respectant la règle de l’information minimale, c’est-à-dire qu’elles sont les informations qu’il faut avoir pour distinguer un élément vivant d’une molécule complexe inerte.
Le vivant le plus élémentaire est avant tout un assemblage complexe de molécules suivant un plan défini.
En cela, il ressemble parfaitement à un cristal, comme un flocon de neige, par exemple, mais la différence primordial entre l’être vivant le plus élémentaire et un cristal inerte, est de ne pas se construire par un système de polarités électriques moléculaires qui détermine un plan d’assemblage répétitif, mais bien par l’écriture et la lecture d’une mémoire séparée de son plan de construction : l’ADN.
Et nous voilà à la définition la plus simple, la plus épurée, du vivant :
A l’origine, le vivant est un assemblage chimique complexe construit à partir d’informations dupliquables et de règles comportementales simples, Utilisant cela, il se reproduit en mutant et les cellules vivantes se nourrissent dans leur milieu et rejettent des éléments modifiés en ayant utilisé des composants pour se régénérer.
pourquoi le vivant meurt-il toujours
Les propriétés de tout être vivants sont donc :
- L'écriture d'une mémoire de ce qu'il est
- la reproduction à l’identique (avec de petites variations générationnelles parfois, qui permettent la spéciation) suivant ce code transcrit (je préfère moi dire une mémoire)
- le fait de consommer et de rejeter un élément différent de celui avalé
- le fait de mourir
Et me voilà enfin à ma question de départ, pourquoi on meurt, pourquoi le vivant meurt-il toujours ?
J’ai effleuré la réponse que j’ai trouvée, dans la réflexion qui précède : d’abord on meurt parce que l’avènement du vivant s’est fait par hasard dans le brassage incroyable que notre planète tellurique fait des constituants chimiques ( pour le vivant principalement le carbone, l’hydrogène, l’oxygène et l’azote, mais s'ils sont les plus présents, cette différence de proportionnalité ne doit pas faire oublier l'indispensabilité des autres composants même les plus rares ).
Il n’a pas de finalité. La vie n’est pas un but, mais la conséquence de causes, dont la première conduit à l'émergeance d'elle même puis à la reproduction.
Et la mort pour les mêmes raisons n’est pas une finalité, juste une fin
la mort règle un problème
Mais l’absence de finalité du vivant n’est pas la raison de la mort. Pour que la mort soit autant généralisée, de manière programmée, pour tous les êtres de n’importe quelle espèce, il faut que non seulement, elle ne soit pas un handicap, mais la logique de l’évolution, nous suggère même qu’elle doit être un atout évolutif.
Et, en fait, il y en a deux atouts au fait de mourir, ce sont les suivants :
Imaginez une ressource finie, comme par exemple le gaz carbonique de l’atmosphère pré-biotique.
Imaginez ensuite l’apparition d’une lignée d’espèce qui consomme ce gaz carbonique et rejette de l’oxygène.
Comme la ressource est abondante, la lignée croit de manière exponentielle, explosive même.
La ressource carbonique diminue au profit de l’oxygène qui crée une nouvelle niche pour une mutation qui utiliserait l’oxygène et rejetterait du gaz carbonique.
Mais les anciens ne mourant pas, quand la mutation qui permet cette adaptation apparaît, le déséquilibre entre les consommateurs de carbone et les consommateurs d’oxygène persiste, les consomateurs de gaz carbonique restent majoritaires jusqu’à l’épuisement total de la ressource carbone et l’extinction brutale des premiers qui prive alors les deuxièmes de leurs producteurs de ressource. Pas de symbiose. Pas de moteur evolutif.
Fin de la vie sur terre !
Au contraire, la mort règle ce problème : En ne conservant que les régénérations et en supprimant les parents, on a des complémentarités et des équilibres qui peuvent se trouver entre descendants mutés autour des ressources limités et on peut avoir des espèces en systèmes qui interagissent en chaînes alimentaires et dont les populations s’équilibrent.
Mais il y a un autre atout évolutif à la mort. C'est justement qu'elle adapte l'espèce aux conditions changeantes de notre planète.
Si on prend une glaciation par exemple, les poils longs et les masses adipeuses isolantes sont avantagés, elles ont un avantages mais si les maigres à poil court restent vivants, ils distribuent encore leur patrimoine génétique. L'évolution est plus lente, l'espèce est désavantagé.
La mort programée des patrimoines génétiques de l'ancienne génération est un atout pour l'espèce.
Oui, la fin de vie programmée est dans la logique du vivant et c'est la mort qui donne la vitalité à l'espèce ! C'est la logique Darwinienne de sélection des erreurs utiles qui l'a conservée, ou instituée pour toutes les espèces connues à ce jour.
C’est cette logique que je développerais plus tard, qu’on retrouve partout dans l’évolution. La mort, n’est pas un accident, une erreur qu’il faut corriger, elle est indispensable dès le début, au fonctionnement du vivant. Elle est dans sa logique.
Personnellement, je trouve dans cette vérité scientifique, un apaisement philosophique. Savoir que mon père et ma mère meurent et que moi aussi, je suis mortel, soit utile à mes enfants, m’apaise. Mes parents perdurent en moi et en eux.
On ne meurt pas sans cause, on meurt pour laisser de la ressource à nos descendants, aux enfants de l’humanité tout entière et sans doute d’une manière encore plus vaste, pour faire perdurer la logique de fonctionnement du vivant.
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