Euthanasie : soigner ou achever ?
« Je vais, là, devoir être très explicite : lorsqu’un pays, une société, une civilisation, en vient à légaliser l’euthanasie, il perd à mes yeux tout droit au respect. Il devient dès lors non seulement légitime, mais souhaitable, de le détruire ; afin qu’autre chose, un autre pays, une autre société, une autre civilisation, ait une chance d’advenir. » (Michel Houellebecq, "Le Figaro" du 5 avril 2021).
L’euthanasie est un sujet qui revient sans cesse. C’est un sujet essentiel puisqu’il parle de la vie et de la mort, de sa vie, de celle des proches. Cette intimité immédiate peut remplacer la raison par l’émotion. Chacun en a une conscience qui est respectable, mais beaucoup s’aventure dans cette réflexion avec des idées biaisées. Ce jeudi 8 avril 2021 est examinée à l’Assemblée Nationale la proposition de loi émanant d’un député proche de la majorité qui souhaite instaurer l’euthanasie et le suicide assisté. Le 11 mars 2021, à peine un mois auparavant, les sénateurs avaient rejeté une autre proposition de loi, cette fois-ci d’une sénatrice socialiste, qui exigeait les mêmes mesures. Ce type d’initiative est régulièrement mis sur la table, et je propose ici de dire pourquoi sur le fond et sur le calendrier ces propositions me paraissent très inquiétantes. Mais plus inquiétante encore est l’hésitation du pouvoir exécutif sur le sujet.
La réalité que recouvre l’euthanasie est tellement dérangeante que pas un de ses promoteurs n’ose prononcer son nom. Ils préfèrent "mourir avec dignité", comme si être affaibli, être vulnérable, être en situation d’extrême dépendance (ce qui, finalement, est notre futur si tout se passe bien dans notre vie, sans maladie, sans agression et sans accident) était indigne d’être vécu. Comme si le clivage était "mourir avec dignité" ou "vivre avec indignité". Comme si le fait d’être un impotent, un inutile, un improductif nécessitait d’être immédiatement éliminé d’une société qui promeut en permanence la jeunesse, la force, la forme, le dynamisme, bref, le mode de vie Hollywood chewing-gum.
L’euthanasie, c’est commode quand on ne veut plus être solidaire. C’est commode quand on ne veut plus accompagner les fragiles sinon en les éliminant. C’est commode quand on ne veut plus financer leur occupation de lit, leurs soins, leur présence, leur existence. L’euthanasie, c’est écarter les mauvais éléments du bon grain de la société de surconsommation. Comment, dès lors, ne pas y associer l’eugénisme que sous-tend nécessairement le concept ?
Ce débat arrive à un moment assez peu opportun. D’une part, en pleine crise sanitaire, on essaie plutôt de sauver des vies que de faire mourir. La lutte de tous les instants, c’est de sortir de cette pandémie de la mort. Encourager l’abandon de l’autre, encourager le suicide assisté, c’est au mieux une maladresse de contexte. Imagine-t-on augmenter le nombre de lits en réanimation si l’on promeut l’euthanasie ? Faudra-t-il réanimer les candidats au suicide qui ont échoué dans leur tentative ? D’autre part, il existe une loi qui est encore trop peu connue et qui manque aussi d’accompagnement budgétaire. Ce qu’il faut, c’est ne pas souffrir et donner des moyens massifs pour créer des unités mobiles de soins palliatifs capables de visiter les domiciles, capables d’être présentes dans tous les services hospitaliers et pas seulement au "service des soins palliatifs".
La fin de vie est un sujet que j’ai très souvent abordé ici (voir en fin d’article). Je ne souhaite pas forcément reprendre tous les arguments qui me font opposer au principe de l’euthanasie. Chaque situation est unique et vouloir légiférer sur le sujet est plus qu’une erreur, c’est une horreur. La loi généralise alors que la mort est singulière. C’est ouvrir une brèche béante sur un interdit que reprend l’un des commandements chrétiens mais qui n’est qu’une injonction morale qu’on retrouve dans le code pénal, celui d’un pays comme le nôtre, laïque et sans rapport aucun avec la religion, sinon son origine.
C’est étrange d’ailleurs que certains promoteurs de l’euthanasie fustigent toute argumentation qui leur est opposée sous prétexte qu’elle pourrait être d’inspiration religieuse (chrétienne, mais également d’autres religions), alors qu’eux-mêmes évoquent "l’exigence morale" qui devrait rendre légal le fait de tuer des personnes fragiles et vulnérables. Alors, oui, plaçons-nous toujours sur le plan moral, et jamais sur le plan religieux. L’opposition à l’euthanasie n’est d’ailleurs pas réservée aux croyants, beaucoup de personnes athées ou agnostiques la combattent à juste titre, pour la même raison, morale. L’exigence morale, c’est de ne pas légaliser ce qui est un assassinat, un meurtre avec préméditation. Plus la frontière est floue, plus les abus viendront. Un médecin a prêté serment avant d’exercer. Le serment d’Hippocrate est assez clair : « Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion. ». Il n’y a rien de religieux à cela. Seulement le service aux malades, les soigner les mieux possibles. Ne pas les abandonner dans leur propre déchéance.
Certains pays ont montré, par leur législation, ou leur non-législation, des horreurs que je ne souhaite absolument pas en France. La Suisse, par exemple, n’a jamais légalisé le suicide assisté, simplemeent, des associations militantes (et vénales) ont pu profiter d’un vide juridique qui permettait d’aider (le mot est mal choisi) les personnes candidate au suicide. Ceux qui s’intéressent d’un peu près à ce qui se passe à travers ces associations sont horrifiés, on y fait mourir mal, parfois dans des parkings désaffectés, au point que le gouvernement suisse songe aujourd’hui à légiférer, c’est-à-dire à interdire cette pratique qui fait les choux gras de quelques individus dans un business européen (la France et l’Allemagne sont de grands pourvoyeurs de clients).
En Belgique, la législation et la pratique de l’euthanasie est inquiétante, on a "euthanasié" des personnes en dépression nerveuse qui, par définition, sont suicidaires (on aurait peut-être pu les soigner, leur dire que la vie vaut le coup d’être vécue au lieu d’aller dans leur sens), d’autres en situation de handicap mental, d’autres encore parce qu’elles étaient orphelines et sans capacité à vivre sans parents, d’autres carrément des enfants, etc. Bref, plus le temps avance, plus le prétendu "progressisme" se fait en sens inverse, vers plus de barbarie, plus de lâcheté, plus d’égoïsme.
Ce sont toujours les bien portants qui réclament l’euthanasie, mais la plupart des médecins peuvent constater, à quelques exceptions, que très rares sont ceux qui, réellement, sont en situation de fin de vie et veulent être euthanasiés. Souvent, ce sont des personnes qui sont peu accompagnées qui veulent en finir. Ils ne reçoivent plus l’image d’humanité d’eux-mêmes. Parler de dignité, c’est les rendre indignes, leur enlever leur humanité.
Les sondages sont régulièrement émis et donnent une très mauvaise photographie de "l’opinion publique". On tronque l’enjeu avec un sophisme insupportable. On pose la question : voulez-vous souffrir atrocement ou qu’on vous achève ? Normal que 95% répondent vouloir être achevés (parmi lesquels des croyants, etc.). On se demande même pourquoi il y aurait encore 5% qui seraient prêts à souffrir. La bonne question n’est pas celle-là mais celle-ci : comment supprimer la souffrance ?
C’est en gros l’argumentation d’un auteur que j’adore particulièrement, Michel Houellebecq, et lui qui s’invite rarement dans les débats politiques, semble vouloir s’engager personnellement pour pourfendre les zélateurs de l’euthanasie. Il l’a fait dans une excellente tribune publiée par "Le Figaro" le 5 avril 2021. Elle reprend quelques éléments d’une autre tribune publiée dans "Le Monde" le 12 juillet 2019, à la mort voulue de Vincent Lambert, voulue par d’autres que lui.
Je ne suis pas toujours en accord avec toutes ses idées (par exemple, il veut la dépénalisation de la consommation de drogues) mais il semble avoir les mêmes valeurs que moi. Très étrangement, d’ailleurs, ce n’est pas signalé et pourtant, c’est remarquable : en combattant l’euthanasie, il rejoint probablement les positions de l’islam, tout comme celles du christianisme. Mais plus généralement, désabusé, le romancier se désespère de voir les religions avoir une influence quelconque sur ce débat alors que justement, les lobbyistes de l’euthanasie croient que la religion serait encore très influente (ce qui est un anachronisme, je crois que Michel Houellebecq a raison, la religion n’a plus beaucoup d’influence, même quand elle sait se mobiliser contre le mariage pour tous, et agiter cet étendard tend à déplacer le débat en disant : bouuh, ce sont les intégristes qui sont contre l’euthanasie, mesure supposée progressiste, moderniste et tout ça).
Le raisonnement de Michel Houellebecq est très clair et très simple dans sa logique. Premièrement : « Personne n’a envie de mourir. On préfère en général une vie amoindrie à pas de vie du tout ; parce qu’il reste de petites joies. ». Deuxièmement : « Personne n’a envie de souffrir. J’entends, de souffrir physiquement. (…) La souffrance physique n’est rien d’autre qu’un enfer pur, dénué d’intérêt comme de sens, dont on ne peut tirer aucun enseignement. (…) À peu près tout le monde, placé devant une alternative entre une souffrance insoutenable et la mort, choisit la mort. ». Les personnes diminuées savent ce qu’est une "petite joie". Le plaisir encore de savourer un fruit, de ressentir la chaleur du soleil, l’odeur d’une fleur…
Ces deux premières propositions sont communes à tous les "protagonistes" de ce débat. Elles sont consensuelles. Mais les partisans de l’euthanasie oublient la troisième proposition que Michel Houellebecq qualifie de la plus importante : « On peut éliminer la souffrance physique. ». Et de rappeler la découverte de la morphine en 1804 (il évoque aussi l’hypnose). C’est tout l’objet de relancer un nouveau plan pour les soins palliatifs : soigner et pas tuer les patients en fin de vie, pour tuer la souffrance au lieu de la personne. Là est l’humanisme.
Dans ses deux tribunes sur le sujet, Michel Houellebecq revient aussi sur la "dignité" sans arrêt mise en avant par les partisans de l’euthanasie.
Le 12 juillet 2019 : « J’ai consulté Le Petit Larousse (édition 2017). Il définit, assez simplement, la dignité comme le "respect que mérite quelqu’un". (…) La dignité (le respect qu’on vous doit), si elle peut être altérée par divers actes moralement répréhensibles, ne peut en aucun cas l’être par une dégradation, aussi catastrophique soit-elle, de son état de santé. Ou alors c’est qu’il y a eu, effectivement, une "évolution des mentalités". Je ne pense pas qu’il y ait lieu de s’en réjouir. ».
Le 5 avril 2021 : « Je vais finir de perdre mes cheveux et mes dents, mes poumons vont commencer à partir en lambeaux. Je vais devenir plus ou moins impotent, plus ou moins impuissant, peut-être incontinent, peut-être aveugle. Au bout d’un certain temps, un certain stade de dégradation physique une fois atteint, je finirai forcément par me dire (encore heureux si on ne me le fait pas remarquer) que je n’ai plus aucune dignité. Bon, et alors ? Si c’est ça, la dignité, on peut très bien vivre sans ; on s’en passe. Par contre, on a tous plus ou moins besoin de se sentir nécessaires ou aimés ; à défaut estimés, voire admirés, dans mon cas c’est possible. Ça aussi, c’est vrai, on peut le perdre ; mais là, on n’y peut pas grand-chose ; les autres jouent à cet égard un rôle tout à fait déterminant. ». Le regard de l’autre renvoie sa propre humanité.
Je voudrais revenir au débat sénatorial du 11 mars 2021. Je regrette d’avoir une position commune avec le RN mais c’est le cas sur ce sujet. L’unique sénateur RN, élu de Marseille, Stéphane Ravier a exprimé précisément ce qui me paraît sensé et pertinent : « Alors que nous avons mis à l’arrêt l’économie pour protéger nos anciens et nos plus fragiles ces derniers mois, vous balayez ces sacrifices pour offrir aux Français une perspective macabre dans un projet nauséabond et matérialiste, ce projet que l’on nomme par antinomie "progressiste", pour éliminer ceux qui ne sont plus jugés utiles. Le professeur Jean Bernard disait qu’il faut "ajouter de la vie aux jours lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie". C’est cela, la médecine humaniste. La souffrance peut faire peur, la liberté sans frein peut séduire ; mais jamais la mort précipitée ne doit être une solution. Une fin de vie confortable, voilà ce qui fait honneur à la société, à la conscience individuelle. Ne cédons pas à l’inconscience collective ! ».
L’orateur suivant était (le même jour) le sénateur LR René-Paul Savary, qui est aussi un médecin généraliste et qui a commencé son intervention en étonnant ses contradicteurs : « Je me souviens de Jeanne, me répétant à chaque visite, qu’elle voulait en finir, qu’elle souffrait le martyre. Je lui ai dit que j’étais prêt à répondre à sa volonté. J’ai alors vu dans son expression la crainte de ne plus vivre. Au fond d’elle-même, elle n’était pas prête. La volonté d’un jour n’est pas forcément celle de toujours. (…) [Cette proposition de loi] est plus sociétale que médicale (…). Les patients désireux de mourir le veulent-ils vraiment ? Leur volonté ne peut-elle être orientée ? Décrire la mort par euthanasie comme "naturelle", n’est-ce pas le signe d’une science à la dérive ? (…) Selon un collectif de médecins gériatres, dans les pays où l’aide active à mourir est autorisée, les patients peuvent ressentir une pression de la société ou de leur famille pour demander une mort anticipée. ».
Cette pression sera incontournable avec l’aspect économique des choses. Sur le plan personnel et familial, combien de familles voudraient-elles être "soulagées" par la mort de leur ascendant, avec un héritage en plus ? mais ce n’est pas cela qui m’inquiète le plus, c’est plutôt sur le plan national et politique, combien de gouvernements résisteront-ils avant d’imposer dans les faits l’euthanasie pour des raisons budgétaires ? Car évidemment, les six derniers mois d’une existence sont les plus coûteux pour la sécurité sociale. Il suffirait de les supprimer purement et simplement.
De plus, si on euthanasie les malades au lieu de les soigner, ce n’est pas ainsi qu’on fera des progrès dans la recherche médicale. Sauver des vies, c’est l’une des motivations clefs des scientifiques pour imaginer de nouveaux traitements et de nouveaux vaccins, on l’a bien vu avec la pandémie du covid-19. À quoi servirait-il de soigner des malades prêts à s’avouer vaincus et à mourir terrassés par leur maladie en y étant "aidés" ?
Vouloir en finir n’est pourtant parfois qu’un simple mouvement d’humeur. Ce changement de pied (vouloir en finir, vouloir continuer à vivre) est un comportement ordinaire des malades en grande vulnérabilité. L’idée d’un fardeau que parfois, il est difficile mais pas impossible de supporter. Michel Houellebecq en parle dans sa tribune du 12 juillet 2019 : « Moi aussi, dans certaines circonstances (heureusement peu nombreuses) de ma vie, j’ai été prêt à tout, à supplier qu’on m’achève, qu’on me pique, tout plutôt que de continuer à supporter ça. Et puis on m’a fait une piqûre (de morphine), et mon point de vue a changé radicalement, du tout au tout. En quelques minutes, presque en quelques secondes. ». Mais dans sa tribune du 5 avril 2021, il explique qu’une demande d’euthanasie cache parfois une autre demande, plus importante : « Et je me vois très bien demander à mourir juste dans l’espoir qu’on me réponde : "Mais non mais non, reste avec nous" ; ce serait tout à fait dans mon style. Et en plus j’avoue cela sans la moindre honte. ». Nous sommes peut-être entrés dans une société du seul premier degré.
La réalité, c’est qu’il existe déjà une loi depuis le 22 avril 2005, qui a été complétée le 2 février 2016 et qui demande encore à être connue : la loi Claeys-Leonetti. Pourquoi vouloir changer la loi alors qu’il existe déjà une loi pour la fin de vie qui a fait quasiment le consensus ? On ne peut pas légiférer sur la mort sans avoir un consensus, c’est un sujet trop sensible, trop profond, trop grave pour qu’il crée un clivage entre les pour et les contre. Or, cette loi interdit l’acharnement thérapeutique, elle est basée avant tout sur la suppression de toute souffrance et sur la volonté des patients qui peut s’exprimer dans les directives anticipées (même si, là encore, on peut avoir une vision différente lorsqu’on est bien portant et lorsqu’on est malade). Il faut déjà appliquer la loi avant d’en faire une nouvelle. Elle répond à presque toutes les situations de grande détresse.
Ce qui est un scandale, ce n’est pas que l’euthanasie ne soit pas possible. D’ailleurs, elle l’est dans le secret des chambres d’hôpital, et si on critique ces euthanasies clandestines, ce n’est pas pour un meilleur accompagnement des personnes en fin de vie, c’est avant tout pour une meilleure protection juridique. Or, justement, le sujet est tellement singulier qu’en ne légiférant pas, ceux qui les pratiquent (avec leurs raisons et leur conscience, que je ne me permettrais en aucun cas de juger) doivent prendre leurs propres responsabilités, et à ma connaissance, aucun médecin n’a été inquiété ni surtout condamné par la justice pour une telle pratique, même considéré, au yeux du droit, illégale. En revanche, le médecin ou l’infirmière voleur d’héritage qui tue en série de nombreux patients vulnérables aura plus de mal à être condamné par la justice avec une loi sur l’euthanasie puisque l’horrible précédent de Vincent Lambert montre bien qu’on peut supposer la volonté d’un patient incapable de l’exprimer dans le sens qu’on veut. L’exemple de l’affaire Bonnemaison est très instructif à cet égard.
Ce qui est un scandale, c’est qu’on souffre encore, c’est-à-dire, que les soins palliatifs ne soient pas encore assez développés. C’était le sens de la réponse du gouvernement le 11 mars 2021 au Sénat. Le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a en effet annoncé un nouveau plan de développement des soins palliatifs, ce qui est la vraie réponse aux fins de vie scandaleuses qu’on peut encore décrire dans la France d’aujourd’hui : « À compter du mois d’avril [2021] sera lancé le cinquième plan national pour les soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie. Il sera piloté par les docteurs Olivier Mermet et Bruno Richard. Ce plan sera triennal. Nous y inscrirons l’amélioration de la formation initiale et continue des soignants. Avec Frédéric Vidal, nous travaillons à intégrer la fin de vie dans les formations de santé. Nous développerons la prise en charge en ville, avec la mise à disposition du midazolam fin 2021. Il y a aussi un enjeu de moyens : le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) augmentera la dotation socle des soins palliatifs. Le Ségur de la santé a prévu 7 millions d’euros pour l’appui sanitaire dans les EHPAD, comprenant des astreintes de soins palliatifs. ».
Le ministre a auparavant insisté sur l’application d’abord de la législation actuelle : « Aide-soignant en EHPAD, puis médecin neurologue, j’ai assisté de près à l’imminence de la mort. Ces instants sont toujours des épreuves de vérité et de doute, parfois de sérénité. Il y a cinq ans, le législateur a voté la loi Claeys-Leonetti, issue d’un large consensus (…). Elle a notamment affirmé le droit du malade à demander l’arrêt des traitements (…). L’enjeu n’est pas tant de faire évoluer cette loi que de la faire connaître, aussi bien des professionnels que de nos concitoyens. Seuls 18% des Français de plus de 50 ans ont rédigé des directives anticipées. (…) Sur ce sujet intime, je ne crois pas que certaines législations soient plus "en avance" que d’autres. ».
Olivier Véran, qui n’a pas peur d’aller sur le terrain des complotistes, a alors évoqué le Rivotril dont le but n’était pas d’euthanasier les personnes atteintes du covid-19 en EHPAD mais de réduire leur éventuelle souffrance dans le traitement de la maladie. D’ailleurs, croire que le gouvernement voudrait se débarrasser des résidents dans les EHPAD est une impression contredite par la stratégie gouvernementale de la vaccination qui a permis quasiment la fin de la mortalité covid-19 en EHPAD alors qu’elle correspondait à un tiers environ de la mortalité générale en France avant janvier 2021. En effet, il a dit : « Si les soignants ne sont pas sensibilisés, ils ne peuvent appliquer correctement la loi. Durant la crise sanitaire, lorsque j’ai autorisé l’administration à domicile de produits antidouleur comme le Rivotril, je me suis parfois heurté à des réactions très négatives. ».
Appliquons la loi, misons massivement sur les soins palliatifs, cela demande un effort budgetaire mais c’est un investissement nécessaire, c’est le rôle de l’État protecteur, protecteur des vies humaines et protecteur du meilleur confort en fin de vie. On imagine beaucoup trop facilement ce qu’un État pourrait y gagner avec une généralisation massive de la pratique de l’euthanasie, la culpabilisation des personnes vulnérables qui oseraient vouloir rester en vie alors que la décence nouvelle imposerait de s’effacer pour libérer la place aux plus jeunes et surtout aux plus productifs, pour économiser de l’argent qui pourrait être dépensé à des choses plus futiles que soigner des apprentis mourants. Dès lors qu’on commence avec cette logique de la mort, avec cette culture de la mort, il n’y aura plus de limite, et les fictions comme le "Soleil vert" deviendront hélas une triste réalité.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (05 avril 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Les trois illustrations proviennent de tableaux de Paula Modersohn-Becker.
Pour aller plus loin :
Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Figaro" du 5 avril 2021.
Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Monde" du 12 juillet 2019.
Euthanasie : soigner ou achever ?
Soins palliatifs.
Le congé de proche aidant.
Stephen Hawking et la dépendance.
Le plus dur est passé.
Le réveil de conscience est possible !
On n’emporte rien dans la tombe.
Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
La dignité et le handicap.
Alain Minc et le coût des soins des "très vieux".
Euthanasie ou sédation ?
François Hollande et la fin de vie.
Texte intégral de la loi n°2016-87 du 2 février 2016.
La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
La leçon du procès Bonnemaison.
Les sondages sur la fin de vie.
Les expériences de l’étranger.
Fausse solution.
Autre fausse solution.
La loi du 22 avril 2005.
Chaque vie humaine compte.
Vincent Lambert.
Au cœur de la civilisation humaine.
Pr. Claude Huriet.
Pr. Jacques Testart.
Bioéthique 2021 (9).
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