Ce qu’il faut au moins savoir sur la création monétaire
J’ai tenté de résumer ici les bases indispensables de la compréhension de l’origine de plus de 90% de la monnaie qui irrigue l’économie (monnaie non matérielle : écritures, comptes informatiques, etc.) . Cette monnaie est dite scripturale et elle est "temporaire". Les 10% restant sont les monnaies fiduciaires (billets et pièces) dont l’émission est réservée aux Banques Centrales (BCE, FED, Banque d’Angleterre…).
Afin de mieux comprendre comment est « créée » la monnaie scripturale, imaginons d’abord qu’il n’y a pas de banque centrale et qu’il n’existe qu’une seule banque commerciale.
A l’origine, le bilan de cette banque est vide
En acceptant ce contrat, la banque se contente de créditer du montant emprunté le compte à vue (au passif de la banque) de l’entreprise X, en échange de la garantie de remboursement aux échéances prévues dans le contrat, en tant que créance (à l’actif de la banque)
Ce sont donc « les crédits qui font les dépôts » (et non l’inverse) et c’est l’expansion de l’actif de la banque qui entraîne celle de son passif
Au bilan de « l’agent non financier » (l’entreprise X) c’est une créance qui sera enregistrée à son actif, mais ce qui est important c’est que l’entreprise X va pouvoir utiliser le montant porté en dépôt à vue comme moyen de payement.
La monnaie scripturale n’est finalement qu’une dette de banque commerciale qui circule, un élément du passif bancaire accepté comme moyen de payement ; l’essentiel est que cette créance soit reconnue comme une véritable monnaie.
« la monnaie est créée par les banques, lors d’une demande satisfaite de crédit bancaire par des agents non bancaires » (André Chaîneau « Mécanismes politiques et monétaires »)
Ce processus de création monétaire a lieu également quand :
1 – la banque autorise un compte débiteur
Les crédits font les dépôts, mais symétriquement le remboursement d’un crédit induit une destruction monétaire.
Le fonctionnement du système bancaire est donc un processus continu de créations et de destructions de monnaie.
Considérons maintenant une économie à 2 banques, A et B,
avec Claude client de A et Jean, client de B
Claude voit donc son compte en banque A débité de 1000, Jean voit son compte en banque B débité de 200, par contre Pierre (banque A) voit son compte crédité de 700, et Alain (banque B) voit son compte crédité de 500
avant la compensation entre les deux banques
Les banques vont alors compenser leurs dettes, et au final, la banque A doit 300 à la banque B. Cette banque A va donc se « refinancer » auprès de la banque B (si elle l’accepte, sinon A devra utiliser les services de la Banque Centrale) en empruntant auprès de celle-ci et donc en acceptant une dette à son égard.
Cette nécessité de refinancement interbancaire provient de parts de marché inégales entre les banques A et B, tant dans la collecte de dépôt que dans la distribution des crédits.
Si, dans notre exemple précédent, la banque B n’accepte pas de refinancer la banque A, celle-ci devra faire appel à un refinancement de la Banque Centrale
Parallèlement à la monnaie scripturale émise par les banques commerciales les agents (entreprises, ménages, collectivités) utilisent d’autres monnaies que les banques commerciales ne peuvent pas créer et qui créent des « fuites » dans l’ensemble du système.
Ces fuites sont de 4 natures :
1 – les billets et pièces : monnaie fiduciaire dont la création est réservée à la banque Centrale
2 - les besoins en devises que la banque commerciale va devoir se procurer auprès de sa banque centrale
3 – les fuites vers le Trésor Public (ce qui n’est pas le cas aux USA où le Trésor Public dispose de comptes auprès des banques commerciales)
4 – la fuite des réserves obligatoires (chaque banque commerciale est obligée de maintenir sur son compte à la banque centrale une somme qui peut être ou non rémunérée. Ce montant des réserves obligatoires est calculé pour l’essentiel en proportion de la masse des dépôts des clients : par ce mécanisme, la Banque Centrale augmente donc le besoin de refinancement des banques commerciales. Dans la zone euro, ces réserves sont de 2% actuellement)
Les différents besoins de liquidités évoqués nécessitent du refinancement auprès de la banque Centrale, mettant ainsi le système bancaire en état de dépendance vis-à-vis de la banque centrale.
Les banques sont en plus tenues à l’équilibre de leur bilan et aux règles limitant le montant de leurs créances (les crédits qu’elles accordent) par rapport au montant de leurs fonds propres (Bâle 2 et ratios Mc Donough imposant de 4 à 8% de fonds propres sur le total de leur passif)
Les banques servent également d’intermédiaires financiers (elles prêtent les dépôts confiés par des épargnants). Ces prêts sur épargne préalable représentent environ 40% des prêts des banques commerciales, mais cette épargne est elle-même issue de création monétaire à l’origine.
au niveau de l’ensemble des banques commerciales…
Mais l’expansion du passif est instable car les banques commerciales sont tenues d’assurer les « fuites » de leurs réserves en monnaie centrale, hors de leur circuit monétaire.
Ces fuites sont celles de la demande en monnaie banque centrale (monnaie de base, M0) :
Dans cet exemple, au total, à partir de 100 de monnaie centrale :
- les banques auront créé 599
- 90 se retrouveront en monnaie fiduciaire dans le circuit économique
- 10 se retrouvent en réserves obligatoires auprès de la banque centrale
- le retour des dépôts dans le système bancaire sera de 509.
Cette création n’est pas sans limite : le potentiel de création de monnaie se réduit donc au fur et à mesure des crédits émis. La création monétaire globale des banques dépend aussi à la fois du désir d’encaisse liquide des agents économiques et de l’appétit de crédit de la société.
Au niveau d’une banque isolée, celle-ci doit également tenir compte des déséquilibres des compensations auprès de ses concurrentes, qu’elle devra éventuellement couvrir en monnaie centrale et donc en augmentant ses réserves.
Les banques commerciales sont tenues également à des règles dites prudentielles afin que les crédits qu’elles font ne dépassent pas différents ratios par rapport aux fonds propres et aux dépôts de leur clientèle.
Pour limiter l’expansion du crédit et donc de la masse monétaire, la banque centrale peut agir pour réduire la liquidité générale ou augmenter les taux de refinancement de monnaie centrale.
Les crédits doivent être remboursés. Lorsqu’ils le sont la destruction monétaire suit exactement les mêmes règles que la création dans le sens contraire. L’activité monétaire de crédit joue donc dans les deux sens. Si globalement les banquiers freinent puis réduisent leurs crédits il y aura diminution de la masse monétaire.
Néanmoins, la demande d’intérêt ne peut être globalement satisfaite que par de nouveaux crédits qui vont permettre aux ANF de payer ceux-ci.
Enfin, la question reste posée entre une dénomination « multiplicateur de crédit » ou « diviseur de crédit », car le sens de la relation concernant les réserves des banques commerciales en banque centrale n’est pas formellement établi. Les banques commerciales sont-elles limitées par les véritables décisions de la banque centrale, ou étant mises devant le fait accompli, la banque centrale n’a-t-elle d’autre choix que de mettre à disposition des banques commerciales (par refinancement ou baisse du coefficient de réserve obligatoire) les sommes qu’elles demandent pour assurer les fuites suite à leurs émissions de crédits ?
Les banques commerciales créent donc, par le crédit, environ 85% de M1 et 93% de M3
Un autre agrégat nommé M0 est rarement utilisé, n’est PAS un agrégat de M1. C’est la “monnaie de base” ou “monnaie centrale” ou “base monétaire” définie comme : " billets et monnaie scripturale inscrits sur les comptes des banques en Banque Centrale."
Complément 2 : Les contreparties
Les contreparties de la masse monétaire représentent l’ensemble des financements et indiquent à quelle occasion la monnaie a été créée
J’espère que ce petit résumé vous sera utile dans la compréhension des phénomènes monétaires dont on parle beaucoup en ce moment. Pour ceux qui voudraient approfondir ce sujet, je conseille le petit livre de Dominique Plihon " la monnaie et ses mécanismes" .
PS : avez-vous signé la pétition " POUR QUE L’ARGENT NOUS SERVE, AU LIEU DE NOUS ASSERVIR " ?
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