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De la rétention de sûreté et de l’art de combattre le mal par le faux

Adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, le très controversé projet de loi relatif à la rétention de sûreté sera examiné par le Sénat à compter du 30 janvier prochain. Sans préjuger du sort qui lui sera réservé, un retour sur l’émotion qu’il a suscitée s’avère nécessaire.


« Applaudissons ! Ta générosité, qui leur sauve la vie, est un arrêt de mort pour d’autres inconnus. Poursuis ton propre développement, sans te souiller à faire le justicier - et puis il y aura deux bandits qui, par ton bon plaisir, avec ton laissez-passer, chercheront une autre victime...  »

Maurice Barrès, Les déracinés, Paris, Robert Laffont, 1999, p.725.

« Sous le nom de crimes et de délits, on juge bien toujours des objets juridiques définis par le Code, mais on juge en même temps des passions, des instincts, des anomalies, des infirmités, des inadaptations, des effets du milieu de l’hérédité ; on punit des agressions, mais à travers elles des agressivités, des viols mais en même temps des perversions, des meurtres qui sont aussi des pulsions et des désirs  ».

Michel Foucault, Surveiller et punir - Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, p.22-23.

Le projet de loi relatif à la rétention de sûreté, eu égard au caractère éminemment sensible des questions sociétales qu’il aborde, ne pouvait qu’attirer sur lui des foudres d’éloquence. L’évocation de l’Allemagne nazie, la dénonciation d’un retour à l’Ancien Régime et à la lettre de cachet... Aucune critique n’a semblé trop virulente pour prévenir contre les dérives auxquelles est censé conduire ce projet. La violence de la charge est à la hauteur du danger pressenti, dira-t-on.

L’on conviendra néanmoins que la peur, même dans ses manifestations les plus outrées, n’a jamais écarté le danger. Si toute menace s’écartait d’elle-même au premier déploiement de pathos, s’il suffisait d’une campagne d’indignation collective pour éradiquer l’objet de nos hantises, la société n’aurait d’ailleurs pas la nécessité des lois et de leur application. Mais, dans l’ordre des choses qui est le nôtre, où la réalité - pour paraphraser Philip K. Dick - a cette détestable manie de refuser de disparaître quand bien même l’on cesse d’y croire, le législateur est parfois tenu de se saisir de questions qui le répugnent, mais qui ne pourraient qu’empirer sous l’effet de sa négligence.

Bien évidemment, la crainte de voir la politique pénale devenir l’artifice de consolation du fait divers doit être entendue. Mais, dans le même temps, suffit-il qu’une réalité soit marginale pour être ignorée ? Pour le dire mieux, l’exception criminelle justifie-t-elle l’imperfection de la loi ? Pareille interrogation ne peut être résolue dans l’absolu : elle impose de soumettre ses convictions, aussi nobles soient-elles, à l’épreuve des faits.

Or, lorsque l’on consent à moins spéculer sur ses vices supposés pour se concentrer sur son actualité, il apparaît que la nature et la portée du projet de loi relatif à la rétention de sûreté ne justifient pas la véhémence de ses détracteurs.

Rappelons que, sur le principe, il s’agit de procéder, à l’issue de sa peine et ce par période d’un an renouvelable, au placement d’un détenu dans un centre fermé « lorsqu’elle présente une particulière dangerosité caractérisée par le risque particulièrement élevé de commettre à nouveau l’une de ces infractions  »[1]. La mesure ne serait applicable que lorsque « les obligations résultant d’une injonction de soins ou d’un placement sous surveillance électronique mobile (...) apparaissent insuffisantes  » pour prévenir la récidive et lorsque la mesure de rétention de sûreté « constitue ainsi l’unique moyen de prévenir la commission [d’un crime], dont la probabilité est particulièrement élevée  ». Il est ainsi expressément stipulé que la rétention de sûreté constitue un dernier recours.

Initialement, seules étaient concernées les personnes condamnées à une peine de quinze ans de prison et au-delà pour crimes sur mineur de moins de 15, à savoir le meurtre ou l’assassinat, la torture ou les actes de barbarie, le viol.

Plusieurs amendements sont venus étendre le champ d’application du projet. En premier lieu, seraient désormais susceptibles d’entraîner son application l’enlèvement et la séquestration de mineurs[2]. En outre, la distinction d’âge a été supprimée, de telle sorte que l’auteur de l’un des crimes précités sur tout individu de moins de 18 ans pourrait faire l’objet d’une mesure de rétention de sûreté[3]. Enfin, la mesure serait également applicable lorsque l’un des crimes précités est commis sur une victime majeure, sous réserve que celui-ci ait été commis avec des circonstances aggravantes[4].

Ainsi, à l’origine destiné aux seuls auteurs de crimes commis sur les mineurs, et plus particulièrement ceux de nature sexuelle, le projet de loi vise dorénavant l’ensemble des personnes qui, condamnées à des peines de quinze ans d’emprisonnement et au-delà, présentent des risques de récidive accrus au regard de leur profil psychologique. En d’autres termes, c’est la question de la dangerosité liée au trouble mental qui est posée par ce projet de réforme de la loi pénale.

Parmi le florilège de réprobations suscitées par ce projet, celle de Robert Badinter a fourni matière et caution morale à de nombreux critiques. En effet, ce dernier dénonce ce qui constitue à ses yeux « un changement radical de notre droit  », une « dérive dangereuse  », ajoutant que « Depuis la Révolution française, on va en prison pour des actes ou crimes qu’on a commis, pas pour ce qu’on est, pas au nom d’une dangerosité indiquée par des psychiatres  »[5].

Certes, sur la forme, le réquisitoire de M. Badinter présente ce double avantage d’être intelligible par tous et d’exalter les meilleurs sentiments. Mais, sur le fond, il appelle de nombreuses réserves, en ce qu’il laisse entendre que la justice pénale serait restée depuis la Révolution parfaitement insensible à la personnalité des criminels et que cette ignorance seule aurait jusqu’ici été garante de sa probité. Il suffit pour s’en convaincre de prendre acte, d’une part, des évolutions successives du droit pénal depuis 1810, et d’autre part, de considérer la rétention de sûreté au regard des dispositifs déjà existants.

Le psychiatre à la droite du juge, naissance et continuités d’une justice médicalement assistée

Dans l’absolu, l’on sait que le contrôle social diffère nécessairement selon qu’il s’inspire d’un modèle juridique ou d’un modèle clinique. Dans la perspective juridique classique, le châtiment résulte d’une équation entre la gravité du crime et les antécédents de son auteur. À l’inverse, dans une approche psychiatrique de la criminalité, la peine n’est plus cette réponse au crime majorée du montant de la dette morale envers la société : l’acte commis n’est plus qu’une information parmi d’autres sur un individu dont il s’agit d’évaluer la dangerosité.

Selon M. Petrunik, professeur au Département de criminologie de l’Université d’Ottawa, le clivage entre les deux types de contrôle social est parfaitement clair : « Le modèle juridique s’intéresse d’abord au crime plutôt qu’au contrevenant. La sentence doit être proportionnelle à la gravité du crime commis et aux antécédents du contrevenant. Contrairement au modèle clinique qui réclame une sentence indéterminée ou une période de traitement en se basant sur la pathologie du contrevenant et les dangers qu’il présente pour l’avenir, le modèle prévoit juridique prévoit des sentences à durée fixes »[6]. Et M.Petrunik de conclure : « Dans le modèle juridique, les droits individuels, l’égalité devant la loi et l’option la moins restrictive passent avant la protection de la société et la réhabilitation du contrevenant »[7]. Ainsi sont généralement présentés comme étrangers l’un à l’autre la logique clinique et la philosphie juridique du contrôle social.

En ce sens, le Code pénal de 1810 respectait scrupuleusement le clivage entre le modèle juridique et le modèle clinique, puisque l’article 64 ne réservait au juge que deux options : soit l’auteur du crime était sain d’esprit au moment des faits, auquel cas son sort dépendait exclusivement de la justice, soit il était en état de démence au moment de la commission du crime, et était par conséquent abandonné au « bons offices » de la médecine. Fresnes ou Charenton, il fallait choisir...

L’intransigeance conceptuelle de cet édifice juridique commença à décliner dès la loi du 28 avril 1832, qui prévoyait l’existence de circonstances atténuantes pour cause de « demi-folie ». Cette logique balbutiante des circonstances atténuantes sera consolidée par la circulaire Chaumié du 12 décembre 1905. Celle-ci exigeait des procureurs généraux qu’ils rappellent aux juges d’instruction que, en matière criminelle, l’on ne pouvait plus se satisfaire des deux seules options de la sanité d’esprit ou de l’état de démence de l’inculpé. Le garde des Sceaux de l’époque, en effet, considérait qu’il était nécessaire de prendre en considération les avancées récentes de la psychiatrie :

« Les Congrès de science pénale les plus récents se sont préoccupés, à juste titre, de l’atténuation possible de la culpabilité des accusés et des prévenus, résultant de leur état mental et ont été amenés à constater que, dans la plupart des cas, les cours et tribunaux n’ont pas les éléments nécessaires pour apprécier le degré exact de leur responsabilité. Certains médecins légistes croient avoir rempli suffisamment la mission qui leur a été confiée en concluant sommairement à une responsabilité limitée ou atténuée. Une semblable conclusion est beaucoup trop vague pour permettre au juge d’apprécier la culpabilité réelle du prévenu d’après son état mental au moment de l’action : mais son insuffisance tient généralement au défaut de précision du mandat qui a été donné à l’expert. À côté des aliénés proprement dits, on rencontre des dégénérés, des individus sujets à des impulsions morbides momentanées ou atteints d’anomalies mentales assez marquées pour justifier, à leur égard, une certaine modération dans l’application des peines édictées par la loi. Il importe que l’expert soit mis en demeure d’indiquer avec la plus grande netteté possible, dans quelles mesures l’inculpé était, au moment de l’infraction, responsable de l’acte qui lui est imputé  »

Ainsi, les juges d’instruction étaient instamment priés de « dire si l’inculpé était en état de démence au moment de l’acte dans le sens de l’article 64 du Code pénal  » et d’évaluer « si l’examen psychiatrique et biologique ne révèle point chez lui des anomalies mentales ou psychiques de nature à atténuer, dans une certaine mesure, sa responsabilité  ».

Dans le même esprit, la réécriture de l’article 81 du Code de procédure pénale en 1958 instituait lors de l’instruction deux nouvelles formalités : une enquête de personnalité ainsi qu’un examen médical. La pratique judiciaire a rendu parfaitement illusoires ces deux obligations, en décrétant que la nécessité de ces investigations particulières dépendait in fine de l’« appréciation souveraine par la juridiction d’instruction de la suffisance des renseignements rassemblés  »[8].

La coïncidence entre philosophie juridique et logique médicale ne connaîtra donc sa véritable consécration légale qu’avec l’adoption du nouveau Code pénal en 1994. En effet, soutenue par Robert Badinter lui-même, cette réforme du Code pénal devait considérablement élargir l’influence de l’expertise psychiatrique dans le procès criminel, en s’inscrivant sans équivoque dans la lignée « des lois successives qui ont permis au juge la prise en considération de plus en plus large de la personnalité du criminel  »[9] en matière d’individualisation de la peine. Concrètement, la promotion de l’expert psychiatre dans l’ordre judiciaire s’est effectuée au travers de l’article 122-1 du Code pénal, initialement rédigé comme suit :

« N’est pas punissable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.

La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime  »[10].

Si l’on retrouve indéniablement dans cet article l’esprit de la circulaire Chaumié en termes d’atténuation de la responsabilité pénale, l’on doit en outre souligner une substitution de termes lourde de conséquences : l’ancien article 64 du Code pénal visait la démencecomme cause d’irresponsabilité tandis que l’article 122-1 exige l’existence d’un trouble psychique ou neuro-psychique. L’innovation n’est pas anodine. C. Cherki-Nicklès et M. Dubec, tous deux psychiatres analystes, écrivent à ce sujet :

« Si le terme de démence était faux ou prêtait à confusion, il aurait mieux valu le corriger par un terme général (l’aliénation par exemple) qui reste d’un maniement aisé pour le juge ou le justiciable. Un terme technique met en effet l’expert en place de décideur, rôle qui doit rester au juge  »[11].

La pratique judiciaire a depuis confirmé ces craintes de voir le juge partiellement dépossédé de son pouvoir d’appréciation au profit de l’expert psychiatre, la peine tendant à devenir en majeure partie la transcription juridique d’un diagnostic.

Aussi, au regard de l’histoire du droit pénal, le projet de loi relatif à la rétention de sûreté ne constitue qu’une étape supplémentaire dans la connivence croissante entre le modèle juridique et le modèle clinique du contrôle social, et non le changement radical qu’entend dénoncer Robert Badinter. Ce dernier, s’il peut aujourd’hui la déplorer, ne peut ignorer une telle réalité, ayant été l’un des plus méritants artisans de la médicalisation de la justice répressive au travers de la réforme du Code pénal.

De fait, s’il faut constater un changement radical de notre droit dans le projet d’une rétention de sûreté, il est sans doute moins à chercher dans son principe même que dans le caractère inédit de sa mise en œuvre, qui procède en l’occurrence d’une volonté évidente de restituer au pouvoir judiciaire des attributions qui ont été progressivement abandonnées à l’administration et au corps médical.

La rétention de sûreté, comme un arbre devant la forêt...

De nombreux observateurs opposent au projet de loi relatif à la rétention de sûreté que, au surplus d’être contraire à la tradition juridique française, il serait inutile puisque existe déjà une procédure d’hospitalisation d’office[12].

Or, ce dispositif privatif de liberté est applicable en l’absence même de la commission d’un crime ou d’un délit : la « dangerosité » seule de l’individu suffit à justifier son internement. En d’autres termes, l’argument invoqué atteste à lui seul de la conformité de la rétention de sûreté avec le droit positif ! L’incohérence est d’autant plus grande qu’elle consiste in fine à se réclamer d’un système qui fait la part belle aux risques de détention arbitraire.

En effet, la première particularité de l’hospitalisation d’office est d’échapper au pouvoir du juge : le préfet pour Paris et les représentants de l’Etat pour les départements sont seuls habilités à prendre la décision d’internement ainsi que la décision de sortie.

Selon la procédure courante, l’arrêté d’internement doit être justifié par un rapport circonstancié qui atteste que l’individu atteint d’un trouble mental présente un trouble pour l’ordre public ou la sécurité des personnes. Selon la procédure d’urgence, la « notoriété publique » de la dangerosité de l’individu peut pallier l’absence temporaire d’avis médical, qui devra être établi dans les 24 heures. Dans les deux cas, nulle commission d’infraction n’est exigée comme préalable à l’internement...

Ensuite, dans les trois jours qui précèdent l’expiration du premier mois d’hospitalisation, « le représentant de l’État dans le département peut prononcer, après avis motivé d’un psychiatre, le maintien de l’hospitalisation d’office pour une nouvelle durée de trois mois. Au-delà de cette durée, l’hospitalisation peut être maintenue par le représentant de l’État dans le département pour des périodes de six mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités  »[13]. Il revient enfin au représentant de l’État de décider ou non de mettre un terme à l’hospitalisation d’office, sur la foi des expertises psychiatriques établies à intervalle régulier. A défaut, le procureur de la République, le patient lui-même ou « toute personne lui portant intérêt » peuvent saisir le juge judiciaire, compétent pour connaître de toute contestation portant sur le bien fondé de l’internement.

En 2001, le nombre des hospitalisations d’office s’élevait à 5 904[14]. En 2003, près de 9 000 hospitalisations d’office étaient constatées[15], ce chiffre n’incluant d’ailleurs pas les personnes détenues en milieu hospitalier après avoir été déclarées pénalement irresponsables. D’après la Haute autorité de santé, le nombre des hospitalisations d’office n’a cessé d’augmenter depuis [16].

 

De fait, lorsque l’on met en perspective l’hospitalisation d’office telle qu’elle existe aujourd’hui et le projet relatif à la rétention de sûreté, l’indignation déployée pour dénoncer ledit projet paraît en réalité se tromper d’objet. Car la procédure de rétention de sûreté est autrement plus soucieuse des droits de la défense que ne peut l’être l’hospitalisation d’office, qui évince le juge de la décision initiale d’internement alors même que celle-ci conduit à une mesure privative de liberté, et qui peut être justifiée au seul nom de l’ordre public, notion dont la souplesse d’interprétation vaut souvent encouragement à l’arbitraire. Face à l’hospitalisation d’office, force est de constater que la rétention de sûreté ne souffre pas de la comparaison.

En effet, pour que soit prononcée une mesure du rétention de sûreté, il faut en effet une proposition motivée par la Commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, au vu de tous les éléments utiles et après expertise médicale. La proposition est ensuite transmise au procureur général du lieu de détention de la personne concernée. Après avoir été saisie par le procureur général, c’est ensuite une Commission régionale de la rétention de sûreté qui doit se prononcer. Celle-ci est composée de trois juges de la Cour d’appel. Elle doit nécessairement statuer au plus tard trois mois avant la date de libération prévue, et ce, à l’issue d’un débat contradictoire où la personne concernée est assistée d’un avocat, option que l’hospitalisation d’office n’envisage pas à ce stade de la procédure d’internement. Enfin, un appel de la décision est possible devant la Commission nationale de la rétention de sûreté, composée de trois magistrats de la Cour de cassation [17].

Ainsi, quand la nécessité d’une hospitalisation d’office est simplement décrétée par un représentant de l’Etat et n’est contrôlée qu’a posteriori, sous réserve que soit introduit un recours devant le juge, l’opportunité d’une rétention de sûreté fait systématiquement l’objet d’une concertation en amont. En comparaison d’une hospitalisation d’office qui repose sur une décision effroyablement discrétionnaire, la rétention de sûreté ne paraît pas justifier l’ire qu’elle a provoquée, et semble même augurer du souhaitable retour d’un contrôle judiciaire en matière d’hospitalisation sous contrainte. Si l’on ajoute à cela que le projet de loi, selon toute probabilité, est appelé à concerner une vingtaine de personnes tout au plus [18], contre les milliers de cas constatés d’hospitalisation d’office, le caractère outrancier des reproches adressés au dispositif de la rétention de sûreté n’en apparaît que plus difficilement soutenable.

Pour autant, il ne s’agit pas d’approuver mécaniquement le projet mis en cause. Trop de questions sont encore laissées en suspens pour que l’on y souscrive sans réserves. Mais, dans un débat qui met en branle des questions sociétales d’une telle importance, la moindre des politesses intellectuelles est de réserver ses anathèmes.


[6] Michael Petrunik, Modèles de dangerosité : les contrevenants sexuels et la loi, Criminologie, XXVII, 2,1994, p.97-98.

[7] Ibid.

[9] Projet de nouveau Code pénal - Présentation par Robert Badinter, Dalloz, Paris, 1988, p. 8.

[10] Ibid, p.56-57.

[11] Claude Cherki-Nicklès & Michel Dubec, Crimes et sentiments, Paris, Seuil, 1992, p. 253.

[13] Article L. 3213-4 du Code de la santé publique.

[14] Rapport sur les problèmes de sécurité liés aux régimes d’hospitalisation sans consentement, La Documentation française, Paris, ministère de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales, 2004, p.71.

[17] Voir l’article 1er alinéa 10 à 21 pour la procédure décisionnelle préalable à l’adoption d’une mesure de rétention de sûreté.

[18] Discours de Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice, présentation du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, Assemblée nationale, mardi 8 janvier 2008, p. 16.

Illustration :
Franz von Stück, Lucifer, 1890.


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13 réactions à cet article    


  • Jean-Pierre Lovichi Jean-Pierre Lovichi 23 janvier 2008 16:25

    Il me semble que vos article très intéressant par ailleurs sur sa réflexion sur les modes d’enfermement arbitraires au sein d’une démocratie s’avère fallacieux en ce qu’il confond deux champs qu’il a pourtant parfaitement identifié comme distincts…

     

    La folie et le pénal…

     

    Du reste, l’auteur que vous citez en exergue, michel Foucault a consacré chacun un ouvrage de référence.

     

    Je partage parfaitement votre analyse sur le fait que le traitement de la folie n’est pas satisfaisant en France et du reste il a été rappelé dans la presse (Le Monde… mais je n’ai plus la date en tête) que 25 % des personnes détenues dans nos prisons relevait en principe de la psychiatrie (notamment des shizophrènes) mais que le déficit de crédits attribués à nos structures psychiatriques avait pour conséquence d’orienter ces personnes vers le milieu carcéral totalement inadapté à leur traitement avec toutes les conséquences que l’on connaît en terme d’insécurité au sein des prisons et de récidive à la sortie.

     

    Le problème est donc bien là de la porosité de fait et maintenant de droit avec la nouvelle loi entre psychiatrie et délinquance.

     

    En effet, vous ne pouvez pas tirer argument du fait que l’hospitalisation d’office qui vise à exclure de la société un fou qui pourrait s’avérer dangereux et la peine de sûreté qui s’applique en principe à une personne jugé en pleine possession de ses moyens puisqu’elle a été accessible à la sanction pénale dont il faudrait apprécier la dangerosité une fois la peine accomplie !

     

    Car revenons aux critiques que vous qualifiez « d’anathèmes ».

     

    1/ Il y a confusion entre maladie mentale et délinquance ;

    2/ Il y appréciation d’une dangerosité sur le fondement d’une probabilité ;

    3/ C’est en matière de justice pénale un renversement total de son mode de fonctionnement. Là encore vous confondez deux choses, la prise en considération de la personnalité de l’auteur pour apprécier la peine qui lui sera administrée, laquelle prend effectivement en compte des donnée psychologiques et l’analyse qui est demandée à la commission…

    4/ il s’agit d’une double peine puisque l’enfermement intervient une fois la première peine  accomplie.

     

    Alors, certes, vous indiquez qu’elle ne concerne que vingt personnes…

     

     

     

    Pour le moment, mais une fois l’inversion de fond et de perspective opérée, laquelle se nourrit d’un fantasme propre à tout état sécuritaire total sur les individus, aux fins d’assurer une sécurité totale illusoire en démocratie, à une vision d’une société sans déviance (zéro délit, zéro récidive), le verrou aura sauté et les extensions seront possibles.

     

    Les symboles ont leur importance, tout comme la philosophie et l’esprit qui se trouve au fondement d’une loi.

    Il ne faut jamais les négliger.

     

     


    • Marsupilami Marsupilami 23 janvier 2008 16:34

      Excellent commentaire, je dis pas mieux.

      @ L’auteur, merci pour cet article très bien documenté.


    • adeline 23 janvier 2008 17:57

      à l’auteur l’article plus le commentaire c’est parfait je pense de la bonne information (ainsi que celui de Marsu)


    • genet genet 23 janvier 2008 18:41

      Je fais suite à votre éloquent article dans lequel vous citez Michjel Dubec. A ce sujet, les Editions du Seuil ont publié en février 2007 un livre de cet auteur, au titre racoleur : LE PLAISIR DE TUER
      .

      Le docteur Michel Dubec est psychanalyste, mais c’est surtout un expert psychiatre national auprès des tribunaux.

       

      Or donc, dans ses écrits (retranscrits par la journaliste Chantal de Rudder), il justifie les violences faites aux femmes, et même les viols, au nom de la sacro-sainte nature de la sexualité masculine.

       

      Michel Dubec reconnaît une espèce de solidarité de sexe, qui va jusqu’à une véritable complicité masculiniste, avec le violeur et tueur en série : Guy Georges qu’il a expertisé :

       

      << Sans que je lui en parle, le tueur de l’Est parisien a peut-être deviné le trouble que j’ai ressenti en regardant les photos de ses victimes. Je les trouvais très attirantes. (…) Une communauté de désir nous rapprochait Guy Georges et moi. (…) parce qu’il existait entre nous un partage des mêmes <<objets érotiques>>, j’ai pu faire un bout de chemin avec le tueur en série le plus célèbre de l’hexagone (…) Je ne partageais pas la pulsion homicide de Guy Georges, heureusement. Mais je pouvais ressentir ce qui provoquait sa pulsion érotique. Entre nous, je l’avoue, ce goût commun entrebâilla une porte, jusque là verrouillée à double tour, sur un possible échange.>>. (p.p. 211-212).

       

      Or, cette attirance sexuelle, que Michel Dubec revendique, de façon indécente dans une pareille situation, aurait dû provoquer chez un individu <<normal>> - a fortiori chez un psychanalyste et expert psychiatre – non pas un rapprochement solidaire avec le tortionnaire en question mais au contraire davantage de révolte envers ce dernier et un surcroît d’empathie à l’égard de ses victimes sauvagement violentées.

       

      Pourtant, si l’expert dénonce sans ambiguïté les meurtres de Guy Georges nés de ses pulsions homicides, il s’identifie à ce violeur avec une notoire excitation sexuelle :

       

      ( page 213)

       

      Comme le fait rêver la description de la vie sexuelle du tueur en série que l’expert relate avec une admiration non dissimulée :

       

      << Sa vie sexuelle est trépidante, son tempérament étonnant, il est capable de baiser cinq fois par jour ! >>, (page 218)

       

      ce qui est inadmissible déontologiquement, - sans relever ici la délicatesse des termes utilisés par ce grand spécialiste payé par les contribuables - car il a une véritable responsabilité, et ce qu’il dit et qu’il écrit est rendu publiquement avec son statut d’expert psychiatre national auprès des Tribunaux.

      Nous ne pouvons laisser passer ces propos aussi clairs :

       

      (page 213).

      Pour les justifier, Michel Dubec nous ressort l’antienne selon laquelle :

       

      page 213).

      Ce refrain maintes fois entendu n’a pour finalité que de faire perdurer des relations inégalitaires entre les hommes et les femmes, y compris à l’intérieur de leurs relations sexuelles. C’est une approche archaïque, une vision primaire et profondément machiste, avec toujours la même sempiternelle distribution des rôles sexuels figés une fois pour toutes. Mais ce dont il s’agit également ici, c’est un véritable appel au << viol compris>>.

      En émaillant son compte-rendu de détails sordides, Dubec parle de viols manifestes, mais ces derniers restent aux yeux de l’expert des expériences sexuelles légitimes puisqu’elles ont réussi à satisfaire Guy Georges ! Expériences selon lui abouties puisque seul compte le point de vue masculin, en l’occurrence celui du tueur en série :

      << Il ne s’inhibait pas au dernier moment, il était capable de leur faire l’amour quasi normalement. Il y avait éjaculation à l’intérieur du vagin. Guy Georges donne le sentiment que l’acte sexuel était consommé avec complétude.>>

      Qu’importe la victime, et malgré les violences endurées, il est ici question de << faire l’amour quasi normalement >> (sic) ! Le viol est donc revendiqué en tant qu’expérience sexuelle comme une autre. Du moment que le mâle a bien éjaculé à l’intérieur du vagin, où est le problème ? et que demande donc encore la femme, elle a même eu droit à un préservatif !

      Ce à quoi nous répondons : mais qui sont nos experts psychiatres nationaux ? Peut-on continuer à en laisser certains véhiculer aussi impunément, et sous le label scientifique, toute cette horreur idéologique violemment et dangereusement misogyne ?

      Que deux choses soient bien claires, d’une part, il ne s’agit ici aucunement de contraindre en aucune façon la liberté d’expression. En effet, l’expert dont il est question est un homme de pouvoir, il est reconnu et très souvent nommé dans de grandes affaires de justice, mais il est aussi sollicité dans des commissions pour donner son avis au plus haut niveau gouvernemental. Ce n’est pas un individu comme un autre, non, il porte une très grosse responsabilité, et ses rapports d’expertises ainsi que ses propositions ont des conséquences concrètes. On imagine avec une certaine appréhension ce que de tels propos peuvent tacitement autoriser comme comportements délétères, et l’on craint leur influence, car ils ne vont pas dans le sens du respect des droits fondamentaux des personnes.

      D’autre part, bons nombres de psys se situent d’emblée sur plusieurs niveaux de lecture et d’interprétation, c’est une position stratégique, donc consciente, adoptée afin de contrer d’éventuelles critiques. Ces psys en viennent très rapidement à brandir l’arme rhétorique habituelle : la défense du fantasme et de sa liberté absolue. Or, une fois pour toutes : les féministes ne veulent empêcher personne de fantasmer. Le fantasme n’a rien à voir avec les lignes écrites par Dubec. Il s’agit hélas de véritables viols et Dubec a dû véritablement être en proie à une excitation sexuelle qui l’a submergé – ce qu’il reconnaît volontiers - en écoutant leur récit détaillé fait par Guy Georges. Preuve en est : pourquoi Dubec accepte t-il le fantasme de viol et pas celui d’assassinat ? La réponse, l’expert la donne lui-même, c’est bien sûr parce qu’il ne s’agit pas seulement de fantasme mais aussi d’acceptation du viol lui-même car :

      <<

      Et l’expert de rajouter :

      << Après, quand il tue, tout bascule. On le rejette, incapable de saisir, ressentir, appréhender pourquoi il le fait (…) Et l’on en veut à Guy Georges du bout de chemin qu’on a été capable de faire avec lui(…)>>

      Le bout du chemin que Dubec a fait avec Guy Georges, c’est l’identification massive au violeur et l’excitation sexuelle sadique liée au récit du viol. Le tabou pour l’expert psychiatre, ce n’est donc pas le viol ; le tabou, c’est le meurtre. Avec ces quelques lignes, notre savant fixe les limites de l’acceptable et de l’inacceptable. Le viol étant à ses yeux de l’ordre de l’admissible ; il le fait même rêver.

      Michel Dubec a ainsi fait preuve d’une absence totale du respect élémentaire dû aux familles des victimes.

      Nous sommes en droit de nous interroger sur les débordements identificatoires d’un psychanalyste qui, selon ses propres écrits, a travaillé sur son inconscient des années durant au cours d’une analyse personnelle. En effet, quand un expert, dont la neutralité est indispensable professionnellement, en arrive à une telle explosion de ses propres sens et qu’il découvre qu’il perd ainsi tout recul et toute distance, il me semble que la seule attitude digne qu’il puisse avoir est de se désister.

      Ce que n’a pas fait Michel Dubec qui a préféré ouvertement prendre le parti des violences et des viols faits aux femmes. Violences et viols qui l’ont fait bander.

      (page 213).Oui, c’était possible de s’identifier à ce violeur qui baise des filles superbes contre leur gré, page 213)mais évite de les soumettre à des conditions trop crapuleuses ou de les terrifier, au point qu’elles ne devinent pas qu’elles vont mourir. Deux d’entre elles ont demandé à Guy Georges d’enfiler un préservatif et il a accédé à leur requête, comme si de rien n’était !>>( (page 213).

       

      << Pour parler sans détour, dans la sexualité masculine, il existe un intérêt à obtenir la défaveur de sa partenaire, pas seulement ses faveurs ; à faire crier la femme, peu importe la nature de ses cris. L’acte de pénétrer est en lui-même agressif. Si un homme est trop respectueux d’une femme, il ne bande pas. >>. (

      "Guy Georges, c’est différent. On peut être avec lui, jusqu’au viol compris. >>

       

       

      << Oui, c’était possible de s’identifier à ce violeur qui baise des filles superbes contre leur gré (…)Jusque-là, on peut le comprendre, et même, il nous fait presque rêver, il nous agrippe crûment par nos fantasmes. >>,

       

       


      • genet genet 10 juin 2008 22:33
        nouveau blog à visiter d’urgence

        Une féministe vient de créer son blog que je trouve de très bon niveau. Elle a été choquée par les propos de dubec et reprend notamment de façon la plus complète possible les infos s’y rapportant. Lucidité, humour, qualité des images : ce blog est à visiter d’urgence. Voici le lien :
        http://lepsyquijustifieleviol.over-blog.com


      • bourgpat 23 janvier 2008 19:59

        Une petite question à l’auteur.

        Combien de maladies attendent la date anniversaire de l’hospitalisation pour une rémission spontannée. Combien de médecins se réunissent une fois l’an pour évaluer l’état d’avancement d’une pathologie.

        Si vous avez été hospitalisés au cours des dernières années vous devez savoir que pour limiter le déficit de la sécurité sociale, on renvois les patients dés que possible chez eux quitte à faire finir certains soins de maniere ambulante par des infirmières libérales.

        Mettons l’hypothèse que c’est une maladie et qu’il y a une rémission suffisante 3 mois après la date du derniers examen ; à quoi joue t’on pendant les 9 mois qu’il reste.

        La médecine à bon dos dans cette affaire et l’ellargissement ds cas ou on pense utiliser cette chose en est l’une des preuves les plus flagrante.


        Pour les cas Evrart, on a beaucoup parlé du fait que cette nouvelle chose serait pas pire qu’un internement d’office. Or il y a une différence dans le cadre d’un internement d’office, c’est qu’il faut le justifier par un risque pour la personne elle même ou pour un tier et non justifier pour sortir. Si les gardiens au lieux de vouloir utiliser leur enregistrement pour se dédouaner auprès du public l’avait transmis au préfet en justifiant ainsi de la dangerosité à un tier (puisque cela ne nécessite pas une preuve pénale) on ne s’amuserait pas à créer de nouveaux jouet législatifs racoleur pour détourner l’attention des responsabilités qui existent.


        • Forest Ent Forest Ent 24 janvier 2008 02:25

          En reformulant : la "rétention de sûreté n’est pas attentatoire aux libertés, puisqu’elle s’entoure d’une procédure, associant corps judiciaire et médical, plus solide que celle du seul internement psy traditionnel".

          Dans ce cas là, pourquoi ne pas l’appliquer à ces internements ? Pourquoi ne pas mentionner explicitement que c’est en cela qu’elle consiste ? A quoi sert-elle en plus ? Il y aurait eu une logique simple à dire : "à la fin de sa peine, le condamné sera examiné par ... pour voir s’il doit être libéré ou envoyé à l’asile".

          On peut s’amuser à justifier ce truc-là comme on veut, mais il tombe comme un cheveu sur la soupe. Il n’y en avait aucun besoin.

          Il aurait par contre été intéressant de regarder la situation réelle et actuelle des asiles pour les fous, dont je me suis laissé dire qu’ils connaissaient une grande misère, comme la psy publique en général. A tel point qu’elle doit dégager ses patients qui se retrouvent ... en prison, d’où ils sortiront pour aller ... à l’asile.

          C’est comme "l’audience pour les fous", dont le corps judiciaire se serait bien passé. encore un truc nouveau pour la galerie et qui ne sert à rien.

          La vocation de tout ça, ça semble être de montrer au public qu’on s’occupe de chaque fait divers. Il est vrai que la sécurité est le cheval de bataille favori de l’UMP, surtout vis à vis de son électorat favori, les >65 ans.

          L’avantage des lois débiles, c’est que ça fait réagir les gens normaux, et que du coup le gouvernement peut dire : "vous voyez, ça prouve bien que je fais quelque chose, puisque l’opposition hurle". C’est vrai, le gouvernement fait quelque chose, des conneries inutiles comme celle-là.

          Mais il faut être un peu sérieux. L’UMP, et singulièrement M Sarkozy au poste de ministre de l’intérieur, a largement démontré depuis 6 ans sa totale incompétence en matière de sécurité. Sa seule mesure concrète a été de supprimer l’ilotage et d’envoyer les commandos karchériser la racaille, le tout avec le succès que l’on sait, tel que le ministre actuel se propose de rétablir l’ilotage. Comme disait le "canard enchainé", "la police de proximité revient de loin".

          Il y aurait une solution simple pour éviter ce genre de discussion inutile, et pour que l’UMP nous lâche enfin la grappe avec le sujet de la sécurité sur lequel elle est à la fois nulle et dangereuse, ce serait de faire examiner Sarkozy par une commission départementale et une sous-commission ad hoc pour savoir si on l’envoie à Sainte-Anne, Cayenne ou Mars via Kourou. Ou alors il faut supprimer TF1, que la justice soit sereine, ce qui lui manque le plus avec un président neurologiquement altéré et un ministre mannequin de mode.


          • Jean-Pierre Lovichi Jean-Pierre Lovichi 24 janvier 2008 09:36

            On pourrait ajouter que s’il suffisait pour justifier une loi de dire qu’elle est sous le contrôle des magistrats qui sont appelés à la mettre en oeuvre et que le contrôle judiciaire était toujours le garant de la démocratie, pourrions-nous encore parler de lois scélérates à propos des lois de vichy même si je sais, comparaison, n’est pas raison et que l’on va me dire que je vais trop loin...

            Mais quel juge osera allé au-delà d’un avis rendu par une commission pluri-discipinaiare qui considérerait que l’individu est dangereux ?

            La parole de l’expert est nécessaiement quasi sacralisé et pour avoir fréquenté un temps les tribunaux comme avocat je sais la difficulté à remonter la pente dans un dossier où l’expert, ayant pris un parti d’entrée de jeu, rend un rapport défavorable à la cause que l’on défend.

            Dès lors qu’il y a expertise, le dossier se gagne à l’expertise, tous les professionnels de la justice le savent.

            Mais que vaudra la parole de l’avocat de la défense face à celle del’expert psy qui déciderait de se pronconcer ?

            Mais la question est celle-ci : quels experts psy accepteront de participer/collaborer à la procédure au vu de ce que j’ai lu jusqu’à préent sur le sujet ? il semblerait que les professionnels critiquent vertement l’esprit du texte...

            Donc se pose effectivement la question de l’efficacité de la procédure et donc sa nécessité.

            Ce qui pose effectivement la question de l’instrumentalisation de la looi à des fins électoralistes, ce qui constitue en soi une dérive qu’il convient de critiquer car s’il est vrai que la loi est toujours l’expression d’une volonté politique, elle ne saurait se transformer en unique moyen de communication parmi d’autres.


          • Forest Ent Forest Ent 24 janvier 2008 12:06

            C’est une double dérive, parce qu’elle est instrumentée aux fins de communication de l’exécutif.

            Comme le judiciaire, le législatif demande de la sérénité. Il ne doit pas être soumis aux contraintes quotidiennes de l’exécutif. L’avalanche de textes inutiles censés décorer l’inaction de l’exécutif tue en fait le vrai travail législatif.

            Que le gouvernement assume ses responsabilités, par exemple celle de commander la police et la gendarmerie ! Qu’un ministre ou un président disent "je vais faire une loi" ou bien "j’attends un jugement sévère" prouve de manière éclatante que nos institutions ne fonctionnent pas.

            Sarkozy portera une lourde responsabilité en ayant, par son populisme et sa démagogie effrenés, fait croire aux gens que des sujets compliqués avaient des solutions simplistes, qu’ils vont maintenant réclamer.


          • JC. Moreau JC. Moreau 24 janvier 2008 21:01

            Bonjour à tous et merci pour la patience et le caractère cordial des argumentations exposées.


            Tout d’abord, il me faut préciser, ce que je croyais limpide au regard de l’intitulé du chapitre, que l’évocation des procédures d’hospitalisation d’office (telles qu’elles sont actuellement conçues et pratiquées) n’avait pas pour but de justifier la rétention de sûreté. Il ne s’agissait que de soulever le caractère inopérant de l’argument selon lequel l’existence de l’hospitalisation d’office suffisait d’emblée à écarter toute réflexion sur la pertinence du dispositif de la rétention de sûreté. Plus précisément, il s’agissait de démontrer que l’on ne pouvait sérieusement exciper de l’existence de l’hospitalisation d’office pour dénoncer la logique de la rétention de sûreté, alors que les deux modèles procèdent de la même logique, même si les réponses apportées ne sont pas dans l’absolu de même nature. Pour tout dire, n’emporte pas ma conviction l’idée implicite selon laquelle l’hospitalisation d’office bénéficierait d’une supériorité morale parce qu’elle se propose en premier lieu de "soigner", et laisse entendre que l’ "enfermement" ou la mise à l’écart ne serait qu’une conséquence de cette "louable" volonté.

            Tel que je vois la chose, et même si le dispositif de rétention de sûreté ne recueille pas mon adhésion en l’état, la réintroduction du pouvoir judiciaire dans le processus d’internement psychiatrique me semble éminemment souhaitable, en ce qu’il cesserait de n’intervenir qu’à posteriori, et ce dans des proportions ridicules au regard du nombre exorbitant d’hospitalisation d’office. L’équilibre est à trouver, mais, en dépit de nombreuses aberrations et insuffisances, l’actuel projet a au moins le mérite d’actualiser la question. Mon seul souhait serait que celle-ci reste posée, et qu’elle ne soit pas évincée du débat public au seul motif que l’on a une énième fois agité un épouvantail historique.


            S’agissant de la confusion entre maladie mentale et criminalité, effectivement, comme l’a souligné M. Lovichi, celle-ci pose problème, et je reste moi-même parfaitement indécis sur cette question, ou plus précisément persuadé que l’on ne peut aussi facilement opérer une nette distinction entre ce qui constitue une "intention" criminelle et ce qui procède d’une "maladie" mentale. A mon sens, le projet de loi relatif à la rétention de sûreté est symptomatique de l’existence de cette zone grise, zone que l’on ne peut abolir, me semble-t-il, sans risque de revenir au très catégorique article 64 du Code pénal de 1810.


            Sur la question qui se pose après amendement du Sénat, posant le principe de non-rétroactivité du projet, la question devient : la rétention de sûreté peut-elle être qualifiée, au sens juridique du terme, comme une « peine complémentaire » ?

            Dans le cas d’une réponse affirmative, le projet de loi ne sera pas inquiété par le Conseil constitutionnel. Dans le cas d’une réponse négative, la rétention de sûreté heurte le principe de "non bis in idem" et sera déclarée, selon toute probabilité, inconstitutionnelle.

            En l’état actuel du texte, du fait que le caractère thérapeutique du projet cède largement le pas devant l’objectif de sûreté, je serais enclin à considérer que la rétention de sûreté ne peut être considérée comme une peine complémentaire (et ce même malgré son caractère facultatif), et qu’elle est de ce fait contraire au principe selon lequel l’on ne peut être condamné deux fois pour une même peine.


            Mais une fois ceci établie, une fois réfutée l’opportunité de la rétention de sûreté, la question posée si abruptement par cette dernière reste entière :


            - Quel modèle de contrôle social pour l’auteur d’un crime qui, sans être pénalement irresponsable, ne peut être considéré comme parfaitement sain d’esprit et sollicite de ce fait le concours de la justice ET de la médecine ?

            En considérant que l’administration forcée des soins est non seulement illégale, mais en l’occurrence médicalement contre-productive de l’avis partagé de tous (sauf erreur de ma part), l’on se heurte de fait à une parfaite aporie. Et je crains qu’à force de solliciter l’Allemagne nazie comme épouvantail historique, on ne finisse par laisser cette question à l’état d’aporie… Bref, sans que la rétention de sûreté emporte mon adhésion, je lui reconnais néanmoins le mérite, quand bien même fut-il indépendant de la volonté de ses artisans, d’amener dans le débat public des questions qui obligent à la fois la société et l’Etat.







             


          • JC. Moreau JC. Moreau 24 janvier 2008 21:03

            Bonjour à tous et merci pour la patience et le caractère cordial des argumentations exposées.


            Tout d’abord, il me faut préciser, ce que je croyais limpide au regard de l’intitulé du chapitre, que l’évocation des procédures d’hospitalisation d’office (telles qu’elles sont actuellement conçues et pratiquées) n’avait pas pour but de justifier la rétention de sûreté. Il ne s’agissait que de soulever le caractère inopérant de l’argument selon lequel l’existence de l’hospitalisation d’office suffisait d’emblée à écarter toute réflexion sur la pertinence du dispositif de la rétention de sûreté. Plus précisément, il s’agissait de démontrer que l’on ne pouvait sérieusement exciper de l’existence de l’hospitalisation d’office pour dénoncer la logique de la rétention de sûreté, alors que les deux modèles procèdent de la même logique, même si les réponses apportées ne sont pas dans l’absolu de même nature. Pour tout dire, n’emporte pas ma conviction l’idée implicite selon laquelle l’hospitalisation d’office bénéficierait d’une supériorité morale parce qu’elle se propose en premier lieu de "soigner", et laisse entendre que l’ "enfermement" ou la mise à l’écart ne serait qu’une conséquence de cette "louable" volonté.

            Tel que je vois la chose, et même si le dispositif de rétention de sûreté ne recueille pas mon adhésion en l’état, la réintroduction du pouvoir judiciaire dans le processus d’internement psychiatrique me semble éminemment souhaitable, en ce qu’il cesserait de n’intervenir qu’à posteriori, et ce dans des proportions ridicules au regard du nombre exorbitant d’hospitalisation d’office. L’équilibre est à trouver, mais, en dépit de nombreuses aberrations et insuffisances, l’actuel projet a au moins le mérite d’actualiser la question. Mon seul souhait serait que celle-ci reste posée, et qu’elle ne soit pas évincée du débat public au seul motif que l’on a une énième fois agité un épouvantail historique.


            S’agissant de la confusion entre maladie mentale et criminalité, effectivement, comme l’a souligné M. Lovichi, celle-ci pose problème, et je reste moi-même parfaitement indécis sur cette question, ou plus précisément persuadé que l’on ne peut aussi facilement opérer une nette distinction entre ce qui constitue une "intention" criminelle et ce qui procède d’une "maladie" mentale. A mon sens, le projet de loi relatif à la rétention de sûreté est symptomatique de l’existence de cette zone grise, zone que l’on ne peut abolir, me semble-t-il, sans risque de revenir au très catégorique article 64 du Code pénal de 1810.


            Sur la question qui se pose après amendement du Sénat, posant le principe de non-rétroactivité du projet, la question devient : la rétention de sûreté peut-elle être qualifiée, au sens juridique du terme, comme une « peine complémentaire » ?

            Dans le cas d’une réponse affirmative, le projet de loi ne sera pas inquiété par le Conseil constitutionnel. Dans le cas d’une réponse négative, la rétention de sûreté heurte le principe de "non bis in idem" et sera déclarée, selon toute probabilité, inconstitutionnelle.

            En l’état actuel du texte, du fait que le caractère thérapeutique du projet cède largement le pas devant l’objectif de sûreté, je serais enclin à considérer que la rétention de sûreté ne peut être considérée comme une peine complémentaire (et ce même malgré son caractère facultatif), et qu’elle est de ce fait contraire au principe selon lequel l’on ne peut être condamné deux fois pour une même peine.


            Mais une fois ceci établie, une fois réfutée l’opportunité de la rétention de sûreté, la question posée si abruptement par cette dernière reste entière :


            - Quel modèle de contrôle social pour l’auteur d’un crime qui, sans être pénalement irresponsable, ne peut être considéré comme parfaitement sain d’esprit et sollicite de ce fait le concours de la justice ET de la médecine ?

            En considérant que l’administration forcée des soins est non seulement illégale, mais en l’occurrence médicalement contre-productive de l’avis partagé de tous (sauf erreur de ma part), l’on se heurte de fait à une parfaite aporie. Et je crains qu’à force de solliciter l’Allemagne nazie comme épouvantail historique, on ne finisse par laisser cette question à l’état d’aporie… Bref, sans que la rétention de sûreté emporte mon adhésion, je lui reconnais néanmoins le mérite, quand bien même fut-il indépendant de la volonté de ses artisans, d’amener dans le débat public des questions qui obligent à la fois la société et l’Etat.







             


          • Jean-Pierre Lovichi Jean-Pierre Lovichi 25 janvier 2008 10:13

            Merci de cette précision qui permet de clarifier votre position, son fondement idéologique et surtout son postulat de départ. Il y abien dasn votre approche une confusion ou ce que vous nommez une zone d’ombre entre délinquance et folie (pour faire court, disons trouble mental).

            Or, c’est bien là que réside toute la difficulté...

            Si l’on est accessible à la sanction pénale que les détenus en question auront purgé, c’est que l’on a agi sans que l’exception de trouble mental ait été retenue.

            Dans ces conditions, deux solutions :

            1/ il s’agit d’une erreur judiciaire dans la mesure où le détenu relevait en réalité de la psychiatrie et auquel cas il aurait dû être traité dès son arrestation et on sait les capacité de la prison à traiter les fous... hier soir à une réunion de la LDH, nous avons reçu une jeune étudiant de l’association GENEPI qui nous indiquait que plus de 30 % des détenus étaient atteints en prison de troubles mentaux... alors que le seul psychiatre et le psychologue ne sont même pas à temps plein en prison... Que la seule parade truvé est le traitement chimique voir l’acceptation tacite du trafic de drogues plus ou moins douces...

            2/ ou il ne s’agit pas d’une erreur judiciaire et ’lon voit mal ce qui justifie l’appréciation de sa dangerosité en sortie de peine sauf à admettre que la prison est en échec dans mission de préparationà la réinsertion (éducation du prévenu, préparation de sa sortie...) et que la solution trouvé à la carence du système carcéral en la matière est le maintien sous une autre forme de la détention...

            Quand on sait que les prisons sont surtout aujourd’hui des prisons de la misère, faire le raccourci entre délinquance et trouble mental paraît très rapide !! Et effectivement dangereux sans avoir besoin de regarder forcément dans le passé quoique la lecture d’auteurs comme primo Levi nous alerte sur le fait que finalement les procédés mis en oeuvre dans les camps ne sont pas si éloignés de certains des mécanismes que l’on retrouve à l’oeuvre dans nos sociétés et notamment nos grandes entreprises.

            Encore une fois, il ne s’agit pas de jouer à se faire peur mais juste de défendre les valeurs démocratiques sur lesquelles nous ne sommes pas prêts à transiger.

            Il faut juste que chacun soit bien conscient des présupposés qui se trouvent au fondement de ses positions et qu’il en mesure les conséquences. 


          • alex 24 janvier 2008 12:47

            Bonjour,

            Sous des airs d’éloquence et un goût pour la rhétorique, votre message tombe dans le penchant qu’il croit reconnaître chez ceux qui dénonçent le projet de rétention de sûreté...

            Il y a beaucoup de confusions dans votre message, d’autant plus étonnantes que par ailleurs certains éléments sont très précisément renseignés. Votre article manque à tout le moins de rigueur, sinon d’honnêteté :

            Premièrement, la confusion fondamentale entre l’hôpital et la rétention de sûreté. Ce qu’on nous promet, c’est bien un espace qui ne soit ni prison ni hôpital, et c’est aussi là que le bât blesse : les personnes retenues ne seront là ni pour "purger une peine" ni pour "être soignées".

            En outre, ce que vous dénoncez dans la procédure d’hospitalisationd ’office, c’est que le juge y ait pour rôle de contrôler l’hospitalisation et non de la décider. Or dans cette procédure, le juge est bien là pour contrôler que l’hospitalisation n’est pas abusive et donc agit comme garant des libertés individuelles. On peut par ailleurs dénoncer le manque d’efficacité et d’effectivité de ce contrôle et le trop grand nombre d’hospitalisations abusives, mais cela ne change rien au fait que la position du juge sera absolument différente avec la rétention de sûreté puisqu’il prononcera l’enfermement.

            Par ailleurs, la dilution de responsabilité entre juge et experts est véritablement problématique dans la mesure où une fois que les experts auront recommandé le placement en rétention de sûreté au motif qu’il n’y a pas d’autre solution et que la personne en question est particulièrement dangereuse, quelle marge de manoeuvre restera donc au juge ? Vous décrivez une mécanique de précision qui de commission en commission, donne l’apparence d’une garantie du respect des droits fondamentaux, mais qui n’en donne que l’apparence, pas l’assurance.

            Cordialement,

            Alex

            PS : contre la rétention de sûreté, signez la pétition : http://www.contrelaretentiondesurete.fr

             

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JC. Moreau

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