DOM assez de non-dits et de contre-vérités !
Notre information télévisuelle, la seule qui compte désormais, vu l’agonie de la presse écrite et les dérives mercantiles et publicitaires des médias radiodiffusés, est aussi surabondante que trompeuse ou même mensongère.
Pour des raisons complexes qui mériteraient examen, la crise des DOM illustre tout particulièrement ce point. Vu le manque d’espace éditorial, je me limiterai, pour ce texte, sans préjuger d’une suite, à trois points précis sur lesquels se concentrent bien des non-dits et des contre-vérités.
1. La question de l’octroi de mer.
Cette taxation, à la dénomination si délicieusement archaïque, est présentée comme un fléau pour les DOM et il ne manque pas de commentateurs patentés qui en réclament la suppression, pour faire baisser des prix jugés excessifs.
La logique de cet impôt, dont le revenu alimente surtout les instances locales, est, par le jeu de cette taxation, qui devrait frapper principalement les produits importés, de favoriser la production locale. Par ailleurs, les DOM, n’étant pas soumis aux règles de la TVA harmonisée au sein de la Communnauté européenne, des réductions du taux de TVA peuvent atténuer les effets de l’octroi de mer.
Tout cela n’est pas si bête, si le système est appliqué de façon intelligente et adaptée, et surtout si on le met en oeuvre dans une perspective de développement réel d’une industrie locale. On a beaucoup parlé du prix des yaourts aux Antilles, mais, par exemple, à la Réunion, par le biais des cantines scolaires, on a, en quarante ans, totalement changé l’alimentation locale. Le lait, avec lequel, dans les Hauts de l’île, on nourrissait autrefois les porcs, sert désormais à fabriquer les millions de yaourts qui sont consommés chaque année dans le pays.
2. La question des prix
Cette question est liée, pour partie à la précédente. Audrey Pulvar, présentatrice antillaise de France3 (qui est, pour l’anecdote, la fille de Marc Pulvar, co-fondateur avec Alfred Marie-Jeanne du MIM, le Mouvement Indépendantiste Martiniquais) était, le 15 janvier 2009, l’une des invités de Serge Moati dans son émisison « Ripostes ». Elle s’y indignait des prix pratiqués aux Antilles avec l’essence à 1,10 ou 1,20 euro le litre et l’huile à 4,5 euros. Madame Pulvar ne doit pas souvent faire des courses ou ne fait guère attention aux prix, car, en métropole, les huiles ordinaires coûtent, pour les moins chères, environ 4 euros ; elle ne doit pas non plus payer l’essence, car elle saurait alors qu’en métropole, comme aux Antilles, les prix du super sont les mêmes, aux alentours aussi de 1,15 ou 1,20 euro. Quant au prix des couches pour bébé, sous les tropiques, on peut recommander de renouer avec l’usage, pas si ancien, des « couches » de coton, lavables. Avec la vogue écologique, elles redeviennent à la mode chez nos « bobos » ; elles sont, non seulement beaucoup moins chères, puisqu’elles sont indéfiniment réutilisables ; en outre, sous les tropiques, avec le soleil et le vent, elles sont d’usage et d’entretien très faciles.
L’abandon progressif, sous la pression du modèle du Nord, des habitudes alimentaires traditionnelles alourdit énormément les dépenses en ce domaine, mais on peut tout à fait survivre, dans ces îles lointaines, sans eau d’Evian, cerises et roquefort ! On ne doit pas perdre de vue, par ailleurs, que sous les Tropiques, certains postes de dépenses, parfois très lourds en métropole (comme le chauffage et l’habillement surtout), sont quasi-inexistants. Selon les estimations les plus sérieuses (pas celles d’Audrey Pulvar !), la différence du coût de la vie entre la métropole et les DOM ne serait, en fait, que de 10 à 15% (Rapport de Marc Laffineur).
3. Les 40% de supplément des fonctionnaires comme indemnité de cherté de vie ?
Si l’on ajoute à ces 40% supplémentaires (par rapport aux traitements métropolitains) qui sont accordés aux fonctionnaires des Antilles (où, en Martinique, par exemple, 37% de la population active relève de la fonction publique) et aux 53% pour ceux de la Réunion, les avantages fiscaux (impôt sur le revenu réduit au moins de 30%), les bonifications sur les retraites (30 ans de cotisation au lieu de 40 et les retraites sont elles-mêmes majorées), les congés dits « bonifiés » (un voyage tous les trois ans), le supplément effectif de rémunération est plutôt, en fait, au minimum de 60% plutôt que de 40%.
Cette estimation est confirmée pour les rémunérations proprement dites par les chiffres officiels dont, curieusement, on ne fait guère état : le salaire net annuel moyen d’un fonctionnaire à la Martinique est de 34 976 euros, contre 24 935 euros en métropole. Il atteint 37 575 euros à la Réunion (source : données INSEE dans le rapport d’H. Torre, sénateur UMP).
Il est d’ailleurs curieux de constater, au passage, que les leaders de LKP (« Lyannaj Kont Profitasyon », formulation en « créole dragon » et non en langage courant !) comme le malheureux syndicaliste abattu à Pointe-à-Pitre, sont des fonctionnaires ou assimilés. Ce sont eux qui, lorsqu’il est question de supprimer ces 40% (un serpent de mer dans les DOM) descendent dans la rue pour défendre ces privilèges, sans avoir l’idée, pourtant bien simple et naturelle, de proposer d’utiliser ces crédits devenus disponibles pour augmenter les salaires du secteur privé déjà jugés trop bas.
On entend dire partout, y compris par des autorités comme Christiane Taubira, pourtant parfaitement au courant de la vérité historique, que ces 40% seraient destinés à compenser la cherté de la vie. C’est naturellement faux et absurde.
En effet, cette indemnité existe depuis 60 ans et elle a été créée, à l’origine, pour attirer dans les nouveaux DOM (créés en 1948 sur propositions communistes !) des fonctionnaires méropolitains, dont on avait besoin. L’éloignement de ces affectations (les liaisons aériennes n’existaient pas encore) détournaient, en effet, de s’y porter candidats. A l’origine, ces avantages étaient réservés aux fonctionnaires métropolitains. Suite aux revendications, ces avantages ont été étendus ensuite aux fonctionnaires locaux et à toutes les catégories assimilées. Rien à voir dans tout cela avec le coût de la vie !
Eventuellement à suivre car il y a bien d’autres choses à dire !