« L’enseignement catholique replacé au cœur du diocèse »[1]
La question du dualisme scolaire est sortie des écrans radars de la laïcité. Pour autant, le problème demeure, même si l’enseignement privé, monopolisé par le réseau catholique se montre, aujourd’hui, particulièrement discret. Est-ce pour faire oublier les multiples concessions, dont la loi Carle, décernées au titre d’un ralliement inconditionnel à la politique scolaire du précédent quinquennat ?
Ce silence actuel masque aussi les réformes structurelles de cet enseignement catholique qui procède de logiques communautaires et marchandes. L'enseignement privé sous contrat, par son mode de gestion entrepreneurial participe à une concurrence subventionnée pour une privatisation de l’éducation. L’omerta entretenue autour de la ségrégation scolaire ne permet plus, aujourd’hui, d’appréhender ses évolutions institutionnelles. Par de nouveaux statuts, l’assemblée des évêques d’avril 2013 vient de créer un « conseil épiscopal de l’enseignement catholique ». C'est un retour explicite à la logique cléricale : « L'enseignement catholique est en effet un des vecteurs de la nouvelle évangélisation ».
Par ailleurs, la gestion administrative et financière de ce système est désormais explicitement confiée à la Fédération des organismes de gestion de l’enseignement catholique (FNOGEC). La FNOGEC cherche à passer « d’un réseau d’appartenance à un réseau collaboratif » pour fédérer les moyens. Tout le contraire de la loi qui ne reconnaît d'entité juridique, que l’établissement. En valorisant « l’image de marque de l’enseignement catholique » on transfert le contrat de l’établissement à l’entité « enseignement catholique » pour négocier avec les collectivités publiques[2]. Cette démarche s’inscrit dans une logique libérale « d’offre et non plus de demande ». Il faut, nous explique la FNOGEC mettre en concordance les territoires « religio-administratifs », politiques et économiques pour se « redéployer à l’échelon régional » et « exploiter les espaces crées par les réformes de l’enseignement public » et ainsi profiter de ses difficultés voire de les aggraver. Cette stratégie de la FNOGEC s’est mise en place dans ses « journées nationales » d’avril 2013[3] : « …il est fondamental que nous réfléchissions sur la façon dont nous devons faire évoluer notre modèle économique à court, moyen et long terme ».
Le Comité national de l'enseignement catholique (CNEC) a, de son côté, promulgué en septembre 2012 un texte important intitulé : "Préconisations pour une politique immobilière de l’Enseignement Catholique". Ce texte vise à centraliser et fédérer les activités immobilières de l'enseignement catholique et porte une nouvelle atteinte à la laïcité des lois de la République : « Le droit de propriété sur les biens … est soumis à deux ordres juridiques, le droit canonique et le droit français, qu’il s’agit d’appliquer conjointement. »
Ce document, révélateur de l’évolution d’une nouvelle problématique, renforce la collusion entre l’Eglise et l’ultralibéralisme. Collusion incarnée par la FNOGEC dont les responsables appartiennent, le plus souvent, à l’IFRAP, Famille de France, Mouvement pour la France, Pro vie … et publient dans « L’Homme nouveau », « Liberté chérie »…. Ce développement économique financé par défiscalisation, enfreint la législation scolaire en s’appuyant sur le développement très récent de la « Fondation Saint Matthieu » créée en 2010. « Fondation sous égide » elle vient de mettre en place plusieurs antennes régionales et locales en 2012 pour développer le financement public indirect.[4]
Le dualisme scolaire est d’autant plus redoutable, pour le vivre ensemble qu’aux clivages religieux et sociétaux, voir le « mariage pour tous », se surajoute une volonté de privatiser insidieusement l’Ecole de tous par une concurrence que finance la puissance publique.
L’enjeu républicain de l’école publique et laïque est plus que jamais d’actualité.
Eddy KHALDI
[1] Titre de La Croix 18 avril 2013
[2] La première convention de l’Enseignement catholique se tiendra les 1 er et 2 juin 2013 au Parc Floral de Vincennes à Paris sur le thème « Avons-nous besoin de l’Ecole catholique ? ».
33 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON