Polémique sur la justice : faut-il introduire un système de peine automatique ?
La révélation d’une note confidentielle du préfet de Seine-Saint-Denis à propos de la délinquance en augmentation dans ce département, notamment du fait d’actions de mineurs difficiles à réprimer, a suscité de nombreuses réactions polémiques sur l’ « impuissance », voire le « renoncement » de la justice face à ces délits. Faudra-t-il en venir au système américain : « Three strikes and you are out » (trois délits et c’est la prison automatique) pour s’en sortir ?
Certes, ce n’est pas la première fois que la justice est accusée de laxisme envers des délinquants. Certes, la note du préfet pointait aussi du doigt les insuffisances en matière d’effectif policier dans le 93, ce que s’est empressé d’oublier le ministre de l’intérieur dans ses commentaires sur les juges du tribunal de Bobigny. Certes, les chiffres de ce même tribunal montrent un accroissement de la sévérité des condamnations infligées aux mineurs, des peines de prison étant requises plus fréquemment. Certes, certes, certes...
Mais l’unanimité des élus de tous bords sur l’aggravation de la situation et l’apparente impunité de certains mineurs multirécidivistes doit nous interpeller. Comme l’indique le député-maire (UDF) de Drancy, Jean-Christophe Lagarde :« On reste au niveau de la réprimande pour les mineurs, et ces mêmes adolescents une fois devenus majeurs, finissent en prison, il n’y a pas de sanctions prévues entre les deux. »
On peut alors se demander s’il ne faudrait pas transposer en France le système qui a vu le jour en 1994 aux États-Unis, qui condamne de façon automatique, dans certains États, les récidivistes à une peine sévère au troisième délit.
L’objectif ne serait certainement pas de calquer à l’identique ce système. D’abord parce qu’il a initialement été prévu pour des majeurs auteurs de délits avec violence. Ensuite, parce qu’il a conduit à des énormités, comme la condamnation à dix ou vingt ans de prison pour la simple détention de quelques grammes de drogue par exemple, ou un vol de voiture. Enfin parce que les statistiques ont montré que les États qui avaient adopté ce système n’avait pas vu leur taux de criminalité baisser.
L’objectif ne serait pas non plus de conduire ces mineurs en prison. Toutes les études sociologiques montrent les dégâts causés par ces séjours en prison, conduisant généralement les condamnés à s’enfoncer dans la délinquance.
Pour autant, la vertu pédagogique d’une condamnation réelle et dissuasive au troisième délit ne peut être écartée. Bien sûr, le délit doit être clairement prouvé et la condamnation adaptée à la faute, qui pourrait d’ailleurs ne concerner que les délits avec violence, qui constituent le problème le plus urgent. Travaux d’intérêt général (largement sous-utilisés, faute de moyens), internats spécialisés, voire un service civil anticipé, on peut imaginer différentes possibilités. L’essentiel est de répondre rapidement à une situation qui dégénère. Cela signifie (beaucoup) plus de moyens pour l’application de peines alternatives à la prison, mais aussi, peut-être, des outils juridiques nouveaux pour les juges des mineurs.
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