AF447 : le précédent d’Air Caraïbes qui accable
Un article publié par le site EuroCockpit.com apporte un éclairage nouveau et inquiétant sur le crash du vol AF447. Derrière le drame et la communication officielle laconique, des pilotes révèlent ce qui pourrait bien être le début du scandale...
Ce n’est un secret pour personne, EuroCockpit a toujours dit haut et fort la relative méfiance qu’il éprouvait à l’égard de certaines communications du BEA. Tout ce que nous dit le BEA, nous vérifions. Tout ce qu’il écrit, nous vérifions deux fois.
Sainte Odile ? Habsheim ? Flash Airlines ? Concorde ? Douala ? Cayenne ? Toronto ? Autant d’occasions d’être un peu échaudés par la communication officielle, destinée principalement à la presse qui imprime la bonne parole sans imaginer un instant qu’il puisse y avoir d’autres versions que les versions estampillées "République Française".
Un constat s’impose : le retour d’expérience est mort, et avec lui probablement les 228 passagers et membres d’équipage du vol AF447.
Pour bien comprendre pourquoi et comment on en est arrivés là, il faut reprendre la tragédie au début.
Quand les messages ACARS arrivent à Air France, cette nuit du 1er juin, ils arrivent dans un ordre qui est propre au système : chronologiquement mais sans tri au sein de chaque minute. En réalité, il faut analyser ces messages pour bien les comprendre.
En haut du document, on trouve le numéro de page. Page 28 sur 256, le message ACARS le plus ancien date du 31/05 à 22h45Z. Il concerne un WRN (Warning) puis un FLR (Fault Report). Le plus ancien est donc en bas. Les messages suivants datent de du 1er juin à 02h10Z.
Si on observe ces messages de 02h10 (encore une fois il n’y a pas de tri dans la liste) on s’aperçoit qu’il s’agit en début de liste (donc de bas en haut) de messages de type alarme (WRN = warning). Ces messages d’alarme sont tous la conséquence d’une faute d’un système.
Or, si on fait la liste des messages de panne (FLR = FAULT REPORT), le premier message est en réalité page 29, presque à la fin de la liste. Il faudrait classer les messages de 02h10 en commençant par les "FAULT REPORT".
A 02h10, les premières pannes concernent les ATA 34 puis 27.
Plus précisément l’ATA 34, sous-ATA 11. Le chiffre 06 précise la phase de vol, en l’occurrence 06 pour CRUISE, croisière.
A 02h10, le premier des deux "FAULT REPORTS" concerne donc l’ATA 34 (message "FLR [...] 34111506EFCS2 [...]") et signifie :
- ATA 34 (navigation)
- 11 (Sensors, power supply and switching)
- 15 (Pitot probes)
- 06 (cruise)
Avec comme conséquence la panne FLR 27933406 (Flight control primary computer en croisière), puis toute la longue liste des messages WRN (WARNING) qui découlent de la perte totale de références anémométriques, puisque c’est bien de cela dont on parle.
En clair, quelques heures après l’accident, le BEA, Airbus et Air France avaient bien entendu le contenu des messages, et leur signification. Ils savaient qu’il s’agissait - de nouveau - d’un problème sur les tubes Pitot.
ATA 34 sous-ATA 11/15, et Air France et le BEA viennent nous parler de problèmes électriques, de foudre, de turbulences, d’orages, de FIT, de ZCIT, devant toutes les caméras du monde entier ?
ATA 34, sous-ATA 11/15, et le BEA nous explique que l’enquête sera longue et difficile, et qu’il y a peu de chances de retrouver les enregistreurs ?
ATA 34, sous-ATA 11/15, et on laisserait voler des avions encore équipés avec plusieurs sondes défaillantes ?
Nous sommes pour le moins choqués de cette manière de traiter le retour d’expérience. Car, en cherchant un peu, on s’aperçoit que le problème n’est pas nouveau, et qu’il est loin d’avoir été découvert en ce mois de juin tragique.
A quoi sert le retour d’expérience, messieurs du BEA ?
(...)
En 2008, deux A330 d’Air Caraïbes ont probablement vécu le même scénario que le vol AF447. Il y a eu une communication faite auprès de l’autorité de tutelle (la DGAC, organisme qui ne sert plus à rien dans la chaîne du retour d’expérience), auprès du constructeur aussi, qui selon nos informations a traité le problème et l’a expliqué au cours d’une conférence safety organisée en 2008.
EuroCockpit a pu consulter le rapport Air Caraïbes, que nous mettons en ligne dans l’intérêt de la sécurité des vols dans le monde entier.
Il ressort de ce rapport que l’équipage ACA a eu beaucoup de chance de s’en sortir, nous donnerons plus tard la lecture "décodée" de ce qu’il s’est produit.
Selon toutes vraisemblances, un scénario proche de celui-ci s’est déroulé à bord du vol AF447.
La "phase 7" du document ACA décrit que le changement des tubes Pitot de la flotte est intervenu en septembre 2008. Or, Air France dans sa note du 6 juin écrit :
Au premier trimestre 2009 des essais en laboratoire font cependant apparaître que la nouvelle sonde pourrait apporter une amélioration significative au problème de givrage en haute altitude par rapport à la sonde précédente. Pour le vérifier, Airbus propose une expérimentation en vol, en situation réelle. Sans attendre cette expérimentation, Air France décide alors de changer toutes les sondes de sa flotte A330/340 et le programme a été lancé le 27 avril 2009.
Pourquoi le retour d’expérience Air Caraïbes (sans parler des Qantas 072, Jetsar, etc..) n’a pas fonctionné, alors que Air France dépend de la même autorité de tutelle que ACA ?
Pourquoi les ASR Air France (Tokyo, Tananarive, etc.) n’ont pas été traités autrement que par une réponse laconique de la maintenance, ou encore par une simple info OSV ?
Pourtant, même avec ces messages ACARS qui circulent sur la toile, on continue de nous parler de la foudre et des orages depuis le 1er Juin. Le secrétaire d’Etat aux Transports, hier encore, nous expliquait que l’accident du vol AF447 était difficilement explicable « on n’en sait rien. (...) Donc pour l’instant, on ne peut vraiment privilégier aucune hypothèse » (sur RTL hier).
Par ailleurs, et selon nos informations, la compagnie Air France pourrait ne pas changer tous les tubes Pitot sur les A340 et A330, en raison d’un problème d’approvisionnement, mais effectuerait des changements partiels sur chaque avion (1 tube par avion). Or on sait que la situation du vol AF447 pourrait survenir même avec 2 tubes Pitot défaillants...
On espère sincèrement qu’il n’en est rien...
UPDATE : le syndicat ALTER lance ce jour une consigne à tous les PNT Air France qui consiste à refuser les vols sur les avions n’ayant pas au moins 2 sondes remplacées.
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