Dieu est un hologramme ! Ainsi parle la cosmologie après Hawking

La gravitation sous un éclairage nouveau
La gravitation est donc une « force entropique » a dit Verlinde. Maintenant, vous aimeriez bien comprendre un peu plus ce qui se trame sur cette affaire et vous conviendrez qu’expliquer un article sur lequel butent les meilleurs physiciens est hors de portée pour mes modestes neurones. Il est néanmoins possible d’indiquer quelques pistes philosophiques. Il y a plus de trois siècles, Newton avait associé deux phénomènes, le mouvement des corps célestes et celui de la chute des corps. Sa vision était mécaniste et comme par une sorte de ruse de la nature, les équations de la gravitation fonctionnaient parfaitement. Tout se passait comme si les astres étaient à l’image d’une boule rattachée à une corde et qu’on fait tournoyer. Poussée par l’inertie, une force centripète devrait éjecter la boule mais la corde étant solide, une force centrifuge permet de contrecarrer son opposée et maintenir la boule dans sa trajectoire circulaire. La mécanique de Newton a imaginé une corde invisible partout présente dans l’univers et il l’a appelé force de gravitation. Sauf que cette force suppose une action à distance alors qu’il n’y a aucun médiateur rendant compte de cette action. Néanmoins, la gravitation est définie comme l’une des quatre forces fondamentales. Elle s’ajoute aux trois « interactions quantiques », électromagnétique, faible et forte qui elles, existent alors que chacune est médiatisée par un quantum ou plus. Ces forces portent bien leur nom. Interaction. Ce qui signifie échange de quantum d’action. En 1950, ce que la physique pouvait dire, c’est qu’il y a trois forces fondamentales. La gravitation étant alors une quatrième force mais dont on ne connaît pas le quantum d’interaction. Autrement dit, tous les phénomènes matériels sont imputables à l’une des trois forces fondamentales, sauf les « phénomènes cosmologiques ». La cosmologie moderne a connu deux moments. Pour faire bref, le moment newtonien place l’univers matériel dans l’espace et le temps. Puis avec Einstein, c’est l’espace-temps et les masses qui sont incluses dans l’univers. Mais il se peut qu’un troisième âge de la gravitation se dessine, initié par des travaux datés entre 1970 et 2010.
Retour en 1917, lorsque Einstein publie les équations de la cosmologie relativiste permettant de calculer comment l’espace-temps et les masses s’ajustent réciproquement dans l’univers. Ces équations fort complexes ont permis de calculer l’orbite exacte de Mercure. Elles sont aussi utilisées pour les corrections minimes, certes, mais notables lorsqu’on utilise un GPS. Sans ces corrections, l’appareil se tromperait de quelques dizaines de mètres.
Sur le plan épistémologie, soulignons qu’on peut extraire à partir des équations relativistes la « force gravitationnelle » classique et retomber ainsi sur les équations de Newton. Ouf, la physique est sauvée et l’on peut lire dans les manuels pour étudiants que la cosmologie d’Einstein n’a fait que dépasser en l’englobant la théorie de Newton. Cette idée présente pour les épistémologues un intérêt heuristique car on peut concevoir que la théorie d’Einstein a élargi la gravitation de Newton. Avec une subtilité puisque la force au sens mécaniste du terme a disparu dans les équations d’Einstein dont il faut rappeler qu’elles ont pour objectif de déterminer la géométrie de l’espace-temps. Deux tenseurs y figurent, l’un purement géométrique et l’autre spécifiant la densité de matière (masse, énergie). Il suffit d’appliquer le principe de Mach selon lequel la géométrie de l’espace est déterminée par son contenu matériel et le tour est joué. Non seulement on n’a plus besoin de la force de gravitation mais en plus, son absence suggère une évidence que des générations de physiciens ont tenté de refouler : « il n’y a pas de force de gravitation ». Pourtant, le sens commun indique le contraire puisqu’en lançant une pierre, elle finit par retomber sur terre alors que si l’on pose un poids sur une balance, le ressort plie, ce qui indique la présence d’une force tout ce qu’il y a de plus tangible. Une masse est attirée vers la terre. C’est ce contexte qui a joué dans la physique de Newton, mécaniste dans son principe. Par contre, Einstein a tenté de résoudre une autre question : comment les masses déterminent-elles la géométrie de l’espace ? Il y a répondu en formulant une équation.
La résolution de ces équations permet de créer des objets théoriques fascinants, les trous noirs ? Que sont-ils et quelle est la nature de la gravitation ? Ces deux questions ont fait entrer la cosmologie dans une ère nouvelle, à partir des années 1970. Deux physiciens ont signé chacun un article remarqué, Jacobson (1995) et Verlinde (2010). On connaît la célèbre maxime d’Einstein selon lequel c’est la théorie qui décide des faits que l’on peut mesurer. On pourrait alors, en s’interrogeant sur la théorie, suggérer que c’est la question fondamentale posée qui forme le ressort d’une quête théorique dont l’aboutissement est la théorie accomplie. On comprend pourquoi l’évolution fut conçue parce que Darwin s’est demandé comment les espèces émergent dans la nature. Et on saisit également pourquoi en s’en remettant au récit biblique on ne peut pas aboutir à la théorie de l’évolution. Tout simplement parce qu’en considérant que la réponse est définitive, on s’interdit de poser la bonne question et d’enquêter sur la nature. Verlinde a donc posé une question que Newton et Einstein avaient occultée. D’où vient la « force de gravitation » ? Cette force fondamentale qui explique les phénomènes cosmologiques et la structuration de l’espace-temps, bref, cette force qui donne une « forme » l’univers et donne pour ainsi dire une « forme » spatio-temporelle à notre existence physique, avec une orientation et l’expérience consciente de la pesanteur. La gravitation est liée au principe d’inertie, dont découle également la mécanique moderne et ses applications, certaines étant « employés empiriquement » bien avant le développement de la mécanique rationnelle de Laplace et Lagrange. Par exemple, avec la possibilité d’envoyer une flèche sur la cible, ou alors d’utiliser une catapulte, ou enfin d’envoyer un boulet de canon vers sa destination.
Verlinde a en fait posé une question plus générale. Quelle est l’origine de l’espace-temps ? Lorsque cette structure émerge, elle amène son cortège de concepts pas si évidents que sont la position, la vitesse, l’accélération, la masse, l’inertie et bien entendu, les lois de la gravitation. Le point de départ, c’est le principe holographique. D’après Verlinde, ce principe est subtilement caché dans les lois de Newton et d’Einstein. On y accède par le biais des trous noirs qui pourraient stocker des informations sur des surfaces élastiques. Auquel cas, l’expansion de ces surfaces livreraient des détails à l’instar des figures apparaissant lorsqu’on gonfle un ballon élastique. Une question se pose alors. Qu’est-ce qui est plus fondamental, le principe holographique ou bien les lois de la gravitation ? C’est ici que Verlinde se révèle subtil en inversant ce que la plupart des physiciens pensaient alors. Pour le dire en une formule, l’univers formalisé par la cosmologie relativiste découle d’un processus régit par le principe holographique. Plus exactement, c’est une sorte de super-thermodynamique dont dérive la gravitation et donc, comme le formule Verlinde, les lois de Newton apparaissent à partir de concepts qui ne sont pas spatiotemporels et qui sont l’énergie, la température et l’entropie. La « force de gravitation » est donc conçue comme une « force entropique ». Ainsi s’expliquerait la mystérieuse « action à distance » qui intervient sans la « médiation » d’un champ de force interactif (reposant sur des quanta d’interaction).
Qu’on ne se trompe pas, la gravitation existe bel et bien comme une force mais celle-ci n’est plus fondamentale, elle dérive de lois plus profondes, celles d’une « thermodynamique holographique ». Comme le dit Verlinde, c’est une fois l’espace-temps constitué que la gravitation émerge et que la force gravitationnelle se conçoit comme une force entropique. Pour l’instant, ce n’est qu’une hypothèse, jouée notamment sur des raisonnements pointant des similitudes entre la théorie d’Einstein et la thermodynamique. Avec de plus un cheminement heuristique basé sur la configuration d’un polymère dans un milieu thermique. En vérité, on connaît au moins un principe permettant de trouver des similitudes mais d’une manière encore plus élargie. C’est le principe de moindre action. Lequel gouverne la mécanique rationnelle (Lagrange, Newton) la mécanique quantique (voir les travaux de Feynman) la thermodynamique (de Broglie) et la cosmologie relativiste (principe d’action stationnaire, voir M.A. Tonnelat). En suivant le raisonnement de Verlinde, on peut concevoir que l’action est plus fondamentale que l’espace et le temps. D’où l’importance d’une réflexion épistémologique mais aussi ontologique sur les origines des entités, constantes, formes et autres paramètres physiques.
Et c’est sans doute à ce stade que la métaphysique intervient, permettant de reformuler des descriptions afin de leur conférer un sens nouveau. L’univers est-il en expansion ou bien une expression ? Autrement dit, une structure qui se déplie à partir d’un élément plus fondamental. Le physicien Bohm avait déjà suggéré cette possibilité en concevant l’holomouvement et avant lui, le philosophe Nicolas de Cues pensait la nature comme une explicatio, autrement dit un dépliement issu de quelque chose replié, la complicatio. Si l’on revient à l’idée de Verlinde, l’univers est comme une espèce de ballon gonflé, avec des masses en mouvement et des rayonnements. Une trame invisible donne à l’univers sa forme exprimée et si on tente de bouger une masse, elle revient vers sa position naturelle en obéissant en quelque sorte aux règles de la disposition conforme. La gravitation n’est alors qu’une illusion mais cette illusion est parfaite. Le physicien croit que les masses s’attirent comme s’il y avait une force d’essence mécanique. En plus, cette force répond aux lois de Newton. C’est dire s’il est difficile de se dépendre de cette illusion.
Si j’ai bien saisi le propos de Verlinde, la gravité apparaît comme une force entropique mais attention, non pas comme une force active, dépendant de l’action, qui elle, est source d’entropie, mais une force réactive. L’espace-temps et la constante G apparaissent comme une réaction à la dispersion, à l’expression désordonnée de l’univers spatio-temporel structuré comme espace-temps, avec les rayonnements et les masses. Si une pierre retombe après avoir été lancée en l’air, c’est parce que l’univers réagit à cette action considérée, d’un point de vue physique, comme du désordre. L’univers est réglé dans sa disposition, tout en laissant une quantité d’entropie croître mais dans des limites fixées par la loi et s’agissant de la disposition des masses, cette loi s’appelle la gravitation.
Autant dire qu’une révolution se dessine en physique. Si du moins la piste holo-entropique, c’est ainsi que je la nomme, permet d’avancer plus loin. La « pensée divine » de l’univers a connu plusieurs phases. Le Dieu moteur de saint-Thomas, le grand architecte de Newton, l’univers auto-constitué de Einstein puis de Hawking qui dans son dernier ouvrage, marque son appartenance à l’ancienne période, celle d’Einstein, qui est aussi l’âge positif de la science, l’âge de l’immanence, qui rime avec décadence et innocence ! En 2010, on peut dire que l’univers holo-entropique renvoie à l’idée d’une instance transcendante, appelons-là Dieu ou autre chose, qui est un hologramme et qui, en nous inspirant d’une réflexion de Penrose, dépasse toute possibilité de calcul. Il y a une physique non calculable, qui intervient dans le cerveau (Penrose) mais aussi dans le vivant (cf. mon livre en attente d’édition, le sacre du vivant) et dans l’univers. Dieu est un hologramme, sorte d’hyper-computeur dépassant tout ce que l’homme peut concevoir comme ordinateur.
En vrac :
Action, h, réaction, G. L’action est locale, l’interaction aussi, particules ; c, vitesse de l’onde d’action électromagnétique, qui n’est pas locale mais singulière. La réaction est globale. G ; trame holographique. La Forme substanCielle. Les Miroirs métaphysiques.
Pensée : action réfléchie intérieurement. Intellect agent et patient. Réentrée des signaux, ondes récursives. Intellect Miroir.
Forme de l’univers. Espace-temps, relation entre les étants. Constante de Boltzmann, k, ex-pression des molécules, de l’action déployée dans l’espace-temps. Ex-pression des molécules dans un gaz parfait ou imparfait.
Dans un trou noir, l’ex-pression est impossible. Mais alors, tout est impression, vertige holographique ? Ou complicatio ?
Déplace une pièce, qui va se loger pour une autre figure. Le puzzle, piètre métaphore de l’hologramme divin.
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