L’un des pères du F-16 attaque en règle le chasseur F-35
40 ans après le F-16, le F-35 censé le succéder accumule problèmes de performance et de sécurité, retards et surcoûts. Car il a été conçu en faisant fi des principes qui avaient fait le succès du F-16, et avant lui des Mirage ! Pierre Sprey l'un des pères du F-16 attaque en règle les ambitions démesurées du F-35, y compris sa supposée furtivité, présentée comme son atout décisif...
Comme beaucoup d'autres, notamment aux Etats-Unis et au Canada, ou dans les pays d'Europe qui ont commandé le F-35, nous avions signalé les déboires à répétition du programme F-35 , l'avion le plus cher du monde. (Voir par exemple : "L'entente 'formidable' victime du fiasco du F-35", ou "L’industrie aéronautique militaire européenne à la croisée des chemins")
Mais à l'occasion d'un nouveau clouage au sol de ce chasseur, voilà que l'un des pères du F-16 (fabuleux succès, 4000 exemplaires vendus en 40 ans) apporte de l'eau à notre moulin, avec quasiment les mêmes arguments (nous mettons un bémol un peu plus bas), dans une interview accordée à CBC News :
- le désir d'avoir un avion très coûteux capable de remplir tout type de missions par opposition à plusieurs appareils spécialisés est irréaliste : les compromis nés de cette volonté font que l'avion finit par ne pouvoir accomplir aucune mission correctement
- les demandes incompatibles entre US Air Force, US Navy, et Marine Corps font dramatiquement baisser les performances de l'appareil. La capacité VTOL (décollage et atterrissage vertical) en est l'exemple le plus frappant, elle alourdit l'avion, le rend moins manœuvrable en vol et consomme énormément de carburant. Il ne peut alors plus soutenir les troupes sur le terrain efficacement et durablement, car il n'a pas assez de carburant pour survoler le champ de bataille pendant plusieurs heures et ne manœuvre pas assez bien pour acquérir rapidement les cibles au sol.
- même l'argument de sa furtivité n'en est pas un, et le F-35 n'est même pas bon pour bombarder, car les baies internes nécessaires à sa furtivité ne lui permettent pas d'emporter suffisamment de munitions. Et la furtivité aéronautique telle qu'elle est habituellement présentée est de toute façon une imposture, puisque les radars construits en 1942 lors de la seconde guerre mondiale sont capables de détecter n'importe quel aéronef furtif actuel. Ces radars basse fréquence et grande longueur d'ondes sont encore construits à l'heure actuelle, dans des versions modernisées depuis et sont librement vendus par certaines nations comme la Russie.
Pierre Sprey conclut que le F-35 n'est tout simplement bon à rien, si ce n'est à donner de l'argent à Lockheed Martin. Il estime que le coût unitaire par appareil attendra au final plus de 350 millions de dollars, car la plupart des nations étrangères partenaires du projet finiront par rétracter leurs offres d'achats, ce qui en augmentera considérablement le prix. Il prédit d'ailleurs que même les Etats-Unis n'achèteront au final pas plus de 500 avions.
Un contraste avec le Rafale saisissant
Nous ne partageons pas le scepticisme, selon nous excessif, de Pierre Sprey sur les avions multirôles, et le Rafale est la meilleure preuve qu'il est possible d'avoir un excellent compromis (il remplacera à terme 5 avions dans les flottes françaises, et a fait ses preuves sur plusieurs théâtres, dont Afghanistan, Libye, Mali.
Certes le Rafale n'a pas été engagé dans un combat aérien -comme d'ailleurs aucun des avions présentés comme concurrents-, mais il a été le seul avion déployé en Libye dès le premier jour des opérations, alors que les américains ont lancé 119 missiles de croisière pour détruire les défenses anti-aériennes, avant d'autoriser leurs avions à intervenir). Et plusierus observateurs indépendants ont noté les performances exceptionnelles du Rafale. Sur cet avion chasseur extrêmement polyvalent, et performant, voir par exemple les articles cités sur la page : mot-clé Rafale.
- Rafale appontant
- Sur porte-avions, la version Marine partageant 85% de pièces avec les autres versions.
Mais nous sommes bien d'accord que les ambitions du F-35 étaient bien trop larges, en particulier la volonté d'obtenir des capacités d'atterrissage et de décollage vertical avec les mêmes caractéristiques générales. (sur le F-35, sur lequel peu d'articles paraissent en France, voir les articles cités ici)
C'est tellement vrai que les trois versions du F-35 divergent au point de perdre beaucoup des avantages d'un dessin commun, tout en faisant chuter les performances de chaque version. Ce qui contraste singulièrement avec le Rafale, dont les trois versions -monoplace, biplace et Marine- partagent les mêmes pièces à 85%, ce qui permet de baisser fortement les coûts d'achat et de maintenance, sans nuire aux exceptionnelles performances et possibilités de chacune de ces 3 versions de l'avion.
Le rapport de la Rand Corporation, très pertinent, mais toujours délaissé 40 ans plus tard...
Rappelons également l'excellent rapport du think tank étatsunien Rand Corporation pour le compte de l'US Air Force, publié en 1973, qui concluait à "l'excellence et à la singularité de Dassault, malgré une taille sans commune mesure avec celle des firmes américaines". Suggérant "aux décideurs américains en matière d'avions de combat de ne point répugner à s'inspirer de l'exemple Dassault" dans ce domaine.
Est-ce un hasard si le F-16 a été conçu au même moment en respectant l'essentiel des leçons tirées de ce rapport, et qu'il a au passage remporté le "contrat du siècle" face au Mirage F1 de Dassault dans les années 1970 ?
En tout cas, force est de constater que près de 40 ans après, les concepteurs du programme F-35 ont tourné le dos à ces principes, et ce programme accumule comme par hasard :
- les problèmes de performance et de sécurité
- des retards énormes (déjà 7 ans, et beaucoup de problèmes n'ont pas encore été traités, la Cour des Comptes étatsunienne (GAO) soulignait en mai 2011 que seuls « 4% des capacités du JSF ont été validées par les tests en vols ou en laboratoire ». [1])
- et des surcoûts impressionnants : le montant de l'acquisition (déjà 395 milliards de dollars en 2011), soit une augmentation de 162 milliards de dollars, soit + 75% entre 2001 et 2011, sans compter que le montant en 2001 correspondait à 2866 avions, soit encore 17% de plus !
Le F-35 n'est pas seulement coûteux à l'achat, mais serait aussi très cher à l'utilisation, selon un rapport de la Cour des Comptes Australienne "Management of Australia's Air Combat Capability- F-35A Joint Strike Fighter Acquisition" : "Chaque F-35A devrait coûter 35 500 dollars (australiens ?) par heure de vol" [2] estimation qui est :
- bien plus élevée que les coûts d'heure de vol programmés du Rafale, qui devraient "selon le ministère de la Défense, diminuer à 10 000 euros pour les Rafale C et B, et à 7 000 euros pour le Rafale M en 2012" [3],
- et 3 fois plus élevée que les pourtant vieillissants F-18 australiens (11 770 dollars (australiens)/heure).
Et ceci bien que le F-35 soit mono-moteur, au contraire des bi-réacteurs Rafale et F-18 [4], et qu'il s'agit ici de la version la plus simple (F-35A) de cet avion 'le plus cher de l'histoire'.
Et alors que le Rafale peut emporter une charge exceptionnellement lourde, qu'il est plus polyvalent que le F-35 (à part le décollage et atterrissage vertical évidemment).
Et pour la petite histoire, voici ce que nous écrivions en 2012 sur les concepteurs du F-16 : "Étant donné la très mauvaise gestion du programme F35, et les très gros problèmes rencontrés et mal arbitrés apparemment, il faut croire que les excellents concepteurs du F-16 sont depuis partis à la retraite, sans avoir pu intervenir dans la conception du cet avion, et sans avoir rappelé les conclusions du rapport Rand Corporation... [5]."
[1] « Après plus de neuf ans de développement et quatre de production, le programme JSF n'a pas totalement démontré que le design de l'avion est stable, que les process de production sont matures, et que le système général est fiable ». Blog "Supersonique", 19 juillet 2011 "[F-35 / JSF : chronique d'un échec annoncé".
[2] Blog Eric Palmer, 28 septembre 2012 "Using American dollars, each F-35 is expected to cost $35,500 per flying hour."
[3] "Les avantages indéniables du Rafale vs l'Eurofighter"
[4] Le coût de l'heure de vol est très lié à celui du coût d'entretien du ou des moteurs.
[5] Sur le rapport Rand Corporation, 1973, lire le très instructif commentaire de F.Boizard "Un peu de culture industrielle : la réussite de Dassault Aviation vue par les Américains".
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