Phébus a battu Superphénix
Pendant qu’au Japon, le nucléaire s’enfonce toujours plus gravement dans une crise sans fin, la première centrale photovoltaïque française reliée au réseau a fêté le 15 juin à Brégnier-Cordon, et à L’Huis, ses 20 ans d’existence paisible et efficace.
J’y étais, en temps que l’un des 3 premiers acteurs historiques de cette belle aventure.
Avec Marc Jedliczka, aujourd’hui directeur d’Hespul, (lien) l’enfant de Phébus, et Thierry Girardot, nous cherchions une idée positive pour contester le surrégénérateur de Creys-Malville, appelé à tort « superphénix », dont nous voulions obtenir l’arrêt. lien
En effet, le Phénix, cet oiseau mythique qui renaissait de ses cendres, n’avait pas grand-chose à voir avec Superphénix, la centrale nucléaire, laquelle aurait pu réduire le pays en cendre. lien
Lors de cette journée mémorable nous nous sommes lancés dans une séance de « brainstorming », et il en est né ce projet novateur : une centrale photovoltaïque raccordée au réseau. lien
Bien sur, des centrales de ce type existaient déjà, mais elles ne produisaient que du 12 volt, et il fallait trouver le moyen de produire du courant compatible avec celui du réseau actuel.
Nous savions qu’à Genève, un ingénieur, et ex-élu genevois, Max Schneider, avait lancé un projet original : des petites voitures électriques pour la ville, vendues avec leur mini-centrale solaire qui permettait d’en recharger les batteries. lien
Pour convertir les 12 volts en 220 volts, il utilisait un onduleur, et nous primes rendez vous avec cet homme novateur.
Notre trio s’était élargi entre temps, et nous étions déjà une bonne vingtaine pour le rencontrer à Genève, et visiter l’une de ces centrales photovoltaïque.
Une fois toutes les données en main, il nous fallait trouver les 75 000 francs nécessaires à financer cette installation, laquelle serait installée chez un militant anti-nucléaire de longue date, Georges David dont la maison, située de l’autre coté du Rhône faisait face à la centrale nucléaire de Creys-Malville.
Nous disposions des adresses de tous les comités Malville de France, et nous avons alors proposé à chacun d'acquérir une part de cette future centrale, moyennant 500 FR.
En quelques semaines, il y avait assez de souscripteurs (et même du bonus, avec lequel nous avons publié une petite plaquette portant sur les énergies propres) pour lancer la construction de la centrale.
La date du 15 juin 1992 n’avait pas été prise au hasard, « super » phénix étant tombé, une fois de plus en panne : si le surrégénérateur utilisant pour son refroidissement du sodium liquide si dangereux, prenant feu spontanément au contact de l’air, et explosant au contact de l’eau, n’avait pas redémarré à cette date, cela impliquait une nouvelle enquête d’utilité publique.
La suite, on la connait, le 19 juin 1997, Lionel Jospin annonçait la fermeture de Superphénix (lien) qui n’aura, en fin de compte, en 12 ans de fonctionnement pas produit plus d’énergie que la petite centrale photovoltaïque « Phébus », puisqu’aujourd’hui encore, faisant revivre la légende de David et Goliath, le célèbre surrégénérateur continue de consommer du courant, afin de maintenir liquide le sodium du circuit de refroidissement, et son bilan énergétique est donc négatif. Lien
Entre le 14 janvier 1986, date de son couplage au réseau, et la fin de 1996, Superphénix n’a produit qu’environ 5 milliards de kWh ; pendant ces années, il a été à l’arrêt environ 10 ans, consommant 13 milliards de kWh, et depuis sa fermeture il continue à consommer du courant. lien
Superphénix en fin de compte, d’après un rapport de la Cour des Comptes a couté plus de 9 milliards d’euros (lien) et sa déconstruction coutera au moins la même somme, sans pour autant de solutions pour gérer les 38 000 blocs de béton au sodium, les 14 tonnes de plutonium, sans oublier les 25 000 tonnes d’autres déchets radioactifs qui en résulteront. lien
La centrale nucléaire aura fonctionné à peine 20 mois en 20 ans et si l’on additionne construction et démantèlement, ce seront quasi 20 milliards d’euros qui auront été jetés par la fenêtre. lien
Les pannes à répétition ont eu raison de cette technologie présentée d’avant-garde : en effet, lorsqu’a 2 reprises, des évènements censés ne se produire qu’une fois tous les 100 000 ans et s’étant produit au bout de quelques mois, on peut logiquement s’interroger sur la fiabilité des prévisions, et des techniques utilisées.
Il faut croire que la leçon n’aura pas suffit, puisqu’aujourd’hui, en Finlande, l’EPR qui devait ne couter que 3 milliards d’euros, en a déjà couté plus du double, et qu’il s’achemine tout doucettement vers un échec identique à celui de « Superphénix », au vu des défauts de construction, et des lacunes technologiques dénoncées.
Lionel Jospin en porte pour partie la responsabilité.
En effet, s’il est vrai qu'il a tenu la promesse d’arrêter la centrale de Creys Malville, il n’a pas tenu celle du moratoire sur la construction de nouvelles centrale.
Il est possible que ce reniement soit l’un des facteurs de la chute de l’ex-premier ministre lors de l’élection de 2002, comme l’estime Noel Mamère, lequel a obtenu lors de cette élection le meilleur score des écologistes (5,25% des voix), alors que Jospin se retrouvera finalement évincé du second tour. lien
Le 15 juin, Phébus aura donc fêté ses 20 ans, faisant mentir les détracteurs qui affirmaient qu’au bout de 10 ans, les panneaux auraient perdu beaucoup de leur efficacité.
Or aujourd’hui, s’il est vrai qu’ils ont perdu 8,3% de leur puissance initiale, grâce à un onduleur plus performant, et à une activité solaire accrue, la centrale produit au moins autant d’énergie qu’il y a 20 ans. lien
Aujourd’hui le prix des panneaux photovoltaïque a chuté, et malgré le mauvais coup de l’ex-président, dirigé contre les énergies propres, la filière solaire ne baisse pas la tête, malgré l’énorme retard pris, entre autres, sur nos voisins allemands.
Les énergies renouvelables tiennent salon tous les ans à Lyon, à Eurexpo, dans la 2ème quinzaine de février, même s’il leur reste beaucoup de chemin à faire pour atteindre l’objectif de 23% en 2020. lien
Fukushima continue à menacer, et l’arrivée d’un typhon, appelé Guchol ne va rien faire pour rassurer les japonais, d’autant qu’il pourrait faire des dégâts dans la région de Tokyo, éloignée d’environ 200 km de la centrale dévastée. lien
Avec des rafales à près de 260 km/h, la menace sera sur les côtes japonaises le 20 juin prochain, et la piscine du réacteur n°4 sera l’objet de toutes les attentions, d’autant qu’à ce jour, la communauté internationale n’a toujours pas décidé d’intervenir en urgence, afin d’enlever de cette piscine les 264 tonnes de combustible nucléaire, opération que Tepco n’envisage pas d’entamer avant 3 ans.
Pourtant la piscine fuit, elle penche, elle est l’objet de pannes de refroidissement à répétition, et se trouve perchée à 20 mètres au dessus du sol. lien
Les autorités de Fukushima sont de nouveau montrées du doigt pour avoir stoppé brutalement une enquête sur la radioactivité lancée en avril 2011, et qui portait sur l’exposition aux pollutions nucléaires d’une centaine d’habitants de la région de Fukushima, aux fins d’empêcher la population de « se poser des questions » sur la situation sanitaire dans ce secteur, pratiquant ainsi une politique de l’autruche de mauvais aloi. lien
Comme dit mon vieil ami africain : « plonger la tête dans le sable ne met pas l’autruche à l’abri de la gourmandise du lion ».
L’image illustrant l’article provient de « dissident-media.org »
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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