Ethique de la presse
Dans le cadre de la Fête de l’Internet dont le thème cette année est « Tous acteurs, tous médias ! », Edgar Morin a choisi d’aborder le thème de l’éthique de la presse.
Il y a un préliminaire à l’éthique de la presse. C’est celui de la nécessité d’une pluralité : pluralité des sources d’information et pluralité dans l’expression des opinions. Quand il y a une seule source monopolisant l’information, comme dans les sociétés totalitaires, il est impossible de connaître, non seulement des événements importants, mais la réalité même d’une société. Ainsi il fut impossible, en s’en tenant à la seule source soviétique ou nazie, de prendre connaissance d’un système concentrationnaire anéantissant des millions de personnes.
La pluralité des sources et la pluralité des opinions assurent ce bien qui conditionne l’éthique, et qui constitue de lui-même une vertu éthique : la liberté.
L’éthique de presse suppose une religion de l’information. La religion de l’information signifie reconnaître l’événement nouveau, le considérer, le contextualiser. Une information ne prend sens que dans son contexte, géographique, culturel, historique, politique, etc. Et l’éthique de la presse doit se vouer à contextualiser l’information pour lui donner sens. Même si elle contredit ses idées ou simplement le dérange, le journaliste doit non occulter mais fournir l’information.
La religion de l’information tend d’elle-même à se dégrader en
religion du sensationnel, qui elle-même se dégrade en pseudo-sensationnel comme
pour des événements mineurs ou secondaires gonflés et exagérés. La concurrence
entre médias pour la priorité dans la fourniture de l’information tend à réduire,
voire à supprimer les préalables nécessaires pour vérifier la fiabilité de
l’information. Ainsi, dans l’affaire récente de la jeune femme qui s’est
dite
agressée dans un train de banlieue par des loubards antisémites, il y a
eu dans la presse, comme dans les autres médias, défaillance de la vérification.
L’information doit être intégrée, mais une trop grosse intégration désintègre l’information dans un système rationalisateur qui déforme son sens pour nourrir idéologie ou propagande.
Alors je dirais que l’éthique de la presse nécessite :
* de la
part des citoyens :
o l’attention critique à la pluralité des sources et
l’examen critique de la pluralité des opinions
o la conscience que
l’information pure a faible valeur explicative et que l’information trop bien
intégrée (d’une intégration qui détruit la surprise et la nouveauté qu’apporte
toute vraie information) a également faible valeur explicative
* de la part
des journalistes :
o une éducation à la problématique de l’information, une
conscience de tous les paris que comportent chaque jour la sélection de certaines
informations et le rejet d’autres (qui sont alors anéantisées)
o une
attention soutenue à la vérification
o une éducation à la complexité qui
permet de relier l’information dans les ensembles où elle se situe et de
concevoir les ambiguïtés et contradictions du devenir humain
o un sens de
l’ère planétaire où se situent de plus en plus tous les grands problèmes
politiques, sociaux, humains
o une capacité à se décentrer du point de vue
hexagonal, et européocentrique, pour essayer de comprendre, dans sa diversité et
son unité, la réalité humaine.
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