Casanova : « Le mérite de la position de Bayrou, c’est le courage moral »
Le directeur de la revue « Commentaire » défend l’idée d’une coalition des centres droit et gauche.
LE FIGARO. - François Bayrou dit aux Français qu’en votant pour lui, ils vont briser l’affrontement droite-gauche. Est-il crédible de nier, dans une démocratie moderne, l’idée de confrontation entre une majorité et une opposition ?
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Casanova : Aucun gouvernement n’a pu s’attaquer sérieusement à la réforme des études universitaires, de l’éducation, de la Sécurité sociale ou des régimes spéciaux de retraite.
Charles Jaigu LE FIGARO : Que faut-il en conclure ?
Jean-Claude Casanova : Deux interprétations sont possibles. Ou
bien on suppose que les Français ne seront jamais capables de faire les
réformes que font les autres Européens. Ou bien on pense que les
mécanismes politiques ne permettent pas de constituer une majorité de
gouvernement suffisamment large et suffisamment représentative de tout
le pays. J’opte, comme Bayrou, pour la deuxième interprétation : la
France serait mieux gouvernée par une coalition large, comprenant le
centre droit et le centre gauche, comme en Allemagne actuellement, où
gouverne une large majorité avec une petite opposition.
LE FIGARO : Angela Merkel semble avoir beaucoup de mal. Des
économistes allemands n’ont-ils pas jugé récemment que la « grande
coalition » produit un « zigzag sans stratégie perceptible » ?
CASANOVA : Je ne suis pas d’accord. Je suis persuadé que dans
les années qui viennent, le train de réforme aura mis l’Allemagne dans
une meilleure position que la France. C’est déjà le cas pour la
compétitivité internationale. L’Allemagne a des problèmes d’adaptation
à la mondialisation similaires aux nôtres. Comment conserver un système
social solidaire et protecteur dans une économie ouverte et avec une
population vieillissante ? Comment faire face à l’afflux de
l’immigration ? Pour le moment, les réformes me paraissent se faire
plus rapidement et être mieux acceptées par la société allemande. A
contrario, en France, on assiste à d’absurdes joutes. Le PS dit des
contre-vérités sur les 35 heures pour plaire à l’extrême gauche. Et M.
Sarkozy sur la hausse des prix qu’il impute à l’euro, pour plaire à son
extrême droite. L’un et l’autre sont timides sur l’Europe pour la même
raison.
Bayrou a choisi, par opportunisme disent ses détracteurs, et pour exister politiquement, une position qui est sans doute plus téméraire que ce qu’il est vraiment. Peu importe ses raisons. Son positionnement est très intéressant.
Maintenant il est emporté par la vague qu’il a soulevée, et toute l’incertitude sera de savoir s’il se montrera capable de répondre aux attentes qu’il a soulevées, d’assurer un bon management, de faire émerger une équipe capable de travailler ces sujets.
Bayrou a la réputation d’être un solitaire. Ce qu’il défend comme politique implique un travail d’équipe. Saura-t-il constituer cette équipe d’ici à 2007 pour devenir crédible ?
« personalités politiques où Bayrou n’apparait qu’en dixième position. »
Le buzz sur les personnalités comprend toutes les réactions polémiques et allergiques. Sarkozy est cité à tout propos sur le Web, en dehors même de son actualité, sa notoriété dépasse de beaucoup celle de son parti.