Lorsque l’on parle des institutions, il n’est jamais inutile de revenir aux textes, afin de mettre en regard la lettre et la pratique.
Marianne propose ainsi que le président préside, « exerce sa fonction d’arbitre ». Or, la constitution ne dit pas autre chose en son article 5 : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat (...) ». De même, lorsque l’on parle de faire du Premier ministre le véritable dépositaire du pouvoir exécutif, que dit-on qui ne soit pas disposé par la Constitution ? « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » (art 20), « Le Premier Ministre dirige l’action du Gouvernement. (...) Il assure l’exécution des lois ». Pour donner encore un exemple, une lecture stricte du Texte, le Président ne nomme et ne démet les ministres que sur « proposition » du Premier d’entre eux ; la démission de celui-ci, dans la même optique,ne peut être que volontaire (art.8).
Il n’est pas question, bien entendu, de contester le fait que, dans la pratique, les choses ne fonctionnent pas ainsi : le Président joue un rôle prépondérant dans le pouvoir exécutif, et l’on sait bien que la composition du Gouvernement ou sa démission sont d’abord de son fait.la notion d’arbitrage, déjà ambigüe en elle-même, a pris un sens tout autre que celui qu’on avait affecté de lui conférer en 1958, c’est-à-dire une application impartiale et mécanique des dispositions de la Constitution. A cela, il y a différentes raisons, mais l’une d’entre elles a été particulièrement déterminante :
« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel » (art.6)
Toutes les pratiques qui ont pu faire parler de « monarchie républicaine » trouvent leur origine dans le fait que le Président, élu directement par le peuple, dispose exactement de la même légitimité que l’Assemblée nationale, voire même d’une légitimité supérieure puisque c’est un seul et même homme qui concentre sur lui l’onction du suffrage universel. Que peut, face à un tel poids politique, un Premier ministre, qui plus est choisi par le Président ? en dehors des périodes de cohabitation (dont on a pu dire que c’étaient les seules durant lesquelles les institutions de la V° République fonctionnent tel que le prévoit la Constitution), c’est le Président qui domine.
Pour réduire les pouvoirs du président de la République (si tant est que cela soit souhaitable, ce n’est pas mon sujet ici), la solution la plus radical, au sens propre du terme, consisterait simplement à ne plus le faire élire au suffrage universel, mais par l’Assemblée nationale, comme sous les Républiques précédentes, où c’étaient bien les présidents du Conseil qui avaient alors un rôle prépondérant. Cette méthode, conjuguée à un scrutin proportionnel pour les législatives, permettrait de plus l’élection de personnalités faisant l’objet d’un relatif consensus et capables de se situer véritablement au-dessus des partis.
Réduire les pouvoirs du Président en les bornant expressement dans le texte de la Constitution, tout en conservant son élection au suffrage universel, n’aurait en effet pas de sens. A quoi bon conférer à une institution la légitimité nationale si c’est pour la dépouiller de toute prérogative d’imporante ?
Une autre solution, enfin, serait de laisser au Président des pouvoirs importants, mais d’augmenter conséquemment sa responsabilité, actuellement quasi-nulle, par exemple en lui faisant obligation de venir régulièrement s’exprimer devant le Parlement, qui voterait ensuite une résolution ; ou encore en disposant que, pour certaines matières d’intérêt national, telles que les droits et libertés fondamentaux, le référendum soit obligatoire.