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Commentaire de Human Iste

sur Plaidoyers pour la démocratie


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Alban Dousset Human Iste 30 juin 2014 12:43

Bonjour Micnet,

Contrairement aux apparences, j’apprécie la contradiction ainsi que les réponses argumentées et développées. Je regrette d’avoir postulé votre malhonnêteté intellectuelle et vous accorde « le bénéfice d’avoir de réelles convictions, fussent-elles complètement erronées à mes yeux ».

Je conviens que les philosophes, au moins Platon et Socrate, étaient critiques vis-à-vis de la démocratie. Se considérant comme les « meilleurs », il est logique que ces philosophes aspirent à une aristocratie.

Je continue de penser que votre raisonnement est inadéquat. Vous partez de symptômes :

- La liberté individuelle considérée comme le bien le plus précieux. (= individualisme)

- La perte de crédibilité des gouvernants.

- Une inversion des valeurs traditionnelles.

- Une critique du « métèque » devenant « l’égal » du citoyen.

Pour conclure que notre système politique est une « démocratie dans l’esprit » de la démocratie athénienne.

Selon moi, votre raisonnement est critiquable car :

1) L’interprétation que vous livrez des textes de Platon est incorrecte.

2) Un système politique n’est pas ce qu’il semble être mais ce qu’il est intrinsèquement. (En cela, il ne se définit pas par les symptômes qu’il paraît engendrer.)

 

La liberté individuelle considérée comme le bien le plus précieux. (= individualisme) :

« La liberté ? En effet, dans une cité démocratique, tu entendras dire que c’est le plus beau de tous les biens, ce pourquoi un homme né libre ne saurait habiter ailleurs que dans cette cité. (…) Lorsqu’une cité démocratique, altérée de liberté, […] »

Dans cet extrait, ce n’est pas la démocratie mais la liberté qu’elle engendre qui est critiquée. Or, si je reconnais que notre système politique a érigé la liberté individuelle en bien suprême, cela n’implique pas que notre système politique soit démocratique.

 

La perte de crédibilité des gouvernants :

« Elle loue et honore, dans le privé comme en public, les gouvernants qui ont l’air d’être gouvernés et les gouvernés qui prennent l’air d’être gouvernants. »

Dans notre système actuel, le paradoxe de la « perte de crédibilité des gouvernants » tient au fait que les gouvernants n’ont absolument pas l’air d’être gouvernés par les gouvernés. Il donne même l’impression de se foutre complètement de leurs opinions (Cf traité constitutionnel européen)… En cela, notre système politique actuel est l’exact opposé de la démocratie athénienne.

 

Une inversion des valeurs traditionnelles :

Dans notre société, je n’ai pas l’impression que les gouvernés « dominent » les gouvernants. [Par ailleurs, la problématique de « l’enfant-roi » est tout aussi présente en Chine dont l’aspect démocratique est encore plus contestable que le notre…]

Selon moi, c’est encore la liberté individuelle en tant que bien suprême qui est en cause. Par essence, la liberté individuelle s’oppose au jugement moral. Or, lorsque la liberté individuelle est érigée comme un « bien suprême », elle affaiblit et dégrade le jugement moral. A mon sens, il n’est pas pertinent de parler d’une « inversion des valeurs traditionnelles ». Cela ressemble davantage à une érosion, c’est-à-dire une lente détérioration, de la morale traditionnelle. Cette érosion s’incarne, par exemple, dans les mouvements étudiants de mai 68 qui proclament la liberté comme « bien suprême ».

 

Une critique du « métèque » devenant « l’égal » du citoyen :

Ici, je crois qu’il faut relativiser les propos de Platon : sauf erreur de ma part, dans la démocratie athénienne les métèques n’ont jamais eut les mêmes droits que les citoyens… Ainsi, lorsque Platon déclare « l’anarchie gagne jusqu’aux animaux », « le fils s’égale à son père », « le métèque devient l’égal du citoyen », le philosophe use simplement d’ironie dans sa dialectique.

Par ailleurs, je crois que transposer cela en une « immigration massive et incontrôlée » est abusif. La problématique de notre immigration tient au dogme du néolibéralisme économique (déployé dans les années 80 par Reagan et Tatcher) qui aspire à la « mise en concurrence des travailleurs et nivellement par le bas des salaires et des droits sociaux ». Selon moi, le renoncement partiel à la maîtrise de nos flux migratoires n’est pas lié à un excès de démocratie mais à un manque de démocratie : 70% des Français se sentent proches de l’idée selon laquelle « il y a trop d’étrangers en France » [Cf http://www.ipsos.fr/ipsos-public-af...]

 

Enfin, je préfère penser que je crois en « l’Homme » plutôt que « aux hommes ».

Ma vision de la démocratie n’a rien d’intégriste, elle est relativement souple et conduit à une souveraineté populaire plus marquée. Selon moi, la démocratie n’est pas un « absolu » politique à conquérir mais un système politique qui se construira pierre après pierre. Les systèmes politiques ne sont pas seulement le fruit de conquêtes politiques mais également l’avènement d’un désir social (pour moi, ce n’est pas un hasard si la démocratie s’est déployée dans les sociétés occidentales au cours de ces 200 dernières années.). Or, le désir social est lui-même fonction de notre société qui est parfois elle-même amenée à évoluer suite à des mutations média.

A ce titre, je vous recommande les conférences de Benjamin Bayart : http://www.youtube.com/watch?v=yBmz29_5ffA

Me concernant, la démocratie (réelle) est plus qu’une ambition politique de jeunes gens idéalistes… elle est le sens de l’histoire.

 

Il y a un véritable danger à songer que le problème viendrait d’un excès de démocratie plutôt que d’un manque de démocratie. La démocratie et le libéralisme ne sont que des idéaux nobles qui, servant à légitimer les pires exactions commises par les classes dominantes (« guerre pour la justice ou la démocratie », « servitude volontaire »…), sont dévoyés et corrompus au dernier degré. C’est ici que se noue le drame : quoi de mieux qu’un idéal dévoyé pour justifier son strict contraire : « Notre démocratie libérale est corrompue ? Zut, c’est de la faute du libéralisme et de la démocratie, faisons donc une dictature ! »


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