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Commentaire de République et Socialisme 77

sur Au Sénat, union sacrée PS-droite pour supprimer les élections prud'homales !


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République et Socialisme 77 République et Socialisme 77 19 octobre 2014 04:00

Votre commentaire appelle une réponse sur deux plans.

D’abord, sur la teneur de votre propos.

Premièrement, vous vous trompez, j’ai voté aux élections prud’homales de 2008 (pour celles de 2002 et avant, je n’étais pas encore salarié).

Deuxièmement, ce n’est pas 15% du corps électoral mais 25% en 2008 (33% en 2002, la participation n’a fait que baisser depuis 1979, en grande partie faute de publicité, une grande majorité des salariés ignorant l’existence de ces élections et le rôle des Conseils de Prud’hommes), ce qui est certes peu mais néanmoins largement supérieur, par exemple, à la participation aux élections des Chambres de Commerce (moins de 20% de participation).

Troisièmement, les élections professionnelles ne mobilisent pas beaucoup plus, puisque sur les élections professionnelles qui se sont déroulées sur 4 ans de 2009 à 2013, la participation n’a été globalement que de 29%, tandis que le taux de participation aux élections des chambres d’agriculture (collèges salariés, c’est-à-dire 3A et 3B) n’a été que de 16% (et encore, il aurait été inférieur à 15% sans le collège 3B) et celui aux élections TPE n’a été que de 10%. Or c’est sur la base de ces trois élections (dont la principale est constituée par la collation opaque et invérifiable des résultats de scrutins organisés sur une durée totale de quatre ans pour un renouvellement complet des comités d’entreprise et délégués du personnel !) que se fonde l’audience syndicale, qui offre la mesure de la représentativité syndicale d’après la loi de 2008.
Donc parer l’audience syndicale mesurée d’une légitimité de représentation quand on rejette la légitimité de la représentation des élections prud’homales sous le prétexte de l’abstention, c’est une grande mauvaise foi. En tout et pour tout, les élections qui fondent la représentativité syndicale ont attiré les suffrages de seulement 5 456 527 salariés. Le ministère du travail ose écrire sur son site internet « soit plus de suffrages qu’aux élections prud’homales », en omettant soigneusement de préciser de combien. Et pour cause : ce sont seulement 695 773 voix de plus qu’aux élections prud’homales de 2008 qui ont fondé l’audience syndicale mesurée et donc la représentativité syndicale. Ceci, je le rappelle, alors que les élections professionnelles disposent d’une publicité autrement plus importante que les élections prud’homales et de conditions de vote bien plus simples (vote sur le lieu de travail, alors que pour les élections prud’homales il faut se rendre en préfecture).

Ensuite, sur le fond de votre considération.

Les élections prud’homales ne sont pas des élections parlementaires. Elles ne visent pas à élire des représentants. Ce sont des élections judiciaires, pour élire des juges d’une juridiction de premier degré (comme les Tribunaux de Commerce, les Tribunaux d’Instance et les Tribunaux de Grande Instance), en l’occurrence la juridiction compétente pour juger les litiges en matière de droit du travail. Il n’y a donc aucune raison de considérer les Conseillers Prud’hommes comme des représentants, ni a fortiori que les salariés qui votent pour un Comité d’Entreprise (qui peut être élu sur des choses aussi étrangères au droit du travail que l’obtention d’un chéquier de tickets restaurants) le font pour les mêmes raisons qu’ils voteraient pour les défenseurs du droit du travail.
Et d’ailleurs l’écart entre le nombre de CE et DP d’étiquette CFDT et les suffrages obtenus par la CFDT aux élections prud’homales en témoigne : si la CFDT est la première centrale en termes d’adhérents et de représentants dans les entreprises, en revanche, elle se fait largement dominer par la CGT à chaque élection prud’homale. Tout simplement car nombre de salariés estime manifestement que si les représentants CFDT dans l’entreprise obtiennent de leurs directions des dispositions et avantages satisfaisants, les syndicalistes CFDT ne sont pas forcément pour autant de bons défenseurs du droit du travail, et qu’au contraire les syndicalistes CGT sont autrement plus rigoureux et efficaces en la matière.

Que diriez-vous si, sur la base du vote aux élections municipales, on chargeait les partis ayant franchi un certain seuil global au niveau national de nommer au prorata des voix obtenues les députés à l’Assemblée Nationale ? Vous diriez probablement qu’il est illégitime de déduire du résultat d’une élection particulière avec ses enjeux propres la volonté des électeurs concernant de toutes autres fonctions nécessitant leur propre élection, et vous auriez raison. Et bien c’est la même chose ici : de la même manière qu’il y a une différence entre le rôle d’un maire et celui d’un député, il y a une différence entre le rôle d’un représentant du personnel et celui d’un conseiller prud’hommes.

J’ajouterai pour finir qu’il y a tout de même un élément qui modifie fondamentalement la donne, c’est le fait que les stagiaires, les retraités et les chômeurs se retrouvent de fait exclus du dispositif de choix des conseillers prud’hommes. En effet, autant les stagiaires, les chômeurs et les retraités depuis moins de 10 ans avaient le droit de voter aux élections prud’homales (sur autorisation préfectorale), autant dans la mesure de l’audience syndicale, ils n’ont à aucun moment les moyens de s’exprimer puisque ne pouvant pas voter aux élections professionnelles. On parle pourtant là de décider des défenseurs du droit du travail, droit auquel les stagiaires sont soumis, auquel les chômeurs seront soumis dès qu’ils auront retrouvé un emploi, et auquel les retraités récents peuvent être soumis à nouveau s’ils décident de reprendre un emploi (par exemple dans le cadre d’un contrat de génération).
De la même manière, les salariés depuis moins de 3 mois dans l’entreprise ne peuvent pas voter aux élections professionnelles, disposition prise pour éviter les truquages trop flagrants desdites élections professionnelles de la part de certaines directions qui pratiquaient jusque dans les années 1980 des embauches massives de complaisance juste le temps d’élire un comité d’entreprise « jaune ». Pourtant, à eux comme aux autres, le droit du travail s’applique, mais comme les stagiaires, les chômeurs et les retraités depuis moins de 10 ans, ils se retrouvent purement et simplement exclus du nouveau dispositif permettant de sélectionner les défenseurs du droit du travail.


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